Comment les médias peuvent-ils augmenter leur audience ? C’était le thème débattu lors de la 41e session d’une série de plusieurs webinaires du Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale. Il s’est tenu le 8 avril dernier.
Augmenter son audience, à l’heure où la course aux unes pompeuses a le vent en poupe. Comment susciter de l’intérêt autour de son travail, auprès de ses lecteurs ou encore se démarquer dans le paysage médiatique de son environnement ? Comment faire pour que les médias inspirent les lecteurs et donnent envie d’être consultés ? Comment captiver l’attention du public et les inciter à apprécier un contenu journalistique ? Autant de questions qui ont fait l’objet des échanges lors de ce webinaire.
Ces échanges qui ont duré environ une heure avaient pour invités deux journalistes : Yves Sciama, journaliste scientifique et vice-président de l’Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI) et Kayi Lawson, ex-rédactrice en chef du journal Africa Rendez-vous et correspondante au service francophone de la Voice Of America.
La course au buzz tue le journalisme
La course au buzz est aujourd’hui l’apanage de plusieurs médias, sérieux et moins sérieux, les salles de rédactions vibrent à la mode de qui "annoncera le premier", parfois sans prendre la peine de vérifier l’information. Le journaliste Yves Sciama insiste sur l'importance de préférer une audience stable à une audience fluctuante, il défend également l’idée d’une grande audience, construite, stable, et qui soit quelque chose de solide et à partir duquel on peut travailler et se projeter.
On retient ici que la course au buzz tue le journalisme. La publication à la hâte est un véritable désastre pour la fiabilité d’un média. On ne peut pas vouloir être sérieux et à la fois vouloir faire dans l’instantané. Toujours prendre le temps de vérifier sa source d’information. Ne pas toujours aspirer à réagir à la seconde. Savoir choisir ses sujets et éviter de plonger dans les sujets de ragots.
Pertinence des sujets
L’importance d’avoir un contenu de qualité pour susciter de l’intérêt auprès des lecteurs est nécessaire. Selon la journaliste Kayi Lawson, les contenus qui sont proposés sur la toile répondent rarement aux aspirations des internautes.
La tendance est parfois au copié-collé, voire au plagiat. Le travail de recherche se fait rare. Tout le monde court derrière le "breakings news" ou le scoop. Elle ajoute que le journalisme devrait d’abord être un travail de recherche.
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Audimat
La connaissance de son public et des conditions de réception de l'information doivent être définies pour une bonne circulation des nouvelles, souligne Yves Sciama. Il est important de connaître quelles sont les personnes à toucher, à qui s’adresse l’information, à quelles catégories socio-professionnelles elles appartiennent, comment celles-ci reçoivent les messages. Un média doit de temps en temps se remettre en question, travailler sur la qualité du sujet, se mettre en équipe afin de proposer une bonne ligne éditoriale.
La journaliste insiste également sur le fait de privilégier les valeurs humaines dans leurs productions, de produire des articles qui amènent les communautés à se retrouver facilement derrière la personne ou l’actualité que le journaliste veut mettre en valeur.
En conclusion, Kayi Lawson déclare que pour augmenter son audience, il faut bien faire son travail et pouvoir vivre de ce métier. Elle exhorte les responsables des structures médiatiques, notamment les plus importantes, à bien rémunérer leurs journalistes.
Moyens financiers
Le manque de moyens financiers peut être un handicap dans la production de bons articles qui peuvent susciter de l’intérêt. Ici, la question du business model est fondamentale.
Plusieurs formules de recherches de fonds peuvent être trouvées. Des abonnements, des appels de dons, des fondations ou des financeurs sur lesquels s’adosser. Toutes ces méthodes sont prenables et acceptables (Ndlr : sur IJNet en français, une rubrique est consacrée à des bourses, prix et opportunités de financement).
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Le vice-président de l'AJSPI donne également son point de vue sur le fait qu’il ne suffit pas toujours de sortir d’une école de haut niveau en journalisme pour faire des productions suivies. Il faut avoir les moyens pour faire du bon journalisme. Dans ce métier, révèle-t-il, les moyens sont plus nécessaires que la formation.
"La qualité est liée aux conditions des journalistes. Si les médias font des économies trop importantes sur les conditions de vie des journalistes, forcément cela baissera la qualité de ce qui sort, et ça joue sur son indépendance, car le journaliste est tenté de chercher des sources de revenus ailleurs. De bonnes écoles et de bonnes formations c’est toujours bien, mais des journalistes qui soient payés correctement c’est encore mieux. Car, quand se sont vos sources qui vous rémunèrent, la qualité de l’information est diluée."
Les deux invités sont unanimes : pour évaluer le travail d’un journaliste, l’on devra apprécier d’abord la véracité des informations, la pertinence du sujet, la crédibilité. Ils précisent, en outre, qu’un bon journaliste doit respecter les règles d’éthique et de déontologie qui sont les règles de base du métier, prendre le temps de bien recouper et vérifier les informations avant de les publier.
Edithe Valerie Nguekam est journaliste reporter. Elle a travaillé pour plusieurs de médias de presse écrite au Cameroun et est actuellement basée en Côte d'Ivoire, où elle est représentante du magazine Objectif.
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