Les raisons des refus de visa aux journalistes africains en débat

14 juin 2023 dans Diversité et inclusion
Un homme à l'aéroport

Les discriminations, préjugés, mépris et manque de respect, des prétentions prêtées aux journalistes, la politique du « deux poids, deux mesures » sont entre autres, les raisons avancées par des intervenants reçus par Kossi Balao, community manager du forum Pamela Howard de l’ICFJ sur le Reportage des Crises mondiales, pour expliquer la problématique du refus de visa aux Africains — notamment journalistes et étudiants — et les contrôles migratoires inappropriés et incessants.

Virgile Ahissou est journaliste multimédia, ex-correspondant de l’AFP. Grande victime de cette situation lorsqu’il devait participer à des activités liées au journalisme, il avance que lorsqu'on refuse de délivrer un visa à quelqu’un, on évoque souvent quelques motifs. On vous dit que les informations communiquées pour justifier les conditions de séjour sont incomplètes, entre autres. Les péripéties ne s’arrêtent pas là. Quand on vous délivre le visa, les contrôles dans les aéroports sont multiples, incessants et discriminatoires.

« Ce sont des tribulations. Cela ne nous met pas à l’aise. Même si nous sommes journalistes, nous ne sommes pas souvent respectés », dénonce ce reporter indépendant citant des cas vécus ou connus. À en croire Virgile Ahissou, le contrôle des passeports dans les aéroports occidentaux sont difficiles pour les Africains. Ce n’est pas la même chose pour quelqu’un qui présente un passeport européen ou américain. « On passe des contrôles interminables », ajoute-t-il. « L’Africain qui demande un visa, c’est quelqu’un qui cherche à immigrer. Il veut quitter son pays. Il y a ce soupçon-là ! »

Une grande injustice ?

Partageant son expérience vécue en tant que professeur et chercheur, Mathieu Piché, professeur titulaire à l’Université du Québec à Trois-Rivières, soutient que les étudiants africains font aussi les frais d’une telle problématique. « Il y a bel et bien des refus plus importants envers les demandeurs et étudiants qui proviennent d’Afrique. C’est documenté. C’est un constat », fait-il savoir. Il estime qu’il faut continuer à en parler car il y a injustice. « Tant que l’injustice n’est pas corrigée, il faut continuer de poser ces questions. Il faut que les autorités puissent répondre s’il y a là quelque chose de systématique », évoque-t-il. 

Il pointe notamment du doigt des agences dans les pays africains qui aident les étudiants à faire des demandes, mais de manière douteuse. Il estime aberrant qu’au départ, on demande aux étudiants de prouver qu’ils vont retourner dans leur pays alors qu’après les études, on offre aux étudiants un permis de travail. On va les inciter à rester parce qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre. « C’est absolument incohérent ! » dit-il. Selon lui,  le fait de ne pas pouvoir démontrer qu’on va retourner dans son pays après les études est l’un des motifs de refus les plus importants. Il s’interroge sur l’existence de ce qu’il appelle la politique du ‘’deux poids, deux mesures’’. « Il y a visiblement discrimination faite à l’endroit des pays africains », reconnait le chercheur et professeur.

Le business des visas

Michael Pauron, co-coordinateur du comité de rédaction Afrique XXI, croit que la question des visas pour les Africains constitue un véritable commerce. Des chiffres lui permettent d’observer l’augmentation des frais de demande de visa et aussi des prix d’inscription aux universités. « Il y a une volonté du côté de la France de faire une sélection par le coût du visa », critique-t-il. « Même avec toute la bonne volonté du monde, j’ai l’impression qu’un Africain qui fait une demande par principe, on va le soupçonner de vouloir rester et d’avoir une mauvaise intention dans son immigration », fait-il remarquer.

Le recours en France lorsqu’un visa est refusé est quasi impossible, car, tout ce passe du côté français, dit celui qui a collaboré chez Jeune Afrique pendant 10 ans. Michael Pauron soutient que la question des visa ressemble véritablement à une loterie. « Il y a parfois une certaine incompréhension », évalue-t-il. Il croit que du côté des autorités françaises, il faudrait une méthode de communication beaucoup plus transparente, notamment en ce qui concerne les critères d’attribution.  « Il y a clairement un effort à faire du côté français afin d’améliorer ça », dit-il, convaincu que des actions massives de la part des demandeurs de visa valent la peine si on veut faire bouger les lignes.

 

Photo de Anete Lūsiņa sur Unsplash