Cette start-up nigériane s’attaque à la désinformation politique

27 déc 2022 dans Lutte contre la désinformation
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Généralement, l'objectif de la désinformation en période électorale est d’influencer la prise de décision des électeurs ou de semer le doute dans le processus électoral. Cela a toutefois conduit à des violences dans des pays aux démocraties fragiles.

Depuis le début de l'année 2022, l'espace politique nigérian croule sous de nombreuses formes de désinformation et de mésinformation qui ont favorisé la violence et poussé les citoyens à prendre des décisions mal informées. 

Par exemple, les informations trompeuses et la désinformation ont été des facteurs majeurs dans l'escalade de la violence au Kenya après les élections générales de 2017. En 2020, la diffusion de désinformation et de propos clivants a déclenché des violences post-électorales meurtrières en République centrafricaine.

Le Service de sécurité de l'État au Nigeria a récemment indiqué que les fausses informations pourraient constituer l'une des plus grandes menaces à l’équité et la sécurité des élections générales de 2023.

Pour tenter de résoudre ce problème, la plateforme nigériane de vérification des faits, FactCheck Elections, utilise des méthodes de recherche, des données et des outils technologiques innovants pour corriger la désinformation autour des activités électorales.

Lancer une plateforme de fact-checking

Après avoir suivi plusieurs élections et mené des recherches qui indiquaient que la désinformation est l'une des raisons pour lesquelles les Nigérians se sont désintéressés des processus électoraux, Olasupo Abideen, jeune activiste passionné de civic tech, a créé FactCheck Elections en avril 2022.

"Nous avons lancé l'organisation afin d'aider les Nigérians à prendre des décisions critiques pendant les élections. Les politiciens au Nigeria sont connus pour diffuser toutes sortes de fausses informations pour faire pression sur les gens et inciter à la violence. Nous avons donc pensé qu'il fallait une plateforme pour sauver les gens de cette désinformation mortelle", raconte M. Abideen.

La start-up vérifie les manifestes et les affirmations faites lors des débats, surveille les résultats des élections et présente ses conclusions sous forme de courts articles, infographies, images, vidéos et messages sur les réseaux sociaux. La mission de FactCheck Elections est de s'assurer que les électeurs nigérians votent en se basant sur des faits vérifiés concernant les candidats, plutôt que sur la désinformation diffusée à leur sujet.

Depuis sa création, la plateforme a fourni de nombreux rapports vérifiés, indépendants et non partisans sur la désinformation en ligne. Certains des rapports de la plateforme ont permis de corriger des affirmations erronées faites par des politiciens dans le but de tromper un public non averti ou de susciter la violence. À ce jour, les contributeurs de FactCheck Elections ont écrit, édité et publié plus de 100 articles de fact-checking, d’analyses sur l'éducation aux médias et autres papiers explicatifs en vue des élections de 2023 au Nigeria.

Les principaux engagements de l'organisation sont la rapidité, l'éthique, la transparence et la responsabilité, explique M. Abideen. Lui et son équipe sont déterminés à faire en sorte de mettre au clair les fausses informations le plus rapidement possible et de réduire la vitesse à laquelle ces affirmations parviennent à des personnes influençables. "Nous avons aidé les Nigérians à rendre les candidats des différents partis politiques méfiants, de telle sorte qu’ils sont plus prudents pendant les campagnes, car ils savent qu'il existe une plateforme dédiée à vérifier leurs dires", dit-il.

Afin de renforcer les capacités de son personnel et des ses bénévoles, M. Abideen invite à ses ateliers d’autres journalistes, fact-checkeurs et experts des médias membres d’organisations de l’International Fact-Checking Network afin qu’ils puissent partager davantage de bonnes pratiques sur la vérification des faits.

“Nous sommes une équipe de sept personnes, épaulées par quelques bénévoles intéressés par notre travail. Nous avons réussi à nous attaquer à de nombreuses formes de fake news liées aux prochaines élections dans le pays,” précise-t-il.

Les défis

Si M. Abideen et son équipe ont réussi à mener à bien la mission journalistique de FactCheck Elections, trouver un équilibre financier n'a pas été facile. La plupart des ressources de l'organisation proviennent des revenus personnels du fondateur. M. Abideen espère recevoir des fonds grâce aux dossiers qu'il a soumis aux organisations de la société civile qui luttent contre la désinformation.

"Nous n'avons reçu aucun financement d'une agence externe et c'est l'un des principaux défis auxquels nous sommes confrontés. Bien qu'il y ait beaucoup de jeunes gens brillants qui veulent vérifier les faits pour nous, il n'y a pas beaucoup d’argent pour les retenir", déplore-t-il.

Néanmoins, M. Abideen est optimiste. Il pense que, dans un avenir proche, les bénévoles de FactCheck Elections deviendront des employés à temps plein qui auront un impact positif sur la vie des Nigérians et d'autres populations sur tout le continent. Il espère que la plateforme deviendra une plateforme où tous les Africains pourront confirmer la véracité des informations relatives aux activités électorales du continent.

"Nous sommes impatients de pouvoir pérenniser ce projet et rendre notre travail visible lors des élections prochaines au Nigeria et en Afrique en général", conclut-il.


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