Comme chaque semaine, le Forum de Reportage sur les Crises Mondiales de l'ICFJ a tenu une rencontre virtuelle dans le cadre de son appui aux journalistes du monde entier.
Mais pour cette fois-ci, le 17 août dernier, une dérogation a été observée à la coutume des webinaires, pour une rencontre sous forme de café virtuel. Le sujet d’attention qui a réuni les journalistes était la faible participation des journalistes surtout francophones aux webinaires et l’enjeu de la maîtrise de l’anglais dans le journalisme.
Le désintérêt, les contraintes de connexion…
Un webinaire, contraction de "web" et "séminaire", est un événement en ligne interactif qui permet aux participants de se connecter à distance pour assister à des présentations, des ateliers ou des discussions en temps réel. Ce mode de rencontre est de plus en plus privilégié depuis l’avènement de la pandémie de Covid-19.
Au cours de ce café virtuel, les débats ont fait ressortir un constat presque unanime : les journalistes francophones participent moins aux webinaires liés à leur domaine professionnel que leurs confrères anglophones ou arabophones.
Plusieurs facteurs semblent contribuer à cette situation. Tout d'abord, la pertinence du sujet pour les journalistes joue un rôle crucial. Les webinaires abordant des questions pertinentes et engageantes pour les journalistes attirent davantage de participants.
"[...]Je pense que les journalistes participent à des webinaires lorsque les thèmes les intéressent ou lorsqu'il y a une motivation, comme un prix à remporter", a partagé Fatima Yassine, journaliste marocaine du média Asshra Almaghribia.
En outre, la disponibilité des journalistes constitue un élément-clef. Les horaires des webinaires peuvent parfois être contraignants pour certains participants. Parmi les raisons, la qualité de la connexion Internet a également été évoquée :
"Les difficultés d'accès fiable à Internet peuvent décourager certains journalistes à participer aux webinaires en ligne."
Pour la plupart des participants, la motivation personnelle et la perception de la valeur ajoutée des webinaires influencent également la décision de participer.
"Beaucoup de journalistes préfèrent assister rapidement à une conférence de presse ou à un événement dans l'espoir de percevoir une indemnité plutôt que de se connecter pour suivre un webinaire." C'est le constat partagé par les journalistes François M’Bra de la Côte d’Ivoire et Rachid Zakari du Togo.
Pour ce dernier, le plan de carrière détermine l'engagement des journalistes à suivre des webinaires qui représentent "des opportunités pour acquérir de nouvelles connaissances et accéder à des réseaux de journalistes et d'experts". La participation aux webinaires est ainsi liée à la vision et au plan de carrière du journaliste.
Selon Youssou Cissé, journaliste web basé à Dakar au Sénégal, la faible participation des journalistes francophones aux webinaires est liée à "un manque de culture des webinaires et à la non maîtrise de l'utilisation des plateformes, notamment Zoom".
L’apprentissage de l'anglais
La maîtrise de l'anglais a également été au cœur des discussions lors de ce webinaire. Pour l'ensemble des participants, apprendre à parler anglais n'est plus une option pour les journalistes francophones. Pour un faible niveau de maîtrise de l’anglais, plus d’un journaliste francophone rate presque chaque jour des opportunités de recrutement, de financement de leur projet de reportage, ou encore de voyage.
"En ce qui concerne la question de l'anglais, je pense que c'est extrêmement important. De par mon expérience, j'ai raté de nombreuses opportunités simplement parce que mon niveau d'anglais était faible. Nous devons non seulement maîtriser le français, mais aussi l'anglais", témoigne la consœur Emiline Nkambidio de la RDC.
Les partages d'expériences au cours de ce café virtuel ont démontré que de plus en plus d'opportunités s'ouvrent aux journalistes qui maîtrisent l'anglais. Iragi Elisha, journaliste indépendant lauréat du programme de bourses de l'ICFJ sur la désinformation baptisé "Empowering the Truth", partageant son expérience, a déclaré avoir obtenu cette bourse grâce à sa maîtrise de l'anglais.
"Je m'étais préparé à présenter en français, mais le jury chargé d'évaluer mon projet ne comprenait pas le français. Mes chances d'être sélectionné étaient donc liées à ma maîtrise de l'anglais. J'ai réussi à obtenir la bourse, donc je m'en suis bien sorti, pourrait-on dire. Cependant, cela m'a vraiment fait comprendre à quel point il était crucial d'avoir des bases solides en anglais", a-t-il partagé.
Conscient de la difficulté pour les francophones de passer du français à l'anglais, Iragi Elisha encourage les journalistes à apprendre la langue de Shakespeare.
"Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser passer des opportunités simplement parce que nous ne maîtrisons pas la langue anglaise. À mon avis, c'est une erreur que je ne pourrais m'empêcher de regretter chaque fois que je passe à côté d'une opportunité juste parce qu'elle est présentée en anglais", indique Iragi Elisha.
Photo : Jason Goodman via Unsplash