Les qualités professionnelles à valoriser afin de rester "impartial" en tant que journaliste

نوشته Aimable Twahirwa
Dec 11, 2023 در Bases du journalisme
Une personne marche en équilibre sur un tronc d'arbre

Les avis sont partagés parmi les experts sur la question de savoir si un journaliste peut rester impartial dans l'exercice de son métier. Alors que certains estiment qu'un professionnel des médias peut aussi avoir des opinions personnelles, d'autres affirment qu'être journaliste et militant sont deux choses incompatibles.

Lors d'un webinaire hebdomadaire animé le 23 Novembre 2023, Kossi Balao,  Directeur du Forum Pamela Howard du Centre International des Journalistes (ICFJ) sur le reportage des crises mondiales a souligné que la neutralité est un concept qui a toujours préoccupé le monde des médias.

A la question de savoir si un journaliste peut être militant, Pierrot Attiogbe, Directeur général de la radio Pyramide FM, un des panélistes au webinaire, a souligné qu'être journaliste et militant sont deux choses incompatibles.

Certes, il y a des cas exceptionnels là où, dans certains pays, on assiste à des situations où des journalistes participent à des manifestations des partis politiques en arborant même des t-shirts des formations politiques.

"Sur ces medias, quand le journaliste intervient, l'audience a l'impression d'écouter un acteur politique et c'est la situation que nous vivons aujourd'hui" a-t-il fait remarquer.

Dans son intervention, le modérateur a cité la journaliste française Marion Van Renterghem qui a indiqué que la neutralité n'existe pas et que, pour elle, le journalisme est une façon de vivre, de regarder les choses et de comprendre sans juger. 

Cette opinion est toutefois tempérée par Juliette Abwa, responsable desk chez Africa Radio, qui estime que la carrière de journaliste est comme celle des militaires. "Dans l'exercice de leur métier, les journalistes sont censés se comporter comme des militaires qui n'ont pas en principe de coloration. Ils sont là pour défendre la patrie." 

Toutefois, Mme Abwa souligne qu'il y a possibilité d'avoir des journalistes encagoulés et pour lesquels il est difficile de distinguer leur coloration. "On ne dit jamais que celui-là est pro-gouvernement ou pro-opposition, car un parti politique n'a pas le droit d'avoir un media," a-t-elle affirmé.

Journalisme militant

L'intervenante a en outre estimé primordial pour les journalistes d'exercer leur métier de manière professionnelle en se consacrant uniquement aux faits et en mettant leur sentiment de côté. "Une fois que cette règle est respectée, je pense qu'on n'aura pas de journalisme militant", a-t-elle souligné.

Aux yeux de ceux qui emploient le terme "militant",  il y a des cas où des colorations politiques se retrouvent dans les médias et ainsi certains journalistes sont tentés de s’associer ou créer des affiliations avec des formations politiques.

"La situation actuelle oblige parfois certains medias à prendre une coloration politique et le public te perçoit ainsi", observe Mme Abwa.

Dans certains cas, selon le modérateur du forum, il y a des situations qui amènent les professionnels des médias à se retrouver dans cette posture avec plusieurs casquettes : d'un côté militant et de l'autre journaliste. A la question de savoir si les deux positions peuvent faire bon ménage, Caroline Chauvet, journaliste reporter d’images pour TV5 monde et collaboratrice de l’AFP et Jeune Afrique, estime que c'est une question internationale qui ne s'applique pas spécifiquement à un pays même si les réalités peuvent différer d'une région à l'autre.

"Le journalisme en soi c'est un engagement (...) quand on fait couvrir une manifestation de l'opposition par exemple, c'est s'engager à apporter une lumière sur cet événement. A partir de là, on peut relater les faits qu'on voit (...) Pour des raisons de sécurité, rapporter cette manifestation est un engagement en tant que journaliste", a-t-elle affirmé.

Selon elle, on ne peut pas mélanger les deux car il ne faut jamais s'engager dans une formation politique en étant journaliste. 

Eviter des affiliations politiques

Même s'il y a des restrictions pour un journaliste concernant l'adhésion à une mouvance politique, Mme Chauvet souligne toutefois que l'on peut être journaliste et rester engagé dans une ONG car leur cadre d'intervention consiste de valeurs partagées par tour le monde. "Mais être journaliste et membre d'un parti politique ne fait pas bon ménage", précise-t-elle.

Les avis sont unanimes aux yeux des panelistes pour affirmer qu'une autre réalité du terrain est que certains journaux peuvent avoir des affiliations politiques quelle que soit leur ligne éditoriale.

"Se renseigner en avance sur la ligne éditoriale du média pour lequel vous voulez travailler reste ainsi indispensable," conseille Mme Chauvet, qui ajoute qu'un journaliste a aussi la possibilité de choisir ses médias ou créer son propre titre. "En tant qu'être humain, forcément on a des valeurs."

Aux yeux de la panéliste, il est possible de choisir des médias aux valeurs proches des nôtres. "On a tous certaines valeurs qui nous sont propres et que l'on défend et qu'on laisse légèrement transparaitre dans nos reportages ou articles", affirme-t-elle.

Neutralité

Si le concept de neutralité n'est pas universellement accepté, M. Attiogbe, Directeur général de la radio Pyramide FM, affirme pour sa part que certains médias font face à certaines difficultés pour le maintenir. "Le journalisme est un métier qui est codifié par un certain nombre de paramètres et celui qui s'engage dans ce métier doit se conformer aux principes d'objectivité, d'impartialité et de neutralité", déclare-t-il lors de ce webinaire.

Abondant dans le même sens, Juliette Abwa, responsable desk chez Africa Radio, estime qu'un journaliste encadré par la déontologie est un humain et il porte des valeurs qui peuvent avoir une dimension démocratique.

Alors que certains hommes politiques jugent parfois les journalistes trop partiaux, Mme Abwa rappelle que le métier de journaliste, c'est tout d'abord chercher l'information et le transmettre en s'adaptant au contexte.

Rigueur et exactitude

Tous les panélistes sont convaincus qu'il n'est pas bon pour le journaliste de prendre parti quand bien même il fait partie de la société. Selon eux, le journaliste ne peut pas se soustraire et dire qu'il ne veut pas être dans la politique. "Le journaliste doit être impartial", souligne Mme Chauvet.

Aujourd'hui les experts dans les domaines des médias estiment que les opinions publiques sont partagées, polarisées, divisées. Du point de vue professionnel, l’exactitude et la rigueur dans le travail journalistique restent des enjeux primordiaux, selon eux. 

Alors que le modérateur du forum reste convaincu que présenter les faits tels qu'ils se déroulent reste un grand défi alors que c’est la règle d’or pour certains journalistes, Mme Abwa souligne la nécessité de se détacher de ses émotions dans l'exercice du métier. 

"On n’est pas là pour avoir des sentiments sur des situations (...). Aujourd'hui le public affiche parfois une méfiance envers les journalistes qui tentent de manipuler l'information", dit-elle.

Lors du webinaire, certaines expériences ont montré que dans certains pays, les journalistes font glisser leurs opinions suscitant ainsi des indignations. "Le public attend en principe du journaliste de ne pas prendre parti", souligne Mme Abwa qui est reporter sportive.

Selon les panelistes, parmi les valeurs que doivent incarner le journaliste, il y a d'abord l’impartialité ou la neutralité, mais Mme Chauvet déplore que ce qui tue la profession c’est aussi le publi-reportage qui ne dit pas son nom. 

Alors que les moyens financiers limités de certains medias créent une précarité chez la plupart des journalistes,  Mme Chauvet estime que l’accès au financement pour les journalistes reste indispensable pour garantir leur professionnalisme.

"Aujourd'hui les bloggeurs sont plus riches que les journalistes malgré la qualité de contenus (...). Les professionnels des médias ont aussi besoin de sortir de l'ordinaire avec l'innovation dans l'exercice de leur métier car le monde change", souligne Mme Chauvet qui a travaillé comme correspondante pour plusieurs médias français dans différents pays d'Afrique Centrale. 

 

Photo de Jon Flobrant sur Unsplash