Ce réseau élabore un protocole de sécurité pour les journalistes travaillant dans les communautés autochtones d'Amérique latine

par Isabela Ocampo
4 avr 2024 dans Sécurité physique et numérique
Une femme autochtone porte un bouquet de fleurs à Antigua, au Guatemala.

Les communicateurs, journalistes et professionnels de la narration travaillant dans les territoires autochtones d'Amérique latine ont marqué les deux dernières Journées mondiales de la liberté de la presse en rédigeant des manifestes attirant l'attention sur les réalités qui affectent leur droit à la liberté d'expression.

Ils travaillent au milieu d'un conflit armé et couvrent les luttes pour la terre, les atteintes aux droits humains, le trafic de drogue, la pauvreté, la corruption, la déforestation et d'autres problèmes qui affectent souvent ces régions.

"Les vies des communicateurs sont en danger car nous vivons et racontons à partir des territoires, et avec eux, c'est pourquoi nous ne sommes pas indifférents à leurs réalités et les conséquences qu’ils subissent", lit-on dans le premier manifeste publié le 3 mai 2022 par Red Tejiendo Historias, une communauté de journalisme interculturel dirigée par le média colombien Agenda Propia.

Aujourd'hui, le groupe de communicateurs et de journalistes autochtones et non autochtones à l'origine de ces messages au monde entier prend des mesures en créant un protocole de sécurité pour s'aider et aider leurs collègues.

"Nous attendons de meilleures conditions d'harmonie pour faire plus de journalisme en respectant les récits des territoires, plus d'accès à l'information, plus de reconnaissance du travail des conteurs locaux, qu'ils soient autochtones ou non", déclare Edilma Prada, journaliste et fondatrice d'Agenda Propia, à la LatAm Journalism Review (LJR).

Exigences en matière de sûreté et de sécurité

Red Tejiendo Historias (Le réseau du tissage d'histoires) est une communauté de journalisme interculturel collaboratif composée d'environ 400 communicateurs et journalistes de 17 pays d'Amérique latine.

Le réseau a été lancé en Colombie en 2019 et se concentre sur la promotion de récits sur les peuples autochtones d'Amérique latine et sur la visibilité de leurs réalités grâce à la méthode du journalisme coopératif interculturel et à la co-création d'histoires, selon Mme Prada.

Certains de ses objectifs sont de faciliter les canaux de communication, de réaliser des formations journalistiques et de promouvoir des espaces éditoriaux avec les communautés et les dirigeants des peuples autochtones.

Les manifestes "#LaPalabraEnRiesgo: Voces del territorio por la vida" (Parole en danger : les voix du territoire pour la vie), rédigé en mai 2022, et "#LaPalabraEnRiesgo: Comunicamos para sanar la memoria" (Parole en danger : Nous communiquons pour guérir la mémoire), rédigé en mai 2023, sont des déclarations énoncées par des membres du réseau. Elles expliquent les défis auxquels sont confrontés les journalistes d'Amérique latine lorsqu'il s'agit de raconter des histoires dans les communautés autochtones.

"Les deux manifestes nous ont permis de comprendre qu'il existe un manque de sécurité et de conditions de protection physique pour les journalistes qui couvrent des sujets dans les territoires autochtones", déclare Mme Prada.

Selon Cindy Amalec Laulate Castillo, membre du réseau et communicatrice autochtone du peuple Tikuna-Magüta en Colombie, l'absence de liberté d'expression et de garanties de sécurité sont deux des points les plus importants du manifeste.

Protéger la liberté d'expression

L'une des particularités des manifestes, qui constituent la base du protocole de sécurité, est qu'ils prennent en compte non seulement la sécurité des communicateurs et des journalistes, mais aussi celle des communautés et du territoire qu’ils couvrent.

Mme Prada a précisé que le protocole prendrait en compte le territoire et les lieux sacrés, en plus de la sécurité des sources vivantes. Il s'agit des chefs autochtones, des grands-mères, des sages et des sages-femmes des territoires, qui constituent la majorité des sources de leurs récits.

"Cela fait également partie de la sécurité, de la protection du territoire, et ce sont donc des éléments qui doivent être pris en compte", affirme Mme Prada.

Selon elle, ce protocole sera le premier du genre, car il n'existe rien de tel pour les journalistes interculturels qui réalisent des reportages sur les autochtones.

"Nous avons passé en revue les protocoles de diverses organisations de défense de la liberté de la presse, et aucun d'entre eux ne répond à cette condition interculturelle", déclare la journaliste.

Bien que le processus de création d'un protocole de sécurité ne fasse que commencer, Mme Prada indique que des espaces de discussion ont déjà été organisés sur ce thème avec les membres du réseau. En outre, elle indique également que des consultations professionnelles ont été menées avec la Deutsche Welle Academy, des experts des médias et des promoteurs de la liberté d'expression.

Pour Mme Laulate Castillo, la création du protocole est une étape supplémentaire dans la défense des droits des communicateurs autochtones et du droit à la liberté d'expression.

"Il est nécessaire de rendre visible ce que la communauté, l'organisation, le territoire, le noyau en tant que tel, ont réellement, afin de pouvoir dire : nous sommes également ici en tant que communicateurs autochtones et non autochtones, défendant les droits des peuples autochtones", déclare-t-elle.

 


Cet article a été publié à l'origine sur LatAm Journalism Review et republié sur IJNet avec l'autorisation de l'autrice.

Photo de Scott Umstattd sur Unsplash