Interviewé par IJNet en août, Ronson Chan a été arrêté mercredi 29 décembre, avant la fermeture définitive de son employeur, le site pro-démocratie Stand News.
La nouvelle afflige ; et pourtant elle ne surprend personne. Il est tôt mercredi 29 décembre lorsque les premiers tweets relatant l’arrestation du journaliste Ronson Chan résonnent sur les réseaux sociaux.
À l’aube, la police intervient à son domicile et confisque son ordinateur, sa carte de presse, ainsi qu’une montre et un téléphone portable. Le rédacteur en chef adjoint du média en ligne Stand News, également président de l’Association des journalistes de Hong Kong (HKJA), filme la scène en streaming.
Les policiers lui ordonnent d’éteindre sa caméra sous peine d’être inculpé également pour obstruction au travail d’un officier. Chan est ensuite placé en garde à vue avant d’être libéré quelques heures plus tard. Pendant ce temps, plus de 200 agents de la police de la sécurité nationale perquisitionnent les locaux de la rédaction de Stand News.
Six autres cadres et directeurs de cet organe de presse à but non-lucratif, sont arrêtés et inculpés de "conspiration en vue de réaliser une publication séditieuse". Quelques heures plus tard, le site pro-démocratie, né en 2014, est contraint de fermer suite au gel de ses actifs par les autorités. C’est encore un survivant de la presse libre de Hong Kong qui s’éteint, l’un des derniers médias indépendants en langue chinoise.
"Plus de la moitié des hongkongais pensent que nous sommes la prochaine cible", m’avait confié Ronson Chan, lors d’une interview pour IJNet au mois d’août 2021, sans que ces propos n’aient été retenus dans l’article. "Je sens la pression, peut être qu’un jour je serai arrêté, mais je pense que je fais ce qu’il faut faire", poursuivait-il. Il ne croyait peut-être pas si bien dire.
[Lire aussi : Vers la fin du journalisme indépendant à Hong Kong ?]
"Nous attendions ce jour, mais nous ne nous attendions pas à ce que cela arrive aussi vite" a commenté un ancien employé de Stand News au média en langue anglaise Hong Kong Free Press.
Dur d’imaginer qu’il y a à peine six mois, M. Chan dressait un portrait relativement positif de la situation médiatique à Hong Kong, comparé aux autres journalistes interviewés. "Je ne peux pas dire que [la liberté de la presse à] Hong Kong se soit totalement effondrée […] il nous reste un petit peu de liberté, une liberté limitée par la loi de sécurité nationale, qui est un environnement juridique difficile", avait-il déclaré.
Nul ne peut ignorer la dégradation rapide de l’environnement médiatique à Hong Kong depuis la promulgation de la nouvelle loi de Sécurité nationale (NSL), instituée par la République Populaire de Chine sur l’ancienne colonie britannique et entrée en vigueur le 1er juillet 2020.
Cette dernière condamne les crimes de sécession, de subversion, de terrorisme et de collusion et prévoit de lourdes peines pour ses détracteurs. Pendant près d’un an, la nouvelle loi pesait sur les journalistes hongkongais sans pour autant que celle-ci ne débouche directement sur une arrestation. Toutefois de plus en plus de journalistes, comme la productrice de télévision Bao Choy, se voyaient arrêtés et condamnés, sous d’autres chefs d’inculpations.
[Lire aussi : Les Prix Nobel de la paix 2021 mettent en lumière le rôle du journalisme face à l’autoritarisme]
C’est au mois de juin 2021 que la NSL a sonné pour la première fois le glas d’un média. Le quotidien Apple Daily, dernier tabloïde indépendant de Hong Kong en langue chinoise, était fermé après plus de 25 ans d’activité. Une perquisition, effectuée le 17 juin dans ses locaux, avait mené à l’arrestation de cinq dirigeants, tous inculpés pour "collusion avec des forces étrangères". Son fondateur Jimmy Lai, était déjà en détention depuis le 10 août 2020. Tout comme Stand News, les avoirs d’Apple Daily ont été gelés. Le média a, par la suite, annoncé cesser ses activités.
La dégradation du climat médiatique est telle que certains ont préféré prendre les devants : le 2 janvier 2022, le média indépendant Citizen News, a déclaré fermer son site, quelques jours après les arrestations des journalistes de Stand News, après cinq ans d’opération et ce, avant toute confrontation avec les autorités.
Une enquête produite par le Club des correspondants étrangers de Hong Kong (TFCC) le mois dernier a montré que près de la moitié des 100 journalistes interviewés envisageaient ou planifiaient de quitter Hong Kong, en raison du fort déclin de la liberté de la presse.
Photo par Andres Garcia, sous licence CC via Unsplash