Au Québec, le CQÉMI lutte contre la désinformation par l'éducation

4 nov 2022 dans Lutte contre la désinformation
Une ampoule

On les connaît sous leur appellation américaine de "fake news". Cette propagation anglicisée de la désinformation sur le globe a culminé, depuis l'élection de Trump, en 2016. Mais historiquement, le procédé aurait toujours existé – dans la bouche d'Octave, usant d'un faux-testament de Jules César à ses fins de gouverner. En turbulences pandémiques, le phénomène s'est maillé à la dérive complotiste. Liné Pagé, journaliste engagée, retraitée de Radio-Canada, présidente du conseil d'administration du Centre québécois d’éducation aux médias et à l’information (CQÉMI), analyse la mécanique. 

IJNet : Quel est l'ADN de la nouvelle falsifiée/fake new ? 

Line Pagé : Il faut se méfier quand une nouvelle suscite trop d'émotions. La fausse nouvelle se veut fabriquée et comporte donc un motif, soit de haine, racisme, ou autre part subjective. Le facteur d'abondance de la nouvelle et sa force d'inculcation dans l'esprit du lecteur sont d'autres indices, sans oublier la non-crédibilité du formatage et la piètre qualité de sa forme d'écriture. Les sites de désinformation se distinguent d'ailleurs par leurs fautes et la transgression des règles.

Comment définir la phénomène actuel de la désinformation ? 

Il s'agit d'une surabondance d'informations, un flux de circulation de nouvelles relevant de la propagande mondiale. Elle origine de loin, depuis l'Antiquité, sous le règne de César. À l'heure actuelle, sa vitesse de propagation s'avère exponentielle, soutenue par les théories du complot de la crise sanitaire, autour des enjeux de la vaccination, de la survie humaine.

Quelles sont ses spécificités au Québec par rapport aux États-Unis ? 

Les sites de désinformation, quoique préoccupants, sont moins puissants au Québec que chez les Américains. Les moyens financiers sont moindres, par conséquent, il y a peu d'argent à faire ici de ce côté médiatique. Dans la foulée de Trump, un enrichissement de fonds s'est matérialisé pour ces médias de la "fake new". Lors de la crise des camionneurs au Québec, se liguant contre la vaccination, ces groupes ont été forcés de chercher du financement. Une toute autre réalité.

Quels sont les obstacles à l'éradication de la désinformation ? 

En plus de la surabondance d'information falsifiée, on note un manque de vigilance de la part des lecteurs à en valider les sources. Quelle teneur doit-on octroyer à cette nouvelle ? Savoir réagir car les journalistes de la fausse nouvelle peuvent aussi faire des erreurs. Souvent, même les gens instruits n'ont pas appris à se référer à une source fiable. La tendance est à une croyance sans méfiance.

Mme Pagé, photo personnelle
Photo fournie par Liné Pagé

Quel rôle de sensibilisation joue le CQÉMI, avec le programme "#30secondes avant d’y croire"? 

Le CQÉMI fut créé il y a à peine un an, suite à une inquiétude croissante face à l'invasion de la fausse nouvelle. En 2018, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) se liguait à l’Agence Science-Presse afin de bâtir un programme de sensibilisation publique : le programme "#30secondes avant d’y croire". Grâce à  une subvention du Secrétariat à la jeunesse du Québec, les journalistes-formateurs offrant des ateliers sont impliqués et dédommagés à hauteur de 150 $ à 200 $ pour couvrir l'étendue du territoire. L'initiative a remporté un tel succès, auprès d'un bassin de plus de 40 000 personnes dans le circuit scolaire québécois. Ces formations visent à valoriser des contenus à l'éducation aux médias et à l'information fiable et juste. Une nouvelle mouture visera les milieux universitaires et les entreprises.
 

Est-ce que l'éducation et la sensibilisation suffisent dans un monde dirigé vers les réseaux sociaux, antres de la fausse information ? 

Depuis une douzaine d'années, les réseaux sociaux alimentent le flux de la désinformation. La mission du CQÉMI vise à aider toutes les couches de la société québécoise à apprendre à mieux s'informer, à dévier le complotisme et surtout, à approfondir un esprit critique à l'assaut de la désinformation. Notre rôle consiste aussi à mieux faire connaître le journalisme et son rôle crucial pour une société démocratique. Notre petit organisme, en un an d'existence, a prouvé la plus-value des cours à portée citoyenneté sur la lutte à l'éducation à information. Nous développons en parallèle une littéracie numérique afin de centraliser les données sur la désinformation.

Qui sont vos partenaires à l'international ? 

En France, le CLEMI (Le Centre pour l'Éducation aux Médias et à l'Information) est une institution stratégique qui existe depuis 30 ans. Lors de leur semaine de la presse en mars, l'une de nos représentantes Ève Beaudoin a offert un atelier sur le thème suivant : Comment lutter contre les complotistes et trouver la faille pour déconstruire ce raisonnement ? Nous comptons aussi sur un programme d'accueil étudiant avec Radio-France.


Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du CQÉMI