Pape Alé Niang : le combat pour un média public au Sénégal

22 avr 2025 dans Liberté de la presse
Pape Alé Niang

Depuis mai 2024, la chaîne nationale Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS) est sous la responsabilité d'une figure médiatique connue dans tout le pays, Pape Alé Niang. Cumulant les expertises de reporter et directeur de l’information, cette personnalité habituée du petit écran a connu des heures sombres fin 2022 suite à une série d’emprisonnements sous le régime de l’ancien président Macky Sall. Il revient au-devant de la scène, plein d’ambition, lucide face aux défis de bouger les lignes.

Pluralisme en marche

Représentant en marche de l’écosystème médiatique sénégalais, Pape Alé Niang arbore cravate et complet, fier de ses 28 ans de carrière. Nommé à la tête de la RTS – un média du service public – il en assume les fonctions de directeur général. Devant lui, un chantier colossal pavé de défis : relever la barre du pluralisme politique dans le traitement de l’information. Depuis l’indépendance du Sénégal en 1960, avance-t-il, « la RTS était un média de propagande des régimes en place et de leur Président. »

Porté par un idéal démocratique, où toutes les voix se font entendre désormais, il a comme ambition de rompre avec l’ancien régime RTS. Sa première réussite : ramener au goût du jour le magazine Pluriel, évacué du paysage télévisuel depuis douze ans. Un rendez-vous de débats entre représentants du régime en place, membres de l’opposition et de la société civile. Une autre émission, Saytou (en wolof : décryptage), propose des questions de société le vendredi soir à micro ouvert. 

Bouger les lignes de l’information 

La rupture idéologique qui opère à la RTS se réalise par l’invitation à bras ouverts des personnalités de l’opposition. Le nouveau directeur intervient en réunion de rédaction auprès de ses équipes pour leur rappeler les deux piliers devant les guider dans le traitement de l’information : liberté et responsabilité. Sa confiance envers les journalistes de la RTS, toute génération confondue, est totale.

Face à la menace de la désinformation qui rode sur le globe, de la parole libérée sur les réseaux sociaux et son flux de fausses informations, Pape Alé Niang se bat avec un réflexe : bouger les lignes de l’information. À titre d’exemple, il souligne la couverture des élections législatives du 17 novembre 2024. Un épisode fort de la dimension démocratique couvert par des équipes de quatre (chauffeur, cadreur, journaliste et preneur de son) déléguées auprès de chacun des 41 parties en lice. 

Selon Pape Alé Niang, une autre manifestation de cette mouvance réside dans l’appui à la couverture de grands événements dans la sous-région. Il relate qu’en mai 2024, une délégation de la RTS se rend en Gambie, afin de couvrir le 15ème Sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'Organisation de la coopération islamique (OCI). Même appui en Guinée-Bissau où du matériel est offert aux équipes afin de les aider à optimiser l’information et sa diffusion publique. « Notre expérience sert la CEDAO par cette solidarité agissante qui est une obligation pour la RTS », souligne le directeur. 

Plus jamais de bâillons  

Le vent en poupe, Pape Alé Niang avance n’avoir rien oublié de son expérience personnelle : celle de l’emprisonnement à la Maison d'arrêt et de correction de Sébikhotane à Rufisque, non loin de Dakar. Suite à des grèves de la faim, l’homme affirme ressentir encore des séquelles sur sa santé. Il se souvient avec recueillement de la visite du regretté Christophe Deloire de Reporters sans frontières pour le soutenir dans cette épreuve. Le journaliste voulait faire bouger les lignes, même derrière les barreaux, au nom de la justice, explique-t-il. « Nous avons vécu au Sénégal une folie, une barbarie de 2021 à 2024 en termes d’emprisonnements, de manifestants tués. À cette époque, on ne circulait pas librement dans les rues de Dakar, des chars militaires étaient partout présents, on vivait avec une pesanteur psychologique… »

Présente dans les 14 régions du Sénégal, émettant à travers 17 chaînes radiophoniques, la RTS sous Pape Alé Niang prend des « couleurs nouvelles ». Ses aspirations ? Concrétiser une vision de chaîne média continentale, et être tournée vers la jeunesse en action, au premier plan de la production de l’information. Servir la maturité démocratique du peuple sénégalais qui a soif d’information publique. Et n’avoir aucun complexe par rapport aux médias occidentaux et à son prisme encore défaillant en matière d’actualités du continent africain.


Crédit photo : Hélène Boucher.