Butembo, la ville aux 45 médias

Oct 15, 2021 в Sujets spécialisés
Des fenêtres, nombreuses sur un même immeuble

Les médias traditionnels, surtout la radio, restent parmi les plateformes les plus suivies pour s’informer, se former et se divertir en ville de Butembo à l’Est de la République démocratique du Congo, en dépit de l’explosion numérique de la technologie. Pour cette entité de 190 km2, avec 354 621 habitants, près de 39 radios, trois chaînes de télévision et des sites d’information sont implantés ici pour informer le public.

Près de 20 radios ont vu le jour depuis les deux dernières années, dans le contexte de communication pour lutter contre la dixième épidémie d’Ebola vécue dans les provinces du Nord-Kivu et Ituri entre 2018 et 2020. Les entrepreneurs ont profité donc d'un fonds d'aide.

Quel paysage peut-on dresser de cet engouement médiatique en terme éditorial et professionnel, économique, managérial, collaboratif et innovation voire légal en ville de Butembo ? Il s’agit de peindre un tableau sur la base des 45 médias que compte la ville en répondant à ces questions indispensables pour le fonctionnement de ces canaux d’information.

45 médias pour quel professionnalisme ?

Ces médias se subdivisent selon quatre statuts, d’abord les médias communautaires, puis les médias d’opinion et la Radio-télévision publique. Aucun n’est spécialisé dans un domaine, ils sont tous généralistes.

L’Union nationale de la presse du Congo (UNPC) section de Butembo, a inspecté les différentes maisons médiatiques de son entité en début 2021. Le Président de cette corporation d’autorégulation révèle que son équipe a été surprise de voir que certaines radios fonctionnent sans que les animateurs ne connaissent leur ligne éditoriale.

Dans ce paysage médiatique, environs 25 % de médias font un effort de se conformer aux standards de travail, notamment sur le plan éditorial, économique et l’achat des matériels nécessaires pour la récolte, le traitement et la diffusion des informations. Par contre dans d’autres organes de presse, les journalistes présentent des déficits pour l’exercice du métier de journaliste.

"Il y a des médias qui font leur travail bien, d’autres qui le font moyennement et d’autres qui le font de manière très médiocre. Ça c’est un défi que nous avons au niveau de l’UNPC, parce qu’il y a des médias qui sont créés sans ligne éditoriale. Lorsque nous faisions notre cartographie, nous avons trouvé des médias qui ne savent même pas pourquoi ils ont été créés", raconte Rashisi Amuri Kasongo, président de la corporation à Butembo.

Le rédacteur en chef de La Voix de l’UCG George Kisando critique les contenus que propose cette quarantaine de médias bubolais. Il épingle d’abord la non formation à l’école de journalisme des pratiquants du métier. Un autre défi, le manque de revenu financier pour le fonctionnement des médias et le paiement des journalistes. Ainsi, estime ce journaliste, la majorité de professionnels des médias travaille sans signer de contrat avec leur corporation médiatique ; vivant de la per diem perçue lors de la récolte des informations.

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"Les journalistes sont des jeunes recrutés dans des universités dont la plupart n’a pas de formation en journalisme. La plupart d’entre eux n’a pas de contrat, d’autres ne sont pas payés à la fin du mois et travaillent de manière bénévole ; alors vous imaginez la qualité du travail de celui qui fait du métier de journaliste comme un passe-temps", s’inquiète M. George.

D’après le journaliste Philippe Makomera, chef de programme de la Radio Moto Butembo-Beni les propriétaires de médias investissent dans ce secteur sans évaluer les préalables. Au-delà de la problématique liée au contenu, il souligne l’économie des médias de Butembo.

"Lorsqu’on essaie de voir la multiplicité des médias qui naissent comme des champignons, la tendance c’est que les gens pensent que c’est devenu une des ressources financières. C’est aussi ça la difficulté, donc on ne comprend pas comment les médias à Butembo fonctionnent. Le code d’éthique et de déontologie du journaliste précise que le journaliste doit être rémunéré, la loi dit qu’il doit vivre de son travail, en principe il devrait avoir un contrat, rémunéré par son média", précise Philippe Makomera, journaliste à la Radio Moto Butembo-Beni.

Une synergie des médias pour lutter contre l'épidémie de COVID-19

La pandémie de Covid-19 est apparue à Butembo dans un autre contexte épidémique, la maladie à virus Ebola, une maladie dont la résistance communautaire face aux équipes de riposte était grave. Pour combattre le COVID-19, les médias ont utilisé des acquis de la période d’Ebola, notamment le renforcement des capacités et le travail en synergie. Certains médias ont reçu du matériel pour renforcer la production. 

"Dans le cadre de traitement des informations à rapport avec Covid 19 et autres épidémies, nos journalistes ont été formés. Les partenaires Internews et CORACON ont donné certaines radios, des dictaphones, machines et autres matériels leurs permettant de bien exercer leur profession" témoigne George Kisando.

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Quel avenir ?

L’Union Nationale de la Presse du Congo voit un danger dans paysage médiatique, tant sur l’instruction du public, l’économie des médias, le respect des règles professionnelles et la sécurité même des journalistes. M. Rashidi, président de la corporation à Butembo, veut renforcer la responsabilité de chaque journaliste et rôle de chaque média sur son contenu. "Les journalistes et les promoteurs des médias doivent savoir, nous créons ce média pour faire quoi ? Qu’est-ce que nous allons offrir de plus à la communauté par rapport à ce que d’autres médias qui existent déjà".


Denise KAVIRA KYALWAHI est journaliste indépendante en ville de Butembo en République démocratique du Congo

Photo d'illustration, sous licence CC, Eric Prouzet  via Unsplash