Les communautés premières d’Amérique du Nord ont trop longtemps été résumées dans les livres d’histoire à deux catégories, les peuples nomades ou sédentaires, et à leurs mœurs plutôt qu’à leur vérité. Le Canada reconnaît trois groupes autochtones : les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Bien que ces femmes et hommes ne représentent qu’environ 1 % de sa population au Québec, on assiste à une recrudescence d’intérêt pour les mieux connaître à travers les médias qui cherchent à mieux cerner les enjeux auxquels ils font face.
Simon Filiatrault, journaliste de la nation huronne-wendat, collabore à la plateforme Espaces autochtones de Radio-Canada, militant pour l’investigation journalistique sans fards, ni clichés.
Du droit au reportage terrain
Avant de devenir journaliste, c’est dans le droit que le jeune homme trouve sa voie. De fil en aiguille, l’avocat se spécialise en droit autochtone, une démarche de réappropriation culturelle, comme il l’explique. "Je sentais l’appel du terrain pour comprendre toutes les dimensions de mon peuple, du spirituel, à la culture et au sociétal." Puis on l’approche afin qu’il joigne la brigade de journalistes d’Espaces autochtones. Sur ses gardes, il finira par endosser ce rôle, car un idéal l’habite : changer la lorgnette négative des médias qui ont mis à mal les communautés autochtones. Il veut réparer cette méconnaissance engendrée par les médias envers son peuple.
Touche à tout, engagé pour la nouvelle autochtone positive, le journaliste développe une approche de vulgarisation, en restant fidèle aux faits. C’est ainsi qu’il aborde les réalités des communautés autochtones en marge, ce qu’il définit comme "sa danse par l’écrit." Il prône une information accessible, sur l’état du droit. Il réalise un reportage sur la communauté innue de Uashat Mak Mani-Utenam qui compte plus de 4 600 personnes. Une démarche pour approfondir l’ordre juridique innu qui diffère du droit canadien. Durant une semaine, il collecte des éléments pour réaliser un article grand format qui raconte une histoire. Une expérience pour le moins déstabilisante mais dont il est fier.
Part éducative contemporaine du média
Une autre dimension à laquelle fait face Simon Filiatrault dans son travail journalistique consiste à combler une brèche laissée béante par les médias traditionnels : les peuples autochtones ne seraient pas contemporains et vivent dans le passé. Selon lui, la presse a son rôle éducatif à jouer, au même titre que l’école. Face à ce stéréotype, il considère que la majorité des Canadiens ne connaissent pas la réelle culture des peuples premiers.
Quels sont les enjeux de traitement de l'information sur les dimensions du quotidien des peuples premiers ? Pour comprendre la mise en place de la plateforme de Radio-Canada et son déclencheur, le journaliste soulève deux points. D’abord, le diffuseur public national développe de plus en plus d’information d’intérêt public. De plus, les Autochtones constituent une partie de la population canadienne et doivent être représentés. Selon lui, Radio-Canada a été avant-gardiste avec Espaces autochtones.
"Suite aux commissions d’enquête menées sur les pensionnats, des structures financées par le gouvernement canadien pour assimiler les enfants autochtones à la culture canadienne, les gens ont compris les atrocités commises envers les Premières nations," soutient-t-il. Le modus operandi de l’espace informatif consiste à délivrer des actualités concrètes dans la vie des communautés qui le consulte, pour les bonnes nouvelles comme les moins positives. Une certitude qui habite le journaliste solidaire avec la cause, qui reçoit beaucoup de félicitations du lectorat sur son travail.
L’entrevue, gage de sincérité
Un dernier aspect apparaît fondamental pour Simon Filiatrault dans la nature même du reportage tourné vers les Autochtones : la mécanique de l’entrevue. Il croit que "le journalisme en milieu autochtone nécessite de s’adapter aux réalités." Par exemple, il faut savoir ralentir la cadence, et s’adapter à ce qu’il appelle le "Indian time." Les communautés autochtones font les choses lorsqu’elles se présentent, pas dans l’emportement. Cela implique un ralentissement dans tous les aspects du reportage, et l’entrevue peut être plus longue. Aussi, la présence de l’ellipse et de l’histoire, tout comme le regard qui n’est pas toujours maintenu, et les silences, ces moments de réflexion, ne doivent pas être sources de malaise.
Le journaliste invite à un examen de conscience sur l’approche qui doit esquiver toute forme de coups d’éclat. Ne pas tomber dans l’attractivité par la nouvelle à sensation. "Tout représentant de la nation autochtone ou innu se veut un témoin et non un preneur d’histoire…," conclut-t-il, confiant de sa démarche et du changement de jugement éditorial en marche progressivement dans les médias canadiens. Dans le futur, Simon aimerait aller vers d’autres communautés autochtones dans le monde et comparer les réalités avec d’autres nations qui ont aussi souffert par leur histoire. Une façon d’entrevoir des pistes de solution pour des lendemains meilleurs.
Photo avec l'aimable autorisation de Simon Filiatrault.