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Au Togo, les médias en ligne tentent de se faire une place

Nov 10, 2022 发表在 Pérennité des médias
Un bureau avec ordinateur et des papiers

Au Togo, le numérique a, comme dans de nombreux pays, bouleversé le paysage médiatique. On assiste ces dernières années à un foisonnement des médias en ligne dans le pays. Rendant l’information accessible aux populations connectées et à temps réel, la presse en ligne au Togo rebat les cartes de diffusion de l’information. Comment fonctionne et s’organise-t-elle ? Quel est son business model et qu’en est-il de la réglementation ? Immersion dans la sphère de la presse en ligne togolaise.

L’avènement des premières presses en ligne remonte vers la fin des années 1990. Republic of Togo, premier véritable site d’information, a été lancé en 1997. IciLomé sera lancé une année après. Quelques autres projets plus tard ne connaîtront pas de succès. La première agence de presse du pays, Savoir News, n'a été lancée qu’en 2008. À celle-ci s'ajoute plus tard en 2011 l’agence de presse AfreePress. À partir des années 2012 et 2013, le paysage médiatique va assister à une multiplication des médias en ligne. Aujourd’hui, on compte près d’une centaine dont 60 sont réunis au sein de l’Association Togolaise des Organes de Presse Privée en Ligne (ATOPPEL), la principale association regroupant les directeurs des médias en ligne dans le pays.

Parmi ces médias, 51 sont titulaires d’un récépissé délivré par la HAAC (la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication) au 31 décembre 2021. De plus, la majorité des journaux (presse écrite) ont une version numérique. On dénombre six web TV et cinq web radios.

Ces médias en ligne abordent au quotidien les informations relatives à la politique, à l'économie, à la santé, à la culture et aux faits de sociétés. Une minorité comme Vert Togo, EkinaMag, Afrikelles, Togofoot, ou encore Togobusiness, se spécialise dans cette sphère des médias en ligne.

Le foisonnement de la presse togolaise est impulsé par l’avènement de l'Internet. "L’accès à l’Internet a entraîné une convergence technologique des médias traditionnels et l’apparition de nouvelles formes de médias. Aujourd’hui, ce paysage est donc constitué non seulement des journaux, radios et télévisions, communément appelés médias traditionnels mais aussi des médias qui existent exclusivement en ligne : la presse en ligne", raconte Hélène Doubidji, présidente de l’ATOPPEL et directrice de publication d’EkinaMag.

La facilité de création est aussi l’une des raisons qui expliquent cet effectif grandissant des médias en ligne au Togo.

"On ne peut pas dire que c’est spécifique au Togo mais ce foisonnement peut s’expliquer par la facilité pour créer un organe en ligne", explique Ambroisine Mêmèdé, journaliste co-fondatrice et directrice de l’agence de presse Savoir News.

Des médias sans véritable business model

La création de ces médias ne rime pas forcément avec des entreprises de presse bien structurées, capables de rentabiliser à travers la monétisation de l’information diffusée. Les médias en ligne togolais font face à des difficultés liées à l’absence d’un véritable modèle économique avant leur création.

"La majorité des promoteurs des sites d’informations s’en sortent difficilement, d’autant plus que les contenus diffusés et publiés par les médias en ligne au Togo sont en accès libre et gratuit. Souvent, on ne définit rien en amont. On décide de créer son média, on se lance et on se débrouille pour l’animer généralement seul au début, sans aucun moyen", fait remarquer Hélène, la patronne des médias en ligne.

Pour les quelques médias ayant une notoriété et un lectorat assez important comme Togobreakingnews et Agridigitale, le business model repose sur la publicité et les reportages facturés.

"Les publicités sont rares, et seuls les médias qui ont un seuil de notoriété sont sollicités plus ou moins pour des couvertures médiatiques et des insertions publicitaires", témoigne Hector Nammangue, directeur de publication du média en ligne Vert Togo.

Pour faire fonctionner leur média, certains responsables, confie Narcisse Prince Agbodjan, directeur de publication de L’Interview, et membre de l’Observatoire Togolais des Médias (OTM), "associent à leur entreprise de presse d’autres activités parfois non liées au journalisme ni à la communication".

 

La création et le fonctionnement de la presse en ligne a, pendant longtemps, échappé aux organes de régulation et de réglementation des médias au Togo. Depuis 2018, le code de la presse donne pouvoir à la HAAC de réguler la presse en ligne. L’institution, avec le nouveau code de la presse adopté en 2020, a amorcé un processus de formalisation des médias en ligne. Cette formalisation devrait aider les médias à prospérer.

"Il faut le reconnaître, la presse en ligne souffre d’un certain nombre de handicaps structurels, dus à une émergence anarchique : précarité, absence de cadre légal, et manque de formation. Ces handicaps ne favorisent pas l’existence d’une presse en ligne économiquement viable et professionnelle. La réglementation des médias va participer à la professionnalisation du secteur", pense la responsable de Ekina Mag.

Cette formalisation sous-entend la déclaration auprès de la Haute Autorité et obtention d’un récépissé de déclaration auprès de la même institution. Et pour y parvenir, le média doit se muer en une entreprise de presse, s’enregistrer au registre fiscal, avoir un bureau physique et une rédaction bien structurée.

Avec le nouveau code de la presse qui entérine l’obligation de formalisation, les médias en ligne pourront bénéficier d’un accompagnement de l’Etat à travers le "fonds de presse" qui sera institué en remplacement de l’aide de l’Etat à la presse. Le fonds devra donner un souffle à la presse en ligne et à la presse togolaise en général.

Pour le rapporteur de l’OTM, la dynamique de formalisation est irréversible pour une presse en ligne rentable et viable économiquement au Togo.

"La formalisation est importante pour assainir et contrôler la création des médias en ligne qui est parfois faite sans grande vision. Toutefois, il faut que les annonceurs, les entreprises puissent accompagner la dynamique, tout comme l’Etat qui devra revoir à la hausse sa subvention à la presse", pense-t-il. La formalisation devra ainsi être progressive.


Photo : Freddie Marriage, via Unsplash, licence CC