Des centaines de milliers de réfugiés et de migrants originaires d’Afrique subsaharienne risquent chaque année leur vie pour fuir les mauvaises conditions économiques, les persécutions ou les conflits. Nombre d’entre eux se rendent en Europe à la recherche d’une meilleure éducation ou d’opportunités d’emploi.
Un rapport du HCR d’avril 2024 notait, par exemple, qu’environ 3 045 personnes étaient mortes ou avaient disparu le long des routes migratoires à travers la mer Méditerranée depuis leur dernier rapport en juillet 2022.
Bien que la migration elle-même soit une problématique majeure dont les rédactions parlent souvent, ceux qui entreprennent ce voyage voient rarement des reportages sur leurs expériences personnelles et les défis auxquels ils sont confrontés.
En juin 2023, Amaka Obioji, journaliste nigériane, et Chimee Adioha, chercheur en justice sociale, ont cofondé Diaspora Africa pour permettre aux immigrants africains de contribuer, de s'engager et de défendre des politiques inclusives pour se protéger et amplifier leur voix.
“Nous établissons des liens avec les migrants eux-mêmes, nous les écoutons et racontons leurs histoires en utilisant les médias et la technologie numérique pour les amplifier, en espérant qu'ils parviennent aux bonnes personnes,” déclare Mme Obioji.
Raconter les histoires des migrants
Diaspora Africa s'appuie sur la collecte de données, le journalisme de solutions et la recherche fondée sur des preuves pour documenter les “nuances et la dynamique de l'immigration” à travers le continent, a expliqué Mme Obioji.
“Notre objectif est que, grâce à notre travail, les gouvernements et les institutions acquièrent un meilleur aperçu des problèmes qui affectent les migrants africains et élaborent de meilleures politiques,” déclare-t-elle.
Depuis sa création, Diaspora Africa a couvert la manière dont la politique migratoire du Royaume-Uni refuse à certains migrants le droit d'amener leur famille avec eux, et comment la négligence des autorités de l'État en matière d'infrastructures a accéléré les déplacements forcés dans le nord du Nigeria, entre autres histoires.
Diaspora Africa gère également une base de données appelée Migration Monitor qui documente les tendances et les schémas migratoires en Afrique. Cet outil collecte des données et des articles de presse accessibles au public et recueille des informations sur les atteintes aux droits humains et d'autres incidents liés à la migration. Il est destiné à servir de ressource pour la recherche et le reporting.
Former les journalistes à la couverture des migrations
Plus tôt cette année, Diaspora Africa s’est associé à l’Organisation internationale pour les migrations pour former sa première cohorte de journalistes en début et en milieu de carrière sur les migrations liées au climat.
La formation de deux jours comprenait des séances sur l’art de la communication, l’approvisionnement, l’exploration et l’interprétation des données, ainsi que la rédaction d’articles sur les questions de migration.
Une table ronde au cours de la formation a également abordé les organisations locales à but non lucratif qui fournissent une aide humanitaire et un soutien financier aux personnes déplacées en raison du climat en Tanzanie, en Ouganda et au Kenya.
“Notre argument est le suivant : comment les gens pourraient-ils s’occuper des catastrophes climatiques alors que la couverture médiatique et les reportages sont limités ? Les gens sont-ils conscients de leur contribution à la dégradation de l’environnement ? Les communautés qui sont actuellement confrontées à ces défis sont-elles correctement documentées par les médias, et comment cette documentation est-elle utilisée pour trouver des solutions pour elles ?” s’interroge Mme Obioji.
Après avoir participé à la formation inaugurale de Diaspora Africa, Chiamaka Dike, responsable éditoriale des reportages chez Marie Claire Nigeria, a eu envie de raconter davantage d'histoires sur les déplacements liés au climat. “Les gens (ou peut-être même les médias) ne voient les catastrophes climatiques toucher que les personnes à faible revenu alors qu'elles peuvent toucher tout le monde,” déclare-t-elle.
La formation a aidé Yahuza Bawage, journaliste indépendant dans l’État de Borno, à comprendre l’importance de collaborer avec les militants du climat lorsqu’il s’agit de couvrir les questions migratoires. Il a déclaré que la formation l’avait incité à étudier comment la désertification pousse les populations du nord du Nigéria à migrer, et comment la sécheresse et la déforestation alimentent la migration des éleveurs de bétail peuls à travers l’Afrique subsaharienne.
“Ces dernières années, en raison de sécheresses répétées, certains points d’eau, notamment dans certaines régions du nord du pays, s’assèchent,” explique M. Bawage. “Cela constitue un défi de taille pour les éleveurs qui dépendent de ces ressources pour faire paître leurs vaches, ce qui les oblige à migrer vers des endroits où ils pensent que leurs vaches peuvent paître sans problème.”
Les défis
Un obstacle majeur pour l’équipe de Diaspora Africa est le nombre limité de journalistes possédant l’expertise nécessaire pour couvrir les questions liées à la migration.
“Les discussions autour des migrations, de l’environnement et des politiques nécessitent une certaine expertise. Parfois, nous avons du mal à trouver des journalistes qui travaillent sur ces sujets, en particulier pour entrer en contact avec des reporters d’Afrique de l’Est et d’Afrique centrale,” déclare Mme Obioji.
Le traitement des questions migratoires dans les médias est encore plus entravé par le manque de financement et de ressources.
“Pour de nombreux médias indépendants, les ressources et le financement limités constituent un défi,” déclare M. Adioha. “Cela limite les histoires que nous racontons, notre portée et notre impact. C’est une chose de remarquer un problème, de lui donner un visage et de s’y attaquer, mais c’en est une autre d’accéder aux bonnes ressources qui aideront à trouver les réponses les plus adaptées au problème.”
Photo de Joe Darams sur Unsplash.