Au Québec, le média digital la Converse mise sur le journalisme de dialogue

بواسطة Hélène Boucher
Aug 31, 2022 في Innovation dans les médias
Deux personnes discutent

Quel journaliste n'a jamais rêvé d'une vocation plus démocratique, indépendante, hors de l'espace publicitaire ? Tendre l'oreille vers les plus ostracisés par un dialogue ouvert, apolitique, pour traduire l'actualité, constitue une dimension concrète pour la journaliste Lela Savić. D'origine Rom, la jeune femme de Serbie a embrassé avec la plateforme La Converse une idéologie journalistique de "réparation du narratif". Découverte d'un média en essor.

L'actualité par l'être humain 

La destinée de la rédactrice en chef et fondatrice du média en ligne puise à même son ADN. Enfant, elle rejetait la manière de représenter sa communauté rom dans les médias de masse. Une forme d'ostracisation déformant du coup les faits, toute une réalité socio-culturelle. Le journalisme l'invite à rétablir cette fausse vision avec une idée fixe : tout pour le journalisme de proximité. Au Québec, l'actualité y est trop monochrome, unidirectionnelle, loin du spectre des identités, constate-t-elle.

Après plusieurs années de réseautage et va-et-vient à l'international, Lela Savić développe son cycle de conférences en Europe et en Amérique du Nord et approfondit son ancrage à des médias orientés vers la diversité des points de vue. Ses influences ? The Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), Al Jazeera, Discourse Media au Canada, Cafébabel France et Belgique et une foule de blogues. Des vitrines où raconter "l’actualité autrement par les réalités des gens", se conforte la journaliste.

Forte de ce parcours et soutenue par un fonds de création aux médias post-pandémie, Lela s'arme de son esprit "rebelle" et lance La Converse en mai 2020, à Montréal. Un média correspondant à ses préceptes de l'enquête et du reportage terrain, en verbe et vidéo. L'image en action, incontournable amalgame pour traduire la véracité du témoignage à la défense des opprimés, des minorités. "Il s'agit aussi d'une manière accessible et émotive pour contrer l'analphabétisme et mettre un visage au-delà la lecture. On atteint ainsi un autre niveau de nouvelle...", explique la rédactrice en chef, fière de son média digital qui fait ainsi vivre les récits. À titre d'exemple, l'expression d'une mobilisation citoyenne pour le droit au logement par un citoyen risquant l'éviction.

Credo éthique La Converse

Au lancement de la plateforme, naît une communauté aguerrie de journalistes prêts à adopter un certain "déformatage du traitement de l'information". Des investigateurs et investigatrices du dialogue qui envisagent de redorer le blason des médias qui sert trop souvent la "pornographie de la pauvreté et de la souffrance", souligne la fondatrice.

"Plusieurs personnes détestent les médias à cause de cette exposition de la misère. Nos journalistes prennent le temps, des heures entières, à établir une relation avec les personnes racisées qui vivent une situation allant jusqu'au trauma", détaille la défenderesse d'un discours médiatique non-homogène. Elle tient toutefois à nuancer l'idéologie afin d'éviter un clivage intellectuel. "On ne touche pas que les personnes racisées. On veut servir tout le monde par le dialogue afin de transmettre la réalité à tout le monde."

Intégrer La Converse implique pour tout journaliste de faire montre de maintes responsabilités. Telle une bible ouverte du collaborateur, une dizaine de valeurs furent définies, des suites de cogitations de la fondatrice et de ses pairs. Dans l'objectif de maintenir un socle horizontal de journalistes représentants de la société, la diversité et l'inclusion sont transversaux. Chacun est accueilli dans cette communauté du dialogue respectueux, afin de créer un impact de la nouvelle dans la vie des gens.

"À La Converse, vous n’êtes pas des sujets d’articles, vous faites partie d’une communauté. Nous prenons le temps de vous écouter et nous travaillons avec vous avant, pendant et après la publication de nos reportages", stipule l'un des pans du credo.

Forte présence sur les réseaux sociaux

Le succès croissant de la plateforme est redevable à sa présence sur les réseaux sociaux. Accessible sur Instagram et Facebook, La Converse circule également par le biais d'une infolettre.

Cette stratégie de diffusion rejoint un public pluriel, les jeunes de la génération Y dits les milléniaux, des lecteurs et lectrices de la diversité, souvent marginalisés. Et plus largement – le spécifie Lela Savić – toute personne qui a rompu avec le média de masse, qu'importe sa culture.

Un lectorat fidèle, adepte de la conscience humaine, s'abreuve de ces actualités en Angleterre, aux Balkans, en France et jusqu'en Tunisie. Portée par cette vague d'approbation, la rédactrice en chef et ses acolytes cherchent des appuis financiers pour conserver cette qualité de reportages concentrés sur les systèmes et sur l'expérience humaine plutôt que sur les symptômes.


Photo, Dima Péchurin, via Unsplash, licence CC