Conseils pour améliorer la collaboration entre journalistes et scientifiques

17 sept 2021 dans Couvrir le COVID-19
Travail autour d'un bureau

Cet article est issu d'un webinaire organisé le 2 septembre dernier par le Forum francophone sur la crise sanitaire mondiale. Il réunit déjà 2 600 membres, n'hésitez pas à le rejoindre. Retrouvez ici les replays des formations et webinaires passés. 

Plusieurs questions se sont posées :

  • Comment les journalistes peuvent-ils mieux collaborer avec les scientifiques de façon responsable et efficace pour mieux raconter la science, l’expliquer et faire connaître auprès du grand public les résultats de la recherche ?
  • La responsabilité de la vulgarisation scientifique repose-t-elle davantage sur l’épaule du chercheur seul ou celle du journaliste ?
  • Comment bannir la peur de la trahison scientifique ?
  • Comment installer un contrat de confiance entre journalistes et scientifiques ?  Etc. 

 

 

Afin de décortiquer ces questions, la table ronde virtuelle, dirigée par Kossi Balao, directeur du Forum, a reçu trois invités : Sylvestre Huet, journaliste spécialisé en sciences depuis 1986, Etienne Klein, directeur de recherche sur les sciences de la matière au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et producteur de l'émission La conversation scientifique sur France Culture et enfin le Dr Isaac Houngnigbe, médecin épidémiologiste et ancien rédacteur en chef de la radio Univers au Bénin.

Importance du traitement et de la diffusion des informations scientifiques

Avant de proposer les conseils pratiques dont il est question, les panélistes se sont employés d’indiquer le bien-fondé du traitement et de la diffusion des informations scientifiques pour le changement et l’évolution du monde. 

"La recherche a produit énormément des connaissances sur le monde naturel, sur les interactions avec l’homme depuis le début du 19e siècle. Il y a eu un enjeu sociétal des civilisations. Faire partager au plus grand nombre possible les informations acquises des découvertes contribue à faire reculer le monde de l’ignorance", a déclaré Sylvestre Huet. 

Selon lui, toutes les informations n’ont pas la même importance, on le voit avec la crise sanitaire mondiale. Il a ajouté qu’il y a des informations qui peuvent sauver des vies. Il y a aussi de mauvaises informations ou des fake news qui peuvent tuer. 

Quant à lui, Etienne Klein a renchéri : "Une information qui est considérée comme vraie et objective est beaucoup plus lue et beaucoup plus partagée. Les numériques amplifient cette tendance de façon plus rapide".

"Il faut promouvoir la diffusion des informations scientifiques, car, pour être un bon citoyen il faut connaître la science et s’assumer", a-t-il martelé. 

Huet d’ajouter : "De plus en plus nos sociétés dépendent de la technologie issue de la science pour les moyens des vies. C’est un enjeu de la civilisation". 

Voici leurs conseils pour améliorer la collaboration entre journalistes et scientifiques :

Créer un groupe WhatsApp entre les deux parties

Ce conseil est venu du Dr Isaac Houngnigbe, médecin épidémiologiste et ancien rédacteur en chef de la radio Univers au Bénin (Afrique de l’ouest). Il avait initié et organisé, il y a deux ans, une grande rencontre, au Bénin, entre les journalistes et les scientifiques. L’expérience a montré que ce groupe Whatsapp a réuni plus de 200 chercheurs et journalistes qui échangent sur l’actualité scientifique. "Les scientifiques partagent des programmes des colloques, des conférences où les journalistes participent et discutent avec mes chercheurs", a-t-il témoigné. 

D’après lui, cette stratégie crée une collaboration de confiance entre les deux parties. Cela permet aux journalistes d’identifier les meilleurs interlocuteurs. 

[Lire aussi : Science Pulse, l'outil de lutte contre la désinformation scientifique]

Multiplier les émissions et les sujets liés à la science 

L’expérience du Bénin, il y a deux ans, est révélatrice. Le Dr Isaac Houngnigbe a indiqué, lors de cette table ronde virtuelle, qu’entre 2018 et 2020, ils ont réalisé au moins 300 émissions concernant la science. 

"Cette situation a fait que plusieurs autres chercheurs sont venus vers nous pour que les résultats de leurs recherches soient connus du large public", a indiqué le docteur Isaac tout en félicitant le sens pertinent de cette collaboration. 

Diversifier les domaines de recherche 

"Souvent les journalistes abordent des questions politiques. Certains font des recherches dans le domaine de la santé et de l’environnement. Il faut aller au-delà de tout cela. Cette logique permet d’aller et de rencontrer plusieurs autres chercheurs et collaborer", a affirmé le Dr Isaac du Bénin. 

Créer, au sein des rédactions, des desks s’occupant uniquement de la science

Le Dr Isaac a estimé que cela permettra de réorienter la ligne éditoriale des organes de presse, comme c’était le cas au Bénin, et donnera l’occasion à plusieurs autres journalistes de s’occuper de temps en temps de la science et de créer une bonne collaboration avec les scientifiques. 

À ce sujet, Sylvestre Huet a attiré l’attention de tous les journalistes scientifiques tout en leur demandant de parler de la science à des termes simples. Les journalistes doivent trouver ces termes simples en collaboration avec les chercheurs eux-mêmes. 

"On ne peut pas parler de la science de la même manière que les scientifiques parlent lorsqu’ils discutent entre eux. Pour cela il y a la compétence du journaliste qui doit intervenir. Ne pas aussi déformer la réalité", a-t-il déclaré. 

Cette réalité va renforcer le climat de confiance entre scientifiques et journalistes. 

Être disponible 

Ce conseil concerne plus les chercheurs en rapport avec les journalistes. C’était formulé sous forme de ‘’recommandations’’ lors de la rencontre entre les journalistes et les chercheurs il y a deux ans au Bénin. 

"Les journalistes ont estimé que lorsqu’ils ont besoin d’un chercheur, souvent celui-ci n’est pas disponible pour répondre aux questions des journalistes. Il faut également l’assouplissement des mesures administratives pour permettre aux journalistes de bien faire leur travail. Lors des assises de Bénin, nous avons recommandé que l’on puisse inclure la notion de la vulgarisation scientifique dans le cursus des chercheurs, inclure aussi la notion de financement des travaux de recherche", a indiqué le Dr Isaac. 


Badylon Kawanda Bakiman est journaliste, rédacteur en chef de la radio diocésaine Tomisa à Kikwit, en République démocratique du Congo ; Il est également depuis 1995 directeur du Centre culturel Mwinda.

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