Au début de sa carrière, le journaliste universitaire nigérian Muhammed Bello a eu du mal à accéder à des outils de reportage utiles et à un mentorat qui l’aide à construire sa carrière. Il n'a pas non plus eu l'occasion de travailler avec des journalistes confirmés.
Il n'est pas le seul : de nombreux étudiants en journalisme au Nigeria n'ont pas accès aux ressources qui les aideraient à avancer professionnellement. Ils ont tendance à travailler dans des médias universitaires avec peu de conseils de la part de leurs confrères plus expérimentés.
Par conséquent, de nombreux étudiants ne sont pas conscients des possibilités disponibles qui pourraient améliorer leurs reportages. "Je n'ai même pas eu l'occasion d'assister à des formations. Et les opportunités ne se sont pas présentées à moi comme je l'avais prévu", raconte M. Bello. "Je travaillais sur un article dont je savais qu'il avait un attrait à l’international, mais je n'arrivais pas à trouver un rédacteur en chef à qui le présenter.” Il a fini par arrêter de travailler sur cet article.
La genèse de Journo-Geekology
Pour combler ce manque, en 2021, alors qu'il venait d'obtenir sa première pige internationale avec Vice, Olatunji Olaigbe, étudiant de l'Université d’Ilorin, a créé un groupe WhatsApp pour aider les jeunes journalistes à entrer en contact avec des reporters confirmés.
Baptisé Journo-Geekology, le groupe WhatsApp d'Olatunji Olaigbe offre un forum où les membres peuvent discuter de sujets liés au journalisme et partager des opportunités de carrière.
"L'objectif principal était de partager et de discuter des travaux journalistiques que nous trouvions intéressants et de fournir des ressources aux jeunes journalistes en herbe comme moi", explique M. Olaigbe. "Notre choix s'est porté sur WhatsApp, principalement parce qu'il s'agit d'une plateforme de médias sociaux très importante en Afrique, mais aussi parce qu'elle convenait parfaitement à la structure que nous recherchions.” Il ajoute que les journalistes établis et émergents utilisent tous deux WhatsApp.
M. Bello, qui a manifesté un intérêt pour la plateforme très tôt, a rejoint le groupe l'année de sa création. "Je me suis ajouté à Journo-Geekology parce qu'Olatunji savait que je cherchais activement toutes les occasions de m'améliorer", dit-il. "Je pensais que le fait d’intégrer une communauté de journalistes m'aiderait à progresser.”
À mesure que Journo-Geekology se développe, M. Olaigbe reconnaît l'importance d'une vérification rigoureuse des membres du groupe. "La crainte est que si nous ajoutons des gens à l'aveuglette, nous perdrons l'effet de proximité et nous ajouterons certainement des membres fantômes (qui ne contribuent pas)", explique-t-il. Parmi les membres du réseau, on trouve aujourd'hui des professionnels des médias nigérians qui travaillent à l’international, comme le journaliste indépendant Pelumi Salako et Kunle Adebajo, reporter d'investigation pour HumAngle.
Le fait de partager un espace avec leurs modèles a été une source d'inspiration pour les jeunes membres du groupe et les a aidés à mieux s’identifier à leurs pairs plus expérimentés.
"Je pense que le fait d'être dans le même groupe que des personnes que vous avez toujours admirées vous fait du bien", raconte M. Adebajo. "On voit ses modèles utiliser des stickers WhatsApp amusants et des réactions emoji. On se rend compte qu'ils sont comme nous et qu’on est comme eux.”
Les responsables éditoriaux les plus expérimentés de Journo-Geekology donnent également leurs retours à leurs jeunes collègues. "Le groupe n'est pas seulement un endroit où les rédacteurs accomplis peuvent se pavaner et creuser encore un plus l’écart entre eux et les autres dans le secteur ; l'ambiance est différente", souligne M. Adebajo. "On y trouve des rédacteurs en chef qui annoncent des postes et des opportunités de piges, ce qui donne aux membres de la communauté l'occasion d’envoyer leurs idées, tout en sachant qu'ils ont une oreille attentive.”
Activités et événements
Quelques mois après avoir créé le groupe, M. Olaigbe a invité Allyn Aglaïa, responsable éditorial.e pour Inkstick Media, à une conversation sur leur parcours pour devenir journaliste, leur processus d'écriture et les ressources journalistiques qu'iel utilise. La discussion s'est déroulée par texto, et les membres ont pu demander des conseils à Mx Aglaïa et se familiariser avec le monde du journalisme.
"J'ai été très impressionné.e par l'énergie du groupe, la profondeur et la précision des questions et le niveau de préparation qu'Olatunji et d'autres ont apporté à la discussion", dit Mx Aglaïa. "Je pense qu'étudier collectivement et de manière auto-gérée est une façon incroyable et générative d'apprendre et de grandir.”
Journo-Geekology organise également des événements et des rencontres journalistiques en présentiel. "Notre première rencontre, [un dîner participatif], a été financée par Big Cabal Media. La deuxième fois, nous nous sommes associés à l’UCJ [Union of Campus Journalists] Unilorin pour offrir aux jeunes journalistes et aux journalistes étudiants une plateforme pour discuter de la terminologie du journalisme", explique M. Olaigbe. "Nous veillons toujours à ce qu'il n'y ait pas de barrière à l'entrée pour ces rencontres, car c'est là tout l'intérêt de Journo-Geekology : combler le fossé entre les journalistes débutants et les journalistes reconnus.”
Quelques mois après la première conversation de Journo-Geekology, plusieurs jeunes membres du groupe, dont M. Bello, ont obtenu leur première publication de presse. M. Olaigbe a lui aussi bénéficié du groupe : en 2021, il a remporté le Prix du journalisme de l'Organisation internationale pour les migrations, un concours qu'il avait découvert à travers Journo-Geekology.
"J'aime le fait que les membres partagent souvent des liens vers des articles qu'ils lisent, accompagnés de brèves notes personnelles. C'est le point fort pour moi", déclare M. Adebajo. "J'apprécie également les échanges et les discussions. Ils m'aident à voir des perspectives différentes. Le groupe remplit totalement le rôle qu’il s’était donné. J'espère qu'il se développera et que de plus en plus de gens y auront accès, mais le secret de son efficacité réside peut-être dans sa convivialité.”
Photo de Dimitri Karastelev sur Unsplash.
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