Utiliser l’OSINT pour enquêter sur l'invasion de l'Ukraine par la Russie

Apr 6, 2022 em Journalisme d'investigation
Des outils dans un atelier

Le Forum de l’ICFJ devient le Forum Pamela Howard de l'ICFJ sur le Reportage des Crises Mondiales pour aider les journalistes à couvrir toutes les plus grandes crises mondiales. Rejoignez-le dès maintenant.

Comment utiliser l'OSINT en tant que journaliste ? Quels en sont les avantages, quelles sont les compétences requises, est-il seulement réservé au initiés? Comment les journalistes peuvent-ils se familiariser avec les méthodes de cette nouvelle technique d’investigation pour vérifier les informations, traquer l’origine des vidéos pour savoir si une image a été manipulée ou non ?

Ces questions ont fait l’objet d'un webinaire organisé le 17 mars dernier par le Forum Pamela Howard de l’ICFJ sur le Reportage des Crises Mondiales. Kossi Balao, directeur du forum en français a dirigé cet échange virtuel, avec son invité Thomas Eydoux, journaliste, spécialiste de l'OSINT et donc enquêteur en sources ouvertes pour Le Monde, France 24 et OpenFacto.

 

 

D’après Thomas Eydoux, l’OSINT est un puissant outil qui permet, à partir de données librement accessibles sur Internet et les réseaux sociaux, de déconstruire les fake news. "OSINT signifie Open Source INTelligent (Renseignement de sources ouvertes). C’est une manière de travailler qui repose sur tout ce qui est accessible gratuitement sur Internet. L’objectif c’est d’utiliser tout ce qui est en notre pouvoir, nous journalistes et internautes, pour analyser des vidéos, des photos ou des documents, etc. C’est-à-dire enquêter grâce à des outils accessibles par tout le monde".

"Visuellement, l'utilisation de l'OSINT paraît très compliqué à cause de la mise en image. Ce qui est compliqué, c’est de travailler vite, dans un conflit comme l’Ukraine, on travaille pour les médias qui ont une temporalité, on doit rendre une vidéo à l’heure, ce qui met une pression supplémentaire."

"L'OSINT est un travail d’équipe", lance Thomas Eydoux. Il explique qu’aux côtés du ou des journalistes, les motion-designers sont chargés de l’animation graphique. "Nous journalistes, on réalise l’enquête, on fait une partie du montage vidéo et on indique au motion design le passage qu’il devrait prendre, détaillé dans un story-board. Ces motion-designers utilisent beaucoup Google Earth Studio, les monteurs peuvent faire des animations de géolocalisation des images."

La pratique de l’OSINT exige pour le journaliste une connaissance de la collecte des informations sur les réseaux sociaux. Le journaliste n’est pas obligé d’avoir son propre compte sur ces réseaux pour enquêter, indique l’hôte du jour.

De la nécessité de manier Instagram, Snapchat, TikTok, Twitter, Telegram. "Ce sont des outils qui sont forcément intéressants sans lesquels ça serait compliqué de voir ce qui se passe en Ukraine".

Pour cet enquêteur, identifier et contextualiser une vidéo, c’est un travail qui peut prendre entre 20 et 30 minutes.

  • Il s’agit d'analyser les métadonnées, qui publie la vidéo et qui la reprend, 
  • Il faut vérifier la date à laquelle la vidéo a été postée, le nom du fichier original, 
  • Vérifier le son original,
  • Au besoin savoir où la vidéo a été filmée et savoir quand elle devra nous servir dans un reportage.

Mais en tant que journalistes, il nous faut trouver un angle de traitement après la collecte des données. Il faut aussi être capable d'interpréter les informations trouvées grâce à l'OSINT, les mettre en forme pour une bonne compréhension par le grand public. 

"Il faut oser, il ne faut avoir peur de ne pas trouver. Il ne faut s’arrêter au premier échec, il faut continuer et continuer, prendre une pause. Pour ceux qui s’y mettent, il ne faut pas oublier qu’on est journaliste, on a une devoir de neutralité, donner une information fiable et vérifiée, surtout sans oublier qu’on raconte une histoire" a conclu le panéliste Thomas Eydoux.

Pour l’instant, la pratique de l’OSINT n’est pas encore enseignée dans les écoles de journalisme, renseigne Thomas. Pour sa formation aux méthodes de l’OSINT, il a dû s’initier pendant une année et demie. Selon le besoin et la démocratisation de cette pratique, le panéliste reste confiant sur le fait que les écoles vont enseigner aux étudiants les méthodes de l’OSINT. Mais, assure-t-il, toute personne qui a une maturation journalistique et qui est à l’aise avec Internet peut commencer à pratiquer l’OSINT quand elle veut. 


Photo Unsplash via Barn Images