Au Togo, l’AFPM combat les stéréotypes et les préjugés portés sur les femmes de médias

28 nov 2024 dans Diversité et inclusion
Black woman with a microphone

Dans les médias, et au quotidien, les femmes se voient souvent assigner des traits ou des rôles dictés par leur sexe, indépendamment de leurs choix ou réalités personnelles. Les femmes qui ont fait du journalisme leur passion et métier sont victimes de stéréotypes et préjugés.

"Moi par exemple, j'ai pendant des années été confrontée à l'opposition de certains hommes qui n'acceptaient pas d'échanger avec moi sur des sujets professionnels. Au niveau du personnel, certains collaborateurs ont eu du mal à accepter être dirigée par une femme," témoigne Aimée Atana, directrice de Radio Azur, basée à Anié au centre du Togo.

Si certaines femmes ont la chance d’être directrice de média, la plupart de leurs consœurs sont privées de postes à responsabilité ou encore écartées de certaines tâches à causes de leur genre. "Dans certaines rédactions, la femme journaliste ne doit pas être envoyée en reportage la nuit, et est perçue comme incapable de diriger une rédaction," partage Farrida Ouro-Adoï, journaliste et directrice de AlafiaKultur média.

Avec son expérience dans plusieurs radios du pays, Eugénie Gadedjisso Tossou, directrice d’AfrikElles Média, confie que "dans les rédactions, on pense que les femmes ne peuvent que présenter le journal, n’ont pas d’autres capacités intellectuelles ou compétences, ou encore ne peuvent que faire des reportages liés aux femmes."

"Les préjugés et stéréotypes des femmes dans les médias ne sont malheureusement pas limités à l’exercice du métier de journalisme. On pense que les filles qui embrassent une carrière de journaliste ne peuvent pas être de bonnes femmes de foyers ni de bonnes mères," raconte-t-elle.

Ces préjugés constituent un obstacle pour les femmes et sont contre-productifs pour les médias et pour la société.

"Certaines d'entre-nous craignent ces préjugés et s'imposent involontairement des limites. Les femmes peuvent embrasser plusieurs choses à la fois, bien les coordonner et les réussir parfaitement. Dans les médias, elles se voient limitées à certains types de contenu : la mode, la culture ou le lifestyle, la santé tandis que les hommes dominent les reportages sur les actualités politiques, économiques ou les crises," confie Ambroisine Mémédé, directrice de Savoirs News, première agence de presse en ligne au Togo.

L’AFPM engagé à mettre fin aux stéréotypes et préjugés

Face à la persistance et l’ampleur des stéréotypes et préjugés dans les médias au Togo, l’Association des Femmes Professionnelles des Médias du Togo (AFPM-Togo) est née en 2023. Son but est d’éliminer les stéréotypes sexistes dans les médias togolais et de promouvoir l’inclusion et l’égalité des femmes dans toutes les sphères médiatiques.

"Les femmes des médias au Togo sont fréquemment cantonnées à des rôles visuels ou de soutien, étant souvent perçues comme des animatrices ou présentatrices plutôt que comme des journalistes d’investigation, productrices ou réalisatrices. Notre association s’est engagée à valoriser le travail des femmes dans les médias, encourager leur implication dans les processus de décision et de promouvoir l'égalité du genre dans les médias," confie Elisabeth Apampa, journaliste directrice de IYé Media et présidente de l’AFPM-Togo.

L’AFPM veut aussi faire saisir aux femmes les atouts qu’offre le digital. "L’association cherche à mettre en lumière les opportunités offertes par le numérique, afin de favoriser l’autonomisation des femmes professionnelles des médias. La mission est de renforcer les compétences des femmes dans ce domaine et de créer un cadre propice à des échanges, dans un esprit de sororité et de partage d’expertise," confie Hélène Martelot, directrice de Africa Rendez Vous Media, et responsable de la Mobilisation de l’AFPM-Togo.

Elle a donc lancé des campagnes en ligne pour sensibiliser à des sujets comme l'excellence dans les médias et le harcèlement, encourageant les journalistes à prendre la parole sur ces enjeux.

Pour impulser un changement de mentalités, l'AFPM-Togo a créé "Le Carrefour des femmes professionnelles des médias," un espace d'échanges d'idées et de réflexion entre ses membres et les personnes ressources sur les attitudes et compétences à développer par les femmes de médias.

La formation continue de ses membres est au cœur des actions de l’association. L’objectif de ces formations est de fournir aux femmes des outils nécessaires pour affronter les défis quotidiens sur le terrain.

Par ailleurs, l'association a initié un projet qui vise à répertorier les professionnelles des médias afin de mieux comprendre ce public et ses défis, ainsi que mieux orienter les actions de plaidoyer.

"L’association a commencé par mener des actions auprès des institutions publiques et privées pour promouvoir une meilleure représentation des femmes dans les médias, en mettant l'accent sur l'importance des quotas pour les femmes invitées aux évènements et sur l'inclusion dans les processus décisionnels des entreprises médiatiques," confie la présidente Elisabeth Apampa.

En cette fin d’année 2024, l’association prévoit de mener dans le cadre de la journée de la lutte contre les violences faites aux femmes, une campagne de 16 jours d'activisme contre les violences faites aux femmes, en mobilisant les acteurs des médias et du public pour soutenir la lutte.

L’AFPM a aussi inscrit à son agenda dans ce même contexte, l’organisation d’un Carrefour AFPM-Togo sur le thème "La précarité dans les médias au Togo : quelles solutions pour les femmes de médias ?"

A la recherche de moyens

Les actions déjà entreprises par l’AFPM au Togo ont permis de réaliser des progrès. Et pour étendre son impact, l'association doit relever les défis de ressources techniques et financières.

"Le premier défi majeur concerne la gestion du temps de nos membres, qui, malgré leurs emplois du temps chargés, doivent trouver des créneaux pour participer aux actions de l'association. Un autre défi important est le manque de ressources financières, donc la difficulté d’accès à un financement durable," confie la présidente de l'AFPM Togo.

Pour surmonter ces difficultés, l'AFPM-Togo cherche à établir des collaborations stratégiques et à élargir son réseau de partenaires.

"Peu importe les obstacles, nous restons engagés à suivre notre plan et notre vision," rassure Eugenie Gadedjisso Tossou, secrétaire générale de l’AFPM.

 


Photo de Mikhail Nilov via Pexels