Que faire en cas d'erreur dans un reportage ?

Jun 20, 2022 в Sujets spécialisés
Un correcteur blanc

L’erreur, comme le rire, est humaine, dixit Roland Topor. Tout le monde peut se tromper, mais pour le journaliste, il est primordial de se corriger. Il véhicule l’information et celle-ci doit être véridique. Quelles sont les erreurs courantes commises par les journalistes ? Comment éviter ces erreurs ? Quelles sont les bonnes pratiques auxquelles recourir ?

Pour répondre à ces questions, le Forum francophone Pamela Howard de l'ICFJ a reçu Yann Guegan, journaliste en charge de l'innovation éditoriale chez Contexte. Il est également l’ancien rédacteur en chef adjoint de Rue89. Il est passé par Libération, Challenges, l’Express, Télérama. Il est également le vice-président du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM).

 

 

Voici les éléments-clefs à retenir. 

Une erreur non rectifiée et remarquée entraîne une remise en question de tout le travail du journaliste, de ses multiples articles écrits et reportages, explique le journaliste. Une erreur peut passer inaperçue pour le lecteur mais il incombe au journaliste de la corriger et surtout de la signaler. Corriger une erreur n’est jamais une partie de plaisir, on préfère la perfection. Yann Guegan partage sa propre expérience : "lorsqu’on corrigeait une erreur et la signalait, la réaction du public était plutôt favorable, ils avaient plus confiance, puisqu’une faute avouée est une faute à moitié pardonnée". 

Les erreurs les plus courantes 

Les plus fréquentes sont les erreurs de détails, d’orthographe ou de grammaire mais les plus signalées sont celles qui ont un impact important ou direct sur le public.

Suppression de l’article erroné

Il est plus adapté de modifier le texte même après sa publication que de le supprimer. Plusieurs journaux sont adeptes de la suppression mais la meilleure méthode selon l'intervenant est de corriger la page en question, même s’il convient de tout modifier. L’idée étant de rendre la rectification visible, la suppression de la page empêcherait cette visibilité. 

Une exception est faite pour les tweets, et tous les autres contenus non modifiables. 

Les bonnes pratiques

La réaction du journaliste dépend du type de contenus journalistiques. 

  • Pour un contenu diffusé par édition, le rectificatif doit figurer dans l’édition suivante.
  • Pour un contenu modifiable en ligne tels les articles web ou podcasts, le correctif doit être signalé.

Il faut maximiser la chance que le lecteur voit la rectification de l'erreur.

Gagner en crédibilité

En avouant ses erreurs, on gagne la confiance du lecteur. Il est impossible d’être journaliste sans avoir commis d’erreur, nous dit celui qui depuis le début de sa carrière en 2001, a travaillé presque aussi longtemps en presse écrite que sur le web. Cette possibilité d’erreur est d'ailleurs prise en compte par la charte du SNJ et la Charte de la fédération mondiale des journalistes. 

"Toutes [ces chartes] affirment qu’il faut impérativement rectifier ses erreurs. Etre relax en reconnaissant sa faute, mais aussi en donnant une explication crée de l’empathie, car on fait tous des erreurs dans cette vie. C’est l’occasion de dialoguer avec le lecteur sur les conditions et méthodes de travail."

L’erreur la plus choquante

Que ce soit une décision individuelle ou une décision du media, une erreur non corrigée entraîne beaucoup de conséquences. Elle laisse planer le doute sur le travail du journaliste mais aussi des autres journalistes. Ceux-ci, non concernés par l’article erroné, se retrouvent à s’expliquer auprès de leurs publics et les convaincre de leur bonne foi.

La provenance des erreurs

Elles sont multiples, les raisons qui expliquent les erreurs commises :

  • L’actualité qui évolue à tout instant,
  • Manque de rigueur dans la méthodologie ou l’organisation du travail,
  • Manque de formations sur certains sujets,
  • Manque de culture scientifique ou générale.

Il ne s’agit pas forcément d’un manque de professionnalisme au vu des éléments cités ci-dessus, mais la solution est de former les journalistes ou recruter des journalistes avec certains profils spécifiques et aussi se mettre à jour très rapidement.

Certaines erreurs passent inaperçues

Certains misent sur l’oubli des lecteurs mais il est impératif de se dominer pour corriger l’article erroné et indiquer la rectification. Si les erreurs sont répétitives, c’est le lieu de rechercher la raison et peut être le signe d’un problème dans l'organisation du travail au sein de la rédaction.

Éviter les erreurs

Publier dans la précipitation est également un motif d'erreur, surtout si le quota d'articles à publier par jour est élevé. Il convient aux rédactions de revoir leurs stratégies en réduisant si possible le nombre d’articles écrits par jour, en choisissant des reportages ayant des valeurs ajoutées, en accordant plus de temps pour la vérification, la relecture par autrui et par soi-même. Le vice-président du CDJM exhorte a publier moins pour publier mieux. 

La rectification peut se faire en racontant le film du travail, tout en énonçant ce qui vous a été dit auparavant. Défendez votre travail si l’erreur ne vient pas de vous. Ne pas corriger ses erreurs est quelque chose d'incompréhensible pour le lecteur. 


Photo Charles de Luvio, via Unsplash, licence CC