Le COVID-19 n’inquiète pas Our(s)

by Florent Servia
Jun 25, 2020 in Couvrir le COVID-19
Jardin des Curiosités à Lyon, France

C’est dans le contexte de la crise du COVID-19 qu'Our(s), marketing, communication, média, s’est créé en février, à Lyon, sans savoir que ses premiers mois seraient inoubliables. Retour sur des débuts mouvementés.

Quand Intermédia s’est arrêté, l’été dernier, après 37 ans d’existence, Mathieu Ozanam et Julien Servant, décident de créer une nouvelle aventure médiatique de toutes pièces. Respectivement rédacteur en chef et commercial d’Intermédia, hebdomadaire dédié aux professionnels du marketing, de la communication et des médias en Rhône-Alpes, les deux collègues se servent de leur expérience dans le domaine pour créer Our(s), qui voit le jour six mois plus tard, en février 2020.

Moins de rencontres, plus de disponibilités 

A l’heure du confinement, le 15 mars, l’équipe d’Our(s) s’est lancée dans une tournée à travers les grandes villes de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour promouvoir la création du média et booster sa campagne Kisskissbankbank. Les présentations aux clubs de la presse de Lyon, Saint-Etienne et Grenoble ont lieu. Mais le confinement est annoncé quand vient le moment de se rendre à Annecy et Clermont-Ferrand. L’équipe d’Our(s) est stoppée dans sa mission première : montrer aux communicants de la région Auvergne-Rhône-Alpes que le média s’intéressera à tout son territoire. "Nous nous devions d’aller rencontrer les futurs abonnés et les anciens lecteurs d'Intermédia et leur expliquer que l’on reprenait le fil sous une forme différente", regrette Mathieu Ozanam.  

Désormais forcée de tout faire à distance, l’équipe bénéficie finalement d’une plus grande disponibilité de ses lecteurs potentiels. Mathieu Ozanam analyse : "Tout le monde était chez soi, face à son ordinateur et disponible au téléphone. Ça nous a permis de développer la notoriété du site. Les gens se sont peut-être abonnés plus facilement à la newsletter et, sur le site, nous avons eu des audiences très intéressantes pour des débuts".

La crise accélère les tendances

A peine créé, Our(s) bénéficie du seul signal favorable fort qui apparaît avec le COVID-19 : la hausse des abonnements en ligne. Au 30 avril Le Figaro avait connu une hausse de 30 000 abonnés supplémentaires, selon Mindnews, quand Libération est passé de 22 000 à 50 000 abonnés numériques le temps du confinement, selon CNews. Pour ne pas louper le coche, l’équipe lyonnaise met à profit ses compétences de veille sur le marché des médias. "On regarde ce que font les pure players d’information existants. Je pense aux Jours, à Mediapart, à Médiacités ou même au Monde à l’Equipe, qui ont réadapté leur offre à la situation. Sans eux, nous n’aurions pas pensé à proposer une offre d’engagement à 99 centimes le premier mois." En s’adaptant à une situation exceptionnelle, Our(s) a pu atteindre en quatre mois les objectifs prévus sur l’année entière : "Nous avions envisagé d’avoir 200 abonnés après neuf mois. Or, nous avons dépassé la barre des 200 après quatre mois seulement. Le Kisskissbanbank (qui a pris fin le 3 avril) nous a permis de partir avec 104 abonnés. Nous visons désormais 400 abonnés pour le mois de décembre." 

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Repoussée à début juillet, la sortie de la revue bimestrielle pose la question des revenus publicitaires. En berne depuis le début du confinement, ils actent la fragilité du business model des médias et les poussent à une vague de licenciements et de plans sociaux d’une rare ampleur. Au Parisien, un plan vise le départ de 30 journalistes, selon l’AFP.  A NextRadioTv, la partie audiovisuelle du groupe Altice, qui comprend BFM TV et RMC, la suppression de 330 à 380 CDI et jusqu'à 200 pigistes et intermittents a été annoncée. Le magazine féminin Grazia ne paraîtra plus en kiosque et Reworld Media, propriétaire du titre, annonce le licenciement de 31 postes, selon Libération. Cette hécatombe ne devrait pas menacer Our(s), dont les charges structurelles ne sont pas aussi pesantes. Le timing n’est pas non plus aussi problématique qu’il pouvait en avoir l’air.

En décalant la parution du premier numéro de sa revue, Our(s) a évité des désagréments. Mathieu Ozanam de prophétiser : "La réussite d’un projet dépend bien sûr de ses acteurs, de l’argent, mais aussi du moment." Le confinement aurait permis aux lecteurs de se familiariser avec le nouveau média et de constater, selon Mathieu Ozanam, que la revue respecte le programme annoncé : six à 10 nouveaux articles chaque jour, sur le site, une newsletter quotidienne et une couverture de toute la région Auvergne-Rhône-Alpes. 

Futur et déconfinement

Déconfinée, la rédaction peut ainsi "répondre aux sollicitations que cela a entraîné et nouer des relations, analyse Mathieu Ozanam. "Our(s) doit travailler avec tous les clubs de la presse qui existent. Et nous avons besoin de nous rencontrer pour développer des projets ensemble".

Déjà largement traité sur le site, le COVID-19 fait l’objet d’un dossier dans le premier numéro de la revue Our(s). Mathieu Ozanam l’a appelé "Nouvelle vague" mais compare les conséquences économiques craintes à un embouteillage : "le premier qui freine provoque des répercussions derrière lui. Si dans cette reprise, les donneurs d’ordre, les collectivités et les grosses entreprises coupent leur budget, les répercussions se sentiront sur toute la chaîne".

Mais, pas inquiété par la situation, le directeur de la publication explique que les ressources d’Our(s) ont été pensées pour être multiples. Si les publicités venaient à baisser, le média lyonnais pourrait compenser avec les bons résultats sur les abonnements et bénéficierait de l’organisation d’événements comme de la création d’une plateforme de mise en relation, qui fera le lien entre les agences de communication et les entreprises en recherches de prestataires pour des sites internet, du packaging ou de l’organisation d’événements. Accessible sur la base d’un abonnement, à partir du mois de septembre prochain, la plateforme devrait consolider le futur de ce nouveau média ambitieux.


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