Ce qu'il faut savoir pour couvrir la variole du singe

Sep 6, 2022 in Reportage de crise
Image d'illustration médicale

Alors que le monde continue de faire face à de récurrentes vagues de COVID-19, voilà qu’un autre virus vient lui emboîter le pas. La variole du singe, cette inconnue bien connue, dont le premier cas a été signalé au début du mois de mai dernier à Londres, suscite beaucoup d’inquiétudes. Fin juillet, le directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a annoncé qu'il déclarait l'urgence de santé publique de portée internationale concernant cette épidémie. 

La variole du singe, qui a touché plus de 50 000 personnes et causé 16 décès dans le monde depuis mai, alimente les rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux. Ces rumeurs représentent un grand défi pour les journalistes, qui doivent combattre la désinformation et informer pleinement sur le sujet. Mais comment peuvent-ils bien remplir cette mission ? Combien bien informer vos lecteurs sur la maladie ? Comment proposer un article sur la variole du singe à un journal ou à un magazine scientifique ? Quel angle de traitement faut-il adopter ? Que doivent savoir les journalistes sur la variole du singe ?

Toutes ces questions et bien d’autres ont été abordées dans ce webinaire animé le jeudi 4 août 2022 par Kossi Balao, responsable du Forum Pamela Howard de l’ICFJ (International Center For Journalists) sur le reportage des crises mondiales. L’invité de ce 99e webinaire est Fabrice Rousselot, directeur de la rédaction The Conversation France.

 

 

Une meilleure couverture médiatique

Contrairement à la couverture médiatique du COVID-19, qui a été très compliquée pour la presse face à de nombreuses interrogations qui d’ailleurs, persistent encore aujourd’hui, la variole du singe présente une toute autre lecture. Pour le directeur de The Conversation France, Fabrice Rousselot, ce changement est dû aux leçons tirées par les médias suite à la pandémie, qui a été pour tous quelque chose à la fois d'énorme et inédit.

L'ancien correspondant à New York et Londres dit observer une lecture positive de la couverture médiatique de la variole du singe. "La presse s’est rendue compte qu’on ne pouvait pas dire tout et n’importe quoi. Mais qu’il fallait vraiment travailler pour essayer de comprendre, puisqu’on ne savait rien de ce virus. Et donc, il y a eu un espèce d'épisode où la presse a commencé à travailler plus dur, a commencé à faire référence à l’expertise". Toutefois, il dit avoir des réserves en raison de certaines dérives, notamment sur les réseaux sociaux.

Se tourner vers les experts

La variole du singe, bien qu’elle paraisse nouvelle, n'a pas été découverte au mois de mai dernier, mais en 1958. Face à des sujets aussi compliqués qu'une épidémie, l'intervenant pense que les journalistes devraient se tourner vers les experts pour pouvoir mieux expliquer, pour pouvoir mieux comprendre.

Depuis le début de la maladie, plusieurs articles ont été traités par l'équipe de The Conversation. Elle a utilisé un format "questions-réponses" pour présenter les éléments fondamentaux du sujet. Pour l’enseignant en journalisme à Science Po, les journalistes "auraient souvent avantage à poser des questions plutôt que d’essayer de comprendre et de transmettre". 

Poser de bonnes questions

Dans le cadre de la variole du singe, les principales questions que devraient poser les journalistes sont les suivantes : "Quelle est l’origine potentielle de la variole?", "D’où vient-elle", "Quels sont ces effets ?", "Qu’est-ce qu’on sait sur la maladie dans l'instantané ?","Comment se transmet-elle", etc.

Pour Fabrice Rousselot, il est plus qu'important pour le journaliste d'être spécialisé dans un domaine sur lequel il intervient. Car cela lui permettra de mieux aborder le sujet, surtout dans les dialogues avec les experts. Selon lui, il est important que les journalistes soient spécialisés dans des domaines comme la santé, l'éducation et la science. C'est d'ailleurs ce qui fait la différence entre leurs contenus et ceux des autres médias.

Ce que les journalistes doivent savoir sur la maladie

"Ce qu’ils devraient savoir c’est de commencer déjà à savoir ce qu’on ne connaît pas. Car c’est une maladie qu’on ne connaît pas beaucoup. La question, c’est de savoir comment on avance ? On doit connaître les éléments sur l'éradication de la variole et puis sur les vaccins", indique l'intervenant.

Tous ces éléments doivent faire partie d’une qualité, laquelle doit être une qualité première, à savoir la curiosité. Sur un sujet comme celui-ci, il ne faut pas prétendre qu’on connaît, mais plutôt se poser les bonnes questions, aller voir les bonnes personnes et essayer de répondre aux interrogations du grand public. Il s'agit là de l'essence du travail du journaliste, dans le cadre de pandémie ou d'apparition de nouveaux virus, il sert de médiateur entre les scientifiques et le grand public.

Communiquer sur les incertitudes liées au virus

Si on ne sait pas, il faut savoir dire qu’on ne sait pas, prévenir qu'il y a encore des interrogations sur tel ou tel sujet. Face à des éléments de santé publique, il faut communiquer intelligemment pour pouvoir informer intelligemment. 


À savoir : l'Organisation mondiale de la santé propose un cours gratuit sur la variole du singe, durée : 3 heures. Plus d'information ici.

Photo d'illustration médicale, par Afif Kusuma via Unsplash, licence CC