Ils ont choisi d'être journaliste et écrivain

نوشته Hélène Boucher
Dec 21, 2021 در Bases du journalisme
Une personne écrit

L’histoire des Lettres fut depuis deux siècles intimement liée à celle du journalisme, voire de l’investigation. Face au monde les entourant, des femmes et des hommes aussi illustres et légendaires que Colette, Camus, Hemingway ou Balzac ont répondu à l’appel d’analyse de l’état de la société. Aujourd’hui, qu’en est-il de l’écriture libre, de son empreinte dans le livre hors du paradigme de l’article ?

Du terrain à la page 

Au Québec, le nom de Patrick White s’est apposé à la plupart des grands médias. De correspondant de Reuters au Québec durant sept ans, au géant CTV News et à Québecor, le fondateur du Huffington Post Québec en 2012 se délecte dorénavant de l’enseignement du journalisme à l'Université du Québec à Montréal (UQAM). Débordant de curiosité, l’intellectuel entretient avec la page vierge une relation foisonnante, sans jamais subir le trouble de la fameuse "page blanche"...

Ce don inné fluide à l’écriture l’a poussé à se consacrer à un blogue reconnu depuis 17 ans à son identité propre, et à l’écriture de deux œuvres depuis 1997. D’abord un coup de maître réalisé en cinq semaines intitulé Le village CNN : la crise des agences de presse.

Puis son tout dernier titre qui paraîtra en janvier prochain sur les Presses de l’Université Laval : Henry Daniel Thielcke. La vie d’un peintre royal méconnu. "Il s’agit d’une enquête journalistique sur le legs de 80 peintures de cet artiste majeur dont la pandémie fut un déclencheur d’écriture soutenue", introduit l’essayiste versé dans l’histoire de l’art depuis 30 ans. Un monumental travail de recherches s’étalant sur près de deux décennies, autour de la figure de cet artiste né à Buckingham Palace, de sa trajectoire québécoise entre 1832 et 1854 jusqu’à Chicago. 

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L’ennemi procrastination

S’il existe pour Patrick White un écueil à l’écriture d’un manuscrit, c’est bien ce réflexe de remettre à plus tard cet acte délibéré, lorsque le journalisme devient un accaparement. Dans ces situations d’impasse, il parvient à se ressaisir malgré le tourbillon des nouvelles et l’addiction au flux d’Internet.

"À force d’être absorbé par l’écriture d’articles au quotidien, on a tendance à s’oublier. Il faut savoir prendre du recul et canaliser une énergie pour écrire", témoigne celui qui trouve dans le livre une niche gratifiante d’accomplissement. 

Son penchant pour l’histoire de l’art s’affranchit de l’hermétisme auprès du grand public, la noblesse de l’écriture à compte d’auteur grâce à l’appui du milieu universitaire lui suffisant. Passionné par la sphère de la presse, l’essayiste songe à une œuvre sur l’avenir des médias, un troisième livre en devenir. 

Écrire comme on découvre

Auréolé par la sortie récente de son recueil d’aventures Sillonner les chemins du monde, 40 récits de voyage autour du globe, l’écrivain journaliste photographe Gabriel Anctil en connaît plus d’un chapitre sur la dynamique d’écriture libre.

Virtuose littéraire, il a signé 25 titres dans la dernière décennie dans les créneaux du livre pour enfants comme du roman. Sa conception du journalisme de voyage s’imbrique à même la matière brute de la littérature. Il aborde ainsi chacune de ses destinations, par exemple les marchés de rue la nuit à Hong Kong, le New-York des artistes ou la ville rose Toulouse, en souvenir d’Antoine de Saint-Exupéry et ses pairs pilotes. "Seul le reportage voyage me permet de plonger dans une ambiance sensorielle complète, tout comme le roman que j’envisage avec la même approche", explique le prolifique auteur.

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Défricher le monde en solitaire

Alternant tel un caméléon entre pages noircies dans la presse et format bouquin, Gabriel Anctil soulève l’apport crucial de la concentration et de la gestion dans l’acte d’écrire. Un "marathon de l’isolement" à chaque manuscrit, en dehors du style de vie journalistique pavé d’échéances et tombées.

"Les écrivains sont en confinement avec le monde. On travaille seul et nous devons aspirer à un besoin de concentration… ", soutient l’écrivain défricheur du moindre détail sur ses personnages et son fil.

Face à la page blanche, aucune agitation ne l’ébranle, même avec comme objectif un colossal ouvrage de 500 pages. Chacun de ces pavés viennent avec un plan détaillé.  Avec ses 40 récits de voyage sensoriel publiés aux éditions Somme Toute, l’explorateur moderne poursuit les pérégrinations de ses 16 ans, sac à dos et frénésie comme compagnons à l’écriture. 

Privilégié par son bassin de lecteurs de toutes générations et l’adhésion de la presse à son œuvre multidimensionnelle, Gabriel Anctil vogue sur une mer sans houle. Après 25 livres, sa plume lui fait encore atteindre un nirvana de satisfaction et de soulagement à chaque parution, sans attente de ventes ou de succès. Un devoir d’accomplissement où chaque livre devient une aventure en soi. "Le livre a une vie autonome. Il me permet d’aller au bout de moi", ressent le partisan du credo "Ecris pour toi pour t’inscrire en ton temps". 


Photo sous licence CC, via Unsplash, par Green Chameleon