Paroles d’experts : six conseils pour mieux raconter des histoires

26 oct 2023 dans Bases du journalisme
Plume qui ecrit

Les journalistes se doivent de savoir narrer les faits et raconter le monde. Cette aptitude est essentielle à l’ère du trop-plein d’information et de l’instantanéité. Elle participe à la rétention de l’attention des lecteurs souvent sollicités par d’autres sujets. Mais comment s’y prendre pour maîtriser l’art d’écrire de manière créative et innovante en s’inspirant des codes de la narration ?

Le 123e numéro du webinaire de formation et d’information du Centre international des journalistes (ICFJ), animé par Kossi Balao, directeur du forum Pamela Howard de l’ICFJ sur le Reportage des Crises mondiales s’y est consacré. Avec Josiane Kouagheu, journaliste et auteure, il a surtout été question d’un partage d’expérience avec plus de 300 journalistes inscrits pour cet événement dont la thématique est portée sur le « journalisme narratif : l’art du storytelling ». Pour Josiane Kouagheu, correspondante de l’agence Reuters et Le Monde Afrique, « tout commence dès la proposition du sujet ».

La bonne préparation, clé d’un bon reportage

Dans la phase de préparation, on retrouve « l’identification et le contact des sources, la conception de questionnaire, la préparation du voyage éventuellement… ». Cette phase, que Josiane Kouagheu n’écarte pas de la précollecte, est une étape durant laquelle le journaliste définit un planning, établit une ligne à suivre, prévoit des plans. Elle est fondamentale, car elle évite au journaliste de n’avoir recours qu’au tâtonnement. 

Les notes, un réflexe

Toutes les informations sont éligibles pour être prises en note. Qu’il s’agisse de l’environnement et de ses caractéristiques, de la végétation, des humains, des personnes-ressources, de l’expression de leur visage, de leur gestuelle, du temps, et autres, la prise de note est de mise avant, pendant et après la collecte. En réalité, « la prise de note permet de disposer du maximum d’éléments devant servir à meubler le reportage », selon la spécialiste de la couverture des sujets de guerre, de droits de l’homme et de santé. Pour Josiane Kouagheu dont le stylo est très sensible au froissement de visage ou aux pleurs ou aux rires d’une personne-ressource pendant une interview, aucun détail n’est assez superflu pour être ignoré. En fin de compte, « le récit se construit avec la moisson du terrain », martèle-t-elle. 

Fidélité au sujet et à l’angle

Qu’ils soient attribués par la rédaction en chef ou choisis par le journaliste, le sujet ainsi que son angle restent des repères à garder à l’esprit tout au long du processus de la production jusqu’à la fin de l’article. Selon l’invité de Kossi Balao, « beaucoup d’éléments dont la titraille, mais aussi la chronologie, l’ossature de l’article en dépendent ». Pour avoir participé à plusieurs enquêtes internationales et avoir couvert d’innombrables terrains de reportages, la journaliste sélectionnée en 2021 pour le prestigieux prix Albert Londres pense que l’attachement au sujet et à son angle permet une aisance au journaliste dans son travail de traitement, de sélection des éléments devant constituer l’article, et de hiérarchisation des sections de l’article. 

Beaucoup lire et avoir des références

Sans cligner des yeux, sa réponse est un « oui, absolument », à la question du directeur du forum Pamela Howard de l’ICFJ sur le Reportage des Crises mondiales de savoir si on peut considérer que sa maîtrise de l’art de raconter des histoires est la somme de ses lectures. « Toutefois, ajoute-t-elle, il y a aussi tout le travail de relecture qui se fait derrière par les éditeurs… ». Les écrits des journalistes comme Florence Aubenas, Anne Mireille Nzouankeu, Théodore Tchopa et bien d’autres sont des pépites dont se délecte la professionnelle de l’information, comme pour rester fidèle à sa propre pensée : « s’inspirer des autres est important ». 

Lien permanent avec le rédacteur en chef

Pour plusieurs raisons, des retards peuvent survenir en ce qui concerne la livraison d’un article. Le journaliste est appelé à informer la hiérarchie aussi bien de l’évolution, que des difficultés liées à la production. Cela lui permet de recevoir des réorientations, des directives, et le protège. 

Écrire pour informer 

S’il y a une frontière qui sépare l’écriture journalistique des autres formes d’écriture, c’est l’information. En journalisme, à en croire l’hôte de Kossi Balao, l’on n’écrit pas prioritairement pour susciter de l’émotion, séduire. Il s’agit d’abord de donner l’information. Dans cet ordre d’idées, il faut, souligne-t-elle, rester le plus simple possible dans son récit tout en mettant un point d’honneur sur « la précision et la concision », et ce, même pour le titre et les intertitres. La notion de la pyramide inversée, les cinq questions principales ou les 5 W sont des fondamentaux dont il faut scrupuleusement tenir compte. 

Les règles de base sont essentielles, universelles, mais il n’y a pas qu’une seule manière d’écrire. Plus encore « l’on n’a pas besoin d’avoir des prédispositions titanesques en écriture pour réussir ; raconter les faits, c’est le plus important », dixit Josiane Kouagheu.

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