Face à l'essor des médias numériques en Afrique, le journalisme connaît une mutation sans précédent. En République du Congo, les professionnels du secteur sont confrontés à des défis majeurs : rentabilisation des contenus, lutte contre la désinformation, et adaptation aux technologies émergentes comme l’intelligence artificielle. Cependant, les opportunités de formation adaptées à ces réalités restent limitées.
Pour combler ce vide, les Universités du Numérique, une initiative portée par une association sans but lucratif dirigée par le Dr Antonin Idriss Bossoto, s’engagent depuis plus de cinq ans à doter les journalistes congolais de compétences adaptées à leur temps.
Lors de la dernière édition, qui s’est tenue les 27 et 28 décembre 2024, vingt journalistes ont participé à des ateliers axés sur des thématiques telles que la création et la gestion de médias en ligne, les modèles économiques du numérique et la vérification des faits.
Les sujets traités sont sélectionnés en fonction des besoins identifiés sur le terrain et des tendances du journalisme digital. « Nous effectuons un sondage préalable auprès des journalistes et des rédactions partenaires pour identifier les compétences les plus demandées », explique Dr Bossoto. La formation de cette nouvelle génération des journalistes en République du Congo est assurée en grande partie par des journalistes expérimentés issus des médias nationaux et internationaux, des experts en marketing digital et des chercheurs en communication et médias, qui apportent une réflexion théorique et stratégique.
Des formations qui intègrent un critère fondamental : l’adaptation aux évolutions technologiques. Ce critère est évalué à travers une veille constante sur les innovations dans le domaine du journalisme et des médias numériques. « Chaque année, nous analysons les nouvelles tendances, qu'il s'agisse d'intelligence artificielle, de data-journalisme ou d'outils de diffusion interactifs, pour nous assurer que notre proposition reste pertinente », précise le promoteur.
Des impacts concrets sur la profession
Depuis sa création, le programme a formé près de 100 journalistes congolais, permettant à bon nombre d’entre eux d’améliorer la qualité de leur production. Dr Bossoto souligne que « Les Univ 2.0 ne se limitent pas à transmettre des compétences techniques. Elles accompagnent une réflexion sur la manière dont le journalisme peut mieux répondre aux besoins d’un public en quête d’informations fiables et pertinentes ».
Les témoignages des anciens participants confirment l’efficacité de l’initiative. Gigie Pambou, promotrice du site web La Brève Online, qui a participé à la récente édition, témoigne : « Cette formation m’a permis de comprendre l’importance des algorithmes pour mieux cibler mon audience. Aujourd’hui, mes publications en ligne ont gagné en pertinence et en impact. » Par ailleurs, elle explique qu'elle ne relaie plus n’importe quelle information reçue sur WhatsApp et qu'elle a appris l'importance du fact-checking et de la gestion quotidienne de son site web.
Schariette Orsili Manguida, journaliste et responsable du média en ligne Estrella Media à Brazzaville, partage une expérience similaire : « Grâce à l’atelier sur la monétisation des contenus, j’ai réussi à transformer mon média en ligne en une plateforme financièrement viable. Les outils et stratégies partagés durant les formations ont été essentiels. »
Elle ajoute : « La thématique qui m'a le plus marquée, en plus de l'innovation éditoriale, est le fact-checking. Cette pratique m'a profondément influencée, car elle m'a appris à vérifier rigoureusement les informations avant de les partager, ce qui est essentiel dans le journalisme numérique. »
Enfin, Denast Likalikana, un autre bénéficiaire du programme, souligne : « Avant, je me fiais trop souvent à des sources non vérifiées. Avec les Univ 2.0, j’ai appris à systématiquement vérifier mes informations, ce qui a renforcé la crédibilité de mes articles. »
Vers un journalisme moderne et éthique
En plus de leur volet technique, les formations des Universités du numérique mettent un accent particulier sur l’éthique journalistique. Selon le Dr Bossoto : « Le journaliste de demain est celui qui se forme en continu et se tient au fait des évolutions du métier. Il doit répondre aux attentes du public en proposant une information à forte valeur ajoutée, tout en respectant des principes déontologiques. »
En effet, l’utilisation du numérique pose plusieurs défis éthiques majeurs dont entres autres, la vérification des sources et la lutte contre la désinformation, afin d'éviter la propagation de fausses informations et l’exploitation des données personnelles, en respectant la protection des sources et le droit à la vie privée.
Pour rappel, le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) au Congo-Brazzaville a connu une avancée significative. En octobre 2023, le taux de pénétration de la téléphonie mobile était de 103 %, avec 5,8 millions d’abonnés. Le marché de l’internet mobile affichait un taux de pénétration de 59,7 %, générant des revenus importants de 56,8 milliards FCFA en 2023.
Grâce à cette vision ambitieuse, les Universités du Numérique jouent un rôle clé dans la préparation d’une nouvelle génération de journalistes, capables de relever les défis d’un secteur en pleine évolution. Par leur approche pratique et innovante, elles contribuent à bâtir un journalisme plus durable et mieux adapté aux attentes du 21ᵉ siècle pour la République du Congo.
Photo principale fournie gracieusement par les Universités du numérique.
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