Au Bénin, la lutte contre la désinformation en période électorale

16 févr 2023 dans Lutte contre la désinformation
Vue de Porto Novo, Bénin

Nous nous accordons tous, ou presque, considérant les plus réfractaires à la liberté d’expression et au droit à l’information, sur le fait que l’outil Internet est essentiel, mais aussi très sensible en période électorale. Certains dirigeants cèdent rapidement à la tentation de sa coupure dans le but d’entretenir l’opacité sur le déroulement des élections.

Si Internet permet d’avoir l’information liée à une compétition électorale en temps réel, on peut aussi constater qu’il constitue également un canal de propagande, mais surtout une arme redoutable de désinformation défiant souvent les professionnels de l’information. 

La désinformation en période électorale au Bénin

Le 8 janvier dernier, les Béninois ont été, une fois encore, appelés à jouir du droit de vote dans le cadre du renouvellement de leurs représentants au parlement. Les professionnels de l’information se rejoignent sur le fait que ces joutes électorales n’ont guère été une exception en ce qui concerne la désinformation massive.

Les manœuvres de diffusion de fausses informations ont pu être déployées sous plusieurs formes et ont considérablement été favorisées par les réseaux sociaux. Le grossissement des traits est l’un des modèles de désinformation utilisés.

Aussi, Olivier Allocheme, rédacteur en chef du journal l’Événement précis paraissant au Bénin fait remarquer que "des partis politiques utilisent les résultats dans quelques circonscriptions électorales spécifiquement pour les attribuer à tout le pays, qui en compte pourtant 24". 

Manque de moyens face aux infox

Le rédacteur en chef de l’Événement précis explique : "les médias béninois se retrouvent dans un contexte d’embrigadement serré et ne disposent plus des moyens nécessaires pour exercer leur métier comme avant. Les moyens de lutte contre les fausses informations sont plus ou moins faibles, voire fragiles".

Mettre en place des équipes spéciales dans les rédactions pour suivre les élections

Le Dr Wenceslas Mahoussi, docteur et maître assistant des universités du CAMES en sciences de l’information et de la communication. attire l’attention sur le fait que "le journalisme, le vrai, est le vaccin de la désinformation. Si pendant que les hommes politiques diffusent des propos pouvant interpeller, les journalistes spécialisés suivent et pondent des commentaires analytiques pour démontrer l’inexactitude de ceux-ci, cela permettrait d’éviter les distorsions". 

Éviter au maximum la course à l’information sensationnelle

Le recours au sensationnel dans les propos et productions des journalistes favorise la désinformation en période électorale. Il est alors important, pour Olivier Allocheme, de savoir qu’"il faut s’en tenir aux sources officielles".

Faire du fact-checking un desk dans les rédactions et une rubrique dans les parutions

Dans un environnement marqué par la mise à disposition d’une quantité parfois excessive d’information, et ce de manière permanente, le défi de la lutte contre les fausses informations est aussi grand que corsé pour les entreprises de médias. Pour cela, "le fact-cheking devrait être une rubrique et un desk à part entière", selon le directeur de l’Observatoire des Sciences de l'Information et de la Communication ObSIC. Ces équipes spécialisées aideraient à déconstruire les fake news de manière plus ou moins permanente.

Promouvoir le data-journalisme

La question des résultats reste, au Bénin particulièrement, l’un des premiers sujets de désinformation en période électorale. Les tendances, souvent montées sans fondement, sont abondamment publiées dans le but d’influencer la perception des uns et des autres. Pour cela, le Dr Wenceslas Mahoussi soutient que le data-journalisme permet aux professionnels d’user de données fiables afin de remettre en cause les chiffres avancés et d’établir les nuances nécessaires. Pour lui, l’encrage du web journalisme est un levier pour atténuer l’effet parfois nocif des web activistes qui ne sont pas des professionnels de l’information.

Éduquer les populations aux médias et à l’information

L’éducation des populations aux médias et à l’information permet non seulement de les édifier quant aux différentes sources d’information, mais aussi d’installer progressivement en elles ce que le Directeur de l’ObSIC appelle "le recul informationnel" qui plus loin, fait du citoyen "un potentiel désamorceur de la bombe de la désinformation".

Maîtriser l’arsenal juridique sur les médias et la désinformation

Laurice Freddy Davo, journaliste béninois, considère que "la maîtrise des cadres juridiques régissant les médias tant au Bénin qu’à l’international, est un levier important pour une gestion plus efficiente de l’information par les médias, surtout en période électorale".


Photo : Yanick Folly via Unsplash