Un nouveau média couvre les sujets humanitaires au Nigéria et en Afrique de l'Ouest

2 août 2021 dans Sujets spécialisés
Carte de l'Afrique

Depuis un peu plus d'un an, un nouveau média appelé HumAngle se consacre à la couverture des conflits, des migrations et des questions humanitaires au Nigeria et en Afrique de l'Ouest.

Fondé au début de la pandémie, en mars 2020 par deux journalistes nigérians, Obiora Chukwumba et Ahmad Salkida, HumAngle a produit des papiers sur le sort des personnes déplacées, l'insécurité causée par Boko Haram dans le nord-est du Nigéria et les organisations qui travaillent en première ligne pour répondre à ces problèmes.

"Nous sommes des pionniers dans ce domaine, car c'est la première fois au Nigeria et dans la région ouest-africaine qu'une plateforme majeure consacre toute sa vision et ses ressources à la couverture de l'insécurité [et] des questions humanitaires", se félicite M. Chukwumba. "Dans les six mois qui ont suivi notre lancement, nous avons montré que la situation dans le nord-ouest du Nigeria relevait du terrorisme et non du banditisme. Nous avons publié une tribune, donné des exemples et de données de renseignement."

Deux mois plus tard, M. Chukwumba a déclaré que le département d'État américain avait corroboré les informations rapportées par HumAngle. "Je pense que c'est une étape importante pour une plateforme qui avait à peine six mois d'existence au moment où cela se passait. Les reportages publiés par HumAngle ont été une sorte de phare et de guide pour les acteurs et les membres de la communauté diplomatique", dit-il.

Bien avant de se lancer, en 2017, M. Chukwumba et M. Salkida avaient déjà discuté de la création d'un média qui se concentrerait sur l'insécurité, les crises, la violence, les enlèvements, l'insurrection, les déplacements de population et les questions humanitaires à travers le pays. "Quelqu'un doit constamment montrer ce que ces [problèmes] signifient et faire entendre les voix des victimes afin que nous ayons une idée d'où nous sommes en tant que nation. Cela fait partie de notre travail", explique M. Chukwumba.

L'approche de HumAngle consiste à ne pas se contenter de rapporter des statistiques ou des événements, mais à inclure les voix et les perspectives des victimes de conflits, poursuit-il : "C'est une approche unique à HumAngle, et cela nous distingue en tant que plateforme crédible."

Le travail du média est reconnu par les acteurs du secteur humanitaire et du développement. Grâce à ses reportages, des organisations telles que l'Open Society Initiative for West Africa ont pris contact pour discuter de la manière dont les rédactions peuvent mieux rendre compte de la pandémie, raconte M. Chukwumba. "Lorsque nous sommes arrivés, notre travail était exceptionnel. Les accomplissements et les livrables que nous avons présentés étaient bien supérieurs à ceux des autres médias qui ont participé à ce projet", assure-t-il.

HumAngle a également reçu une subvention de l'African Transitional Justice Group pour réaliser un reportage sur la justice transitionnelle liée à l'insurrection de Boko Haram dans le nord-est du Nigeria. Depuis le début du conflit en 2009, plus de 30 000 personnes ont été tuées et plus de 2 millions de personnes ont été déplacées dans la région.

"L'insécurité et les crises sont devenues une menace pour le Nigeria et pour toute l'idée de nation", s'inquiète M. Chukwumba. "C'est une menace majeure et, étonnamment, peu de médias du pays y ont véritablement prêté attention ou l'ont vue pour ce ce que c'est."

Il a ajouté que le travail acharné et l'engagement de la rédaction ont contribué au succès grandissant de leur couverture de l'insécurité et des questions humanitaires. "Beaucoup de nos reporters étaient en fait des débutants. Mais nous les avons formés à tel point que tout le monde veut s'associer au type de journalisme que nous faisons au Nigeria. C'est nouveau, mais c'est aussi sérieux et crédible."

Le gouvernement a toutefois reproché au média de produire ce qu'il a qualifié de "journalisme apocalyptique".

"Nous ne pouvons pas faire du journalisme apocalyptique sans apocalypse au départ", note M. Chukwumba. "Personne qui nous accuse de faire du journalisme apocalyptique n'est venu prouver que nos reportages sont faux ou ne sont pas crédibles. Il est important que nous définissions clairement ce qui menace l'existence même du Nigeria et, ce faisant, que nous donnions la parole aux victimes."

Pendant ce temps, le média a dû gérer le COVID-19 (et les confinements qu'il a généré dans le pays) lors de la production de ses reportages. Les défis posés par la pandémie ont été exacerbés par la situation difficile du secteur des médias au Nigeria. La vision unique de HumAngle lui a permis de surmonter les obstacles et d'attirer l'attention au niveau local et international. "La situation a été turbulente pour nous et a modifié certains de nos plans, mais elle n'a pas ébranlé notre vision, à laquelle nous sommes restés fidèles. Nous avons poursuivi nos plans stratégiques et en sommes sortis plus forts et confiants", dit-il.

Au cours des cinq prochaines années, HumAngle espère s'implanter solidement dans toute l'Afrique. Il s'agit notamment de lancer une édition en français afin de toucher un public francophone.

C'est important car l'impact de l'insécurité ne se limite pas au Nigeria. C'est une réalité préoccupante au Mali, au Mozambique, au Cameroun, au Niger et en République centrafricaine, entre autres pays du continent, précise M. Chukwumba. Il ajoute qu'ils envisagent également de créer une fondation HumAngle, une branche à but non lucratif qui se penchera sur l'écosystème des médias et les défis auxquels sont confrontés les journalistes qui travaillent dans des zones de crise et de conflit, et sur la manière dont cela affecte la pratique du journalisme.

HumAngle prévoit enfin de lancer un large éventail de contenus multimédias, notamment audio et visuels. Le média a récemment lancé une série de podcasts sur l'insécurité et l'insurrection dans le pays.

"Nous devons concevoir des cliniques, des stratégies et des systèmes de soutien pour faire face à ce genre d'événements courants dans notre région", insiste M. Chukwumba.


Patrick Egwu est un journaliste indépendant nigérian basé à Johannesburg où il est actuellement membre de l'Open Society Foundation sur le reportage d'investigation à l'Université de Witwatersrand. Il a été publié dans un certain nombre de publications, dont Foreign Policy, NPR, African Arguments, Daily Maverick et Rest of World.

Photo sous licence CC via UnsplashJames Wiseman.