Paroles d'experts : le cas burkinabè dans la gestion du COVID-19

نوشته Merveille Kakule Saliboko
Oct 1, 2020 در Couvrir le COVID-19
Masque

Chaque semaine, le Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale organise des webinaires, comme celui qui a eu lieu le 24 septembre dernier sur le Burkina Faso et le COVID-19.

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Comment le Burkina Faso gère-t-il la crise du COVID-19 ? Les mesures prises par les autorités burkinabè sont-elles efficaces ? Quelles leçons peuvent être apprises ? Autant de questions à se poser lorsque l'on veut parler de la gestion du COVID-19 par le Burkina Faso, l’un des premiers pays africains touchés par cette pandémie.

Au 21 septembre 2020, le Burkina Faso enregistrait 22 nouveaux cas confirmés, portant le nombre total à 1 929 cas positifs de COVID-19 depuis le 9 mars. Ce lundi-là, les statistiques étaient de 1 252 guérisons, 56 décès.

Quinzième webinaire hebdomadaire de la série, il a été modéré par le journaliste Kossi Elom Balao, responsable du Forum de Reportage sur la Crise Sanitaire Mondiale.

 

"Psychose au début"

"Il y avait une psychose au début de l’épidémie au Burkina. Si bien que, même les professionnels de santé avaient peur de ne pas sortir vivants de la lutte contre la maladie", rapporte le docteur Brice Bicaba, coordonnateur national de la riposte au COVID-19 au Burkina Faso. Le Burkina étant l’un des premiers pays africains touchés, avec le premier cas notifié le 9 mars 2020, "les semaines qui ont suivi ont été assez cruciales, selon Bicaba. Puisque, en 2-3 semaines, nous faisions partie des six pays les plus impactés en Afrique".

Au début, d’après le docteur Brice, la létalité était assez élevée. "Nous avions certes un plan mis en place mais c’était de manière théorique. Nous nous confrontions à la réalité et il fallait agir", relate-t-il.

Décliner la stratégie de riposte du sommet à la base

Dix domaines spécifiques à la maladie ont été définis. Surtout, l’organisation mise en place a été déclinée du sommet à la base, du niveau national, puis du district, en passant par l'étage régional. Les autorités politico-administratives ont joué leur rôle pour freiner la maladie. "Les mesures ont été mises en place très tôt", se félicite Bicaba.

Le Docteur Brice Bicaba explique : "Le pic a été atteint entre le 6 et le 12 avril, puis les cas ont commencé à diminuer. Ce qui a conduit à l’assouplissement des mesures. Cet allègement a été accompagné par l’instauration de la mesure de port obligatoire de masque le plus tôt possible."

De poursuivre : "Nous avons pu stabiliser l’évolution de la maladie malgré l’ouverture des frontières aériennes le 1er août. Notre objectif actuel est de faire en sorte que la prise en charge se fasse dans le système de santé"

[Lire aussi : La stratégie gagnante du Sénégal dans la gestion du COVID-19]

Prévenir la circulation communautaire du virus

Le Burkina Faso a mis en place des mesures strictes pour prévenir la circulation communautaire du virus. Et cela s'est passé en trois points : 

  1. Identifier les cas positifs

Lorsque les cas positifs sont identifiés, le traçage des cas contacts est effectué.  Au Burkina Faso, sur plus de 1 900 cas positifs, près de 9 500 contacts ont été suivis, isolés, mis en quarantaine.

  1. Désinfecter les maisons

Une chose est de traiter, une autre est d’assurer l’asepsie du milieu. Au "pays des hommes intègres" (signification du nom Burkina Faso) selon le docteur Bicaba, plus de 2 000 maisons et institutions ont été décontaminées.

  1. Décentraliser les dispositifs de diagnostic

"Lorsque l’épidémie est survenue, le Burkina n’avait qu’un seul laboratoire de diagnostic. Actuellement, nous avons 16 laboratoires. Nous avons décentralisé les capacités de diagnostic", explique le docteur Brice Bicaba. 6 laboratoires sont opérationnels à Ouagadougou, 4 à Bobo-Dioulasso et 6 autres dans les régions.

  1. Décentraliser les dispositifs de prise en charge

Au départ, un hôpital de 500 lits avait été réquisitionné pour prendre en charge les cas de COVID-19. Puis, les hôpitaux de district ont accueilli des patients COVID-19. 

"Un plan un peu tardif"

S’il reconnaît l’efficacité des mesures mises en place, le docteur Traore Martin, n’hésite pas à émettre une critique : "Au Burkina Faso, le plan a été un peu tardif." 

Il est pharmacien, biologiste médical et conseiller en laboratoire dans la direction de la lutte contre la maladie au ministère de la santé au Burkina Faso. Il est également directeur d’un laboratoire privé de biologie et spécialiste du règlement sanitaire international et consultant indépendant de l’Organisation mondiale de la santé. C’est en qualité de consultant de l’OMS qu’il a travaillé sur les plans de certains pays de l’Afrique de l’Ouest.

Docteur Brice lui répond : "S’il a été tardif, c’est parce qu'il s'agit d'un plan multisectoriel. Ça a pris relativement du temps. Le premier plan que nous avons élaboré, chiffré à 11 milliards [de francs CFA], a été remis en cause. Très rapidement, on s’est rendu compte qu’il y a un certain nombre de secteurs qui n’étaient pas pris en compte à l’intérieur de ce projet. Ce qui nous a amené à réviser notre document et proposer un deuxième plan, autour de 178 milliards [de francs CFA]. Nous sommes aujourd’hui à notre troisième document."

L’impératif de la recherche

"Une crise est toujours l’occasion d’apprendre beaucoup de choses. Le volet recherche est vraiment à développer. Il faut faire de la recherche à tous les niveaux", suggère docteur Traore. Ce à quoi renchérit le docteur Brice : "Il faut effectivement mener des recherches, notamment un focus particulier sur nos produits traditionnels. De cette façon, on peut avoir des produits qui pourront nous aider à l’avenir".


Merveille Kakule Saliboko est journaliste freelance, basé à Butembo, en province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo. Lauréat de plusieurs prix en journanlisme, il exerce son métier entre les villes de Bukavu (Sud-Kivu), Goma, Butembo, Beni (Nord-Kivu) et Bunia (Ituri), à l’Est de la République démocratique du Congo.

Il couvre l’actualité de la région de l’Est de la RDC et des Grands-Lacs pour la presse nationale et internationale. Ses domaines de travail sont la politique, la culture, le sport, l’agriculture, l’environnement et le développement durable.


Photo sous licence CC Anshu A via Unsplash