RD Congo : l’exercice de la liberté de la presse ne s’améliore pas

Nov 29, 2023 en Liberté de la presse
Une route en République Démocratique du Congo

Incarcération, assassinats, menaces, agressions et arrestations des journalistes,  fermetures et pillages des médias… autant d’atteintes à la liberté de presse enregistrées en République démocratique du Congo (RDC)  pendant le premier mandat du président Felix-Antoine Tshisekedi malgré ses promesses. 

« Le journaliste doit librement exercer son métier et fournir des information de qualité. Mais, par exemple Stanis Bujakera Tshiamala, correspondant de Jeune Afrique en RDC, est incarcéré depuis le 14 septembre 2023 pour avoir fait son travail. Ce n’est pas normal », regrette Laurent Bwenia Muhenia, un des cadres de l’Association africaine de défense de droits de l’Homme (ASADHO) en RDC. 

M. Bwenia Muhenia prône le changement afin que la démocratie aille bon train dans cet important pays de l’Afrique centrale. 

De son côté, Papy Nsonga, un autre activiste des droits humain se souvient de l’assassinat d’Héritier Magayane, journaliste de la RTNC (Radiotelevision nationale du Congo), station locale de Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu (dans l’est du pays).

« Ce journaliste a été lâchement tué, le 8 août 2021, à l’arme blanche par un groupe d’hommes non autrement identifiés. C’est une grande perte pour nous tous. » 

Joel Mumbere Musavuli, directeur de la Radio Communautaire Babombi, ainsi que son épouse ont été attaqués à l’arme blanche, le 14 août 2021, par un groupe d’hommes non autrement identifiés. Le journaliste a succombé de ses blessures tandis que sa femme a été grièvement blessée.

« Dans le sud-ouest de notre pays, précisément dans la province de Mai-Ndombe, le journaliste Blaise Mabala était, en aout dernier, arrêté et jeté au cachot par les autorités politico administratives pour avoir dénoncé leurs abus », témoigne Therese Mbongomingi de la société civile de Mai-Ndombe. 

Dans son rapport publié le 02 novembre 2023 à l’occasion de la Journée Internationale contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes, Journaliste en danger (JED), une des structures qui fait la promotion et la défense de la liberté de presse en République démocratique du Congo (RDC), fustige les promesses non tenues du président Tshisekedi. Sur les plans politique, judiciaire ou encore sécuritaire, aucune action concrète n’a été menée pour rendre plus sûr l’exercice du métier de journaliste, en dépit de l’adoption d’une nouvelle loi sur la presse issue des États généraux de la Communication et des médias qui n’a jamais été publié au Journal Officiel, plus de huit mois après sa promulgation par le Chef de l’État. 

Le rapport affirme que les conséquences de ces promesses non tenues se traduisent par les assassinats, les menaces, agressions et arrestations des journalistes, les fermetures et pillages des médias enregistrés chaque année depuis son avènement au pouvoir.

Le service de monitoring de cette structure a enregistré au moins 523 cas d’attaques diverses contre la presse depuis le début de son mandat, dont 5 journalistes tués. On compte au moins 160 cas d’arrestations des journalistes, plus de 130 journalistes et professionnels des médias victimes des menaces et violences physiques, et 123 cas des médias attaqués, fermés ou des émissions interdites.

Pourtant ce quinquennat était considéré comme celui de tous les espoirs pour les journalistes congolais, après le long règne de Joseph Kabila à la tête de la RDC, marqué par des brimades, des attaques et fermetures des médias, des arrestations et violences allant parfois jusqu’aux assassinats des journalistes. 

En janvier 2019, Le Président Félix Tshisekedi s’était engagé, dans son discours d’investiture, à faire des médias « des véritables 4è pouvoirs ; à œuvrer pour le respect des droits fondamentaux, et à sensibiliser les forces de sécurité au respect des droits et libertés des journalistes à exercer leur mission d’information sans crainte des représailles. » 

Dans ce rapport, JED met également en exergue les cas des journalistes tués ou portés disparus particulièrement dans les provinces de l’Est de la RDC en proie à la violence des groupes rebelles.  Au moins 3 journalistes ont été tués au cours de l’année 2021, et un journaliste porté disparu depuis décembre 2020, après avoir été enlevé par des miliciens. 

Le document est publié dans un contexte crucial caractérisé par la guerre qui dure depuis des années dans l’est du pays et par la préparation des élections présidentielles et législatives qui devront se tenir le 20 décembre 2023. 

Face à cette dénonciation, le président Tshisekedi a réagi lors de son discours sur l’état de la nation, discours prononcé le 14 novembre 2023 devant le Congrès. 

Le président Tshisekedi a notamment noté qu’en l’espace de quatre ans la RDC a gagné 30 places dans le baromètre mondiale de la liberté de presse de Reporters sans frontières. 

« Tout est mis en œuvre pour consolider cette nouvelle dynamique afin de permettre d’une part d’opérer l’assainissement du secteur des médias et d’autre part d’arriver à la professionalisation des journalistes. Mon action politique dans ce domaine s’est essentiellement orientée vers deux objectifs à savoir la réforme du cadre normatif institutionnel de l’exercice de la liberté de presse ainsi que la sécurité du journaliste », a-t-il déclaré. 

Saisissant cette occasion, le président a « déploré et condamné tous les cas d’atteinte à l’exercice de la liberté de presse perpétrées sur le territoire national ces dernières années. »

« Pour moi, le discours du président ne fait que réitérer son intention de bien faire. Je ne suis pas d’accord. Nous souffrons pour faire notre travail », réagit Alain Mulangi, journaliste de www.newsblogworld.info

« Nous voulons que des changements concrets se réalisent dans l’exercice de notre métier. C’est un processus. Un jour, on y arrivera », indique Georgette Mukwa, journaliste à la Radio Tomisa du diocèse de Kikwit dans le sud-ouest du pays. 

« J’espère qu’avec ce qui se fait, la situation de la liberté de presse va s’améliorer en RDC », estime Grégoire Lunungu, un des activistes des droits humain du pays. 

 


 

Photo de Kaysha sur Unsplash