12 conseils pour se faire une place dans le journalisme

Mar 12, 2021 en Bases du journalisme
Une jeune femme avec une caméra, dans le vent

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Comment se faire une place dans ce secteur si concurrentiel qu'est le journalisme ? Le journalisme s’apprend-il à l’école ? Tout le monde peut-il devenir journaliste ? Ces interrogations et bien d’autres ont été au cœur du 35e webinaire organisé le 4 mars dernier dans le cadre du Forum de Reportage sur la Crise Sanitaire Mondiale une initiative du Centre International pour les Journalistes (ICJF en anglais) basé à Washington, lancé en partenariat avec le Réseau International des Journalistes (IJNet).

 

 

Pour débattre de celles-ci, Kossi Balao, le directeur du Forum Francophone de l’ICFJ a reçu Vincent Duhem, journaliste à Jeune Afrique depuis 2012, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest et centrale, il couvre en particulier le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et la République centrafricaine. Mais également, Massinissa Benlakehal, journaliste correspondant de presse qui couvre les régions du Sahel et du Maghreb pour Aljazeera, Africa News, Middle East Eye et la chaîne TRT World. Il est aussi formateur et consultant média.

Ils ont rassemblé pour vous les conseils pour débuter et se faire une place dans le journalisme.

Il y a 1001 façons de devenir journaliste

Pour Vincent Duhem, il existe mille et une manières de devenir journaliste, encore plus avec l’expansion du numérique. La façon la plus classique et utilisée durant de nombreuses années consiste à suivre une formation en journalisme dans une école.

"Mais aujourd’hui, il y a beaucoup de parcours différents, des expériences variées qui peuvent nourrir le journalisme. C’est ce qui donne de la richesse aux médias. Des gens qui viennent d’un peu partout et qui ne sont pas issus du même moule".

Donc, il ne croit pas que le journalisme s’apprenne forcément à l’école. Même dans les formations dispensées par les écoles, il y a plusieurs manières de faire. "Il y a des formations en alternance [...] On se rend compte quand même, on apprend beaucoup et beaucoup plus par l’expérience. Donc, par le travail dans les rédactions", soutient-il.

D’ailleurs, c’est par cette voie qu’il est entré dans le métier après une maîtrise en Histoire africaine.

Faire la différence

Selon M. Vincent, quand on est journaliste, on doit être exemplaire. "L’éthique, c’est quelque chose qui fait la différence".

Il considère le journalisme comme un métier qu’on a la chance de faire. "On peut dire que c’est une passion. [...] Je ne peux pas dire que c’est un métier facile", nuance-t-il, rappelant que la journée d’un journaliste est variée du fait qu’on couvre des sujets différents mais aussi si on est attaché à une rédaction ou travaille en freelance

Curiosité & ouverture 

Pour sa part, Massinissa Benlakehal, journaliste correspondant de presse qui couvre les régions du Sahel et du Maghreb affirme que l’une des qualités indispensables pour un journaliste, c’est la curiosité. "Il faut vraiment être curieux. Essayer de toujours chercher à comprendre. Toujours aller vers le détail."

ll faut vraiment être humain, être tolérant, ne pas juger et ne pas avoir de préjugés. Idéalement, ce serait de toujours sentir l’autre et aller vers lui, dit-il en plaidant pour l’humain, le contact vers l’autre et comprendre ses besoins. Parce que quelque part, il y a toujours ces personnes qui n’arrivent pas à se faire entendre. "Donc, c’est là que nous devons être leur porte-voix".

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Il estime qu’une bonne culture générale est nécessaire. Pas forcément en début de carrière, cependant. Mais elle viendra, rectifie-t-il. 

Soyez patients

Plus loin, il n’a pas cessé de faire l’éloge de la patience. Patience encore, patience toujours. "Tout le monde peut essayer, mais tout le monde ne peut pas avoir la patience", souligne-t-il, rappelant que depuis des années des rédactions commencent à réduire leur budget et des journalistes se voient obligés de changer de métier.

Il faut vraiment avoir de la patience pour tenir le coup. Parce qu'il y a des hauts et des bas et que chaque journée est différente.

Se démarquer par ses choix...et ne pas avoir peur de l'échec

"Aujourd’hui, il faut se démarquer par ce qu’on fait", explique M. Vincent. Il rappelle toujours qu’il y a un grand besoin de journalistes fiables. Pour lui, les sujets environnementaux sont une piste pour se démarquer.

Pour pouvoir faire la différence, selon Massinissa Benlakehal, il faut ne pas avoir peur de l’échec. "Il faut tenter vraiment sa chance, essayer tous les sujets."

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Lui personnellement pour se démarquer, ne choisirait pas des sujets politiques – mais plutôt des thématiques de société, de culture, de la migration, etc. Au début, quand on commence, il faut toucher à tout. Société, culture, généralité … Mais après, il faut se spécialiser. 

Se spécialiser

"En se spécialisant on devient expert. En devenant expert, on apporte de la valeur ajoutée. Dans un monde médiatique où il y a beaucoup de bons journalistes si on veut se démarquer il faut qu’on ait des informations plus sûres que les autres. Soit avoir une spécialité ou une expertise que les autres non pas. Le risque, c’est d’être mise dans une case et donc de ne pas pouvoir faire autre chose", a insiste M. Duhem.

Pour se spécialiser, Vincent Duhem assure que ça dépend de soi et du contexte autour de nous … des facilités de notre situation sociale, professionnelle et économique. Et ensuite, comment faire : Il faut travailler, il faut se renseigner, il faut apprendre, il faut lire, regarder des films documentaires, parler à des gens. Il faut se renseigner si on veut se spécialiser. Il faut acquérir des connaissances. 

Massinissa Benlakehal croit qu’il faut se donner quelques années avant de pouvoir se spécialiser. Cela permet de voir les choix que nous avons devant nous. Le plus important c’est de s’entourer de personnes qui ont de l’expérience dans le sujet qu’on veut traiter ou la thématique et d’apprendre d’eux. 

S'aider des réseaux sociaux

Avec l’expansion du journalisme, les réseaux sociaux changent les pratiques du journalisme. Certains prétendent faire du journalisme, parce qu'ils ont réalisé une vidéo.

D’où, l’enjeu de fournir une information exclusive. 

"Les réseaux sociaux ne font pas le métier, mais ils aident. Après aussi, il y a des gens qui se sont révélés sur les réseaux sociaux. Ça peut être une autre opportunité pour 'faire son trou dans le métier'. Il y a des gens qui ont pu grâce aux réseaux avoir de la notoriété et de la visibilité", avance-t-il. Ils ont pu c’est parce qu’ils avaient ce dont un journaliste a besoin – cette propension à donner de l’information vérifiée.

Les réseaux sociaux sont une partie intégrante de notre travail. Ils peuvent être chronophages. "Pour moi, ils renforcent le rôle du journaliste, parce qu'ils demandent encore plus de vérification", souligne Vincent Duhem. "Cela demande une expertise pour savoir ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas".

Pour sa part, Massinissa Benlakehal pense qu'on ne peut pas être journaliste et absent sur la toile. Il encourage les journalistes à rester neutres sur les réseaux sociaux.

Apprenez une ou plusieurs langues

Parler l’anglais est selon Vincent Duhem important. "Je pense que c'est primordial".

"Apprendre une langue, c’est toujours un plus. Pour les indépendants par exemple, ça ouvre des marchés", précise-t-il. Cela ne s’applique pas seulement au journalisme mais à tous les métiers. 

Acceptez la critique

Massinissa Benlakehal vante en outre l’importance pour les journalistes d’accepter d’être critiqués. D’où la patience et d’accepter la critique surtout. "Beaucoup de journalistes n’entendent pas la critique. Idéalement, on ne commence pas journaliste. On commence apprenti puis on progresse", affirme-t-il. 

Ne pas baisser les bras et éventuellement aller voir ailleurs

Il conseille au journaliste de ne pas baisser les bras. Et peut être essayer ailleurs. "Le conseil que je pourrais donner à une personne passionnée par ce métier et qui n'est pas aidée par un contexte local, c’est de ne pas baisser les bras et se dire qu’on peut-être essayer ailleurs.

Si vous êtes dans une zone ou une ville, vous voyez que le contexte soit politique ou sécuritaire ou sociétale – ne le permet pas – oui. "Dites-vous que peut-être, il y a de l’espoir ailleurs", suggère-t-il.

S'imposer des barrières entre les sources et les journalistes 

Vincent Duhem, journaliste spécialiste de l’Afrique de l’Ouest et centrale pense surtout quand on couvre la politique ou le monde des affaires, c’est très important de mettre une barrière entre ses contacts et soi, son réseau, les politiques.

Il est nécessaire de s’imposer un cadre dans la façon dont on conçoit ses sources, les rapports qu’on développe avec ses sources. "Parce qu’il peut avoir des conflits d’intérêt. Parfois, on peut avoir à avoir à écrire sur ses sources. Et là, ça devient compliqué d’avoir une trop grande proximité avec elles, surtout dans certains secteurs – la politique, le monde des affaires. Là où vous pouvez avoir des problèmes, c’est important de faire attention à cela", met-il en garde.

Des autorités des pays où l’on travaille ont toujours l’intention d’arrêter certains sujets, regrette M. Duhem. Sur le continent africain, il rappelle que les journalistes étrangers sont beaucoup plus protégés que les locaux. "Les relations avec les autorités sont difficiles", dit-il.

Entretenir son réseau

Pour Massinissa Benlakehal, "si on veut s’en sortir – on doit créer son propre réseau. Si le journaliste veut faire un bon travail, il a besoin de ce réseau. Son propre réseau de contacts, son propre réseaux d’activistes, de politiciens, de businessmen. Ça dépend de sa spécialisation", conseille-t-il, encourageant les journalistes à travailler leurs réseaux personnels, professionnels et de confrères surtout. Ce qui permet d’avoir une bonne base. Il appelle les journalistes à la prudence dans le choix des publications qu’ils font à leur début dans le métier. 

Tous deux plaident pour un journalisme au service du grand public. Ce qu’ils considèrent comment la base même du métier.  


Photo sous licence CC Joppe Spaa via Unsplash