Sénégal : RSF demande la mise en place d'un "mécanisme national de sécurité et de protection des journalistes"

May 27, 2024 in Liberté de la presse
Vue sur Saint-Louis, Sénégal

Le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de Reporters sans frontière (RSF), Sadibou Marong, demande aux nouvelles autorités sénégalaises, de mettre en place un "mécanisme national de sécurité et de protection des journalistes." Il a tenu ces propos, à la suite de la publication du Classement mondial 2024 de la liberté de la presse, mettant le pays à la 94e place, mais perdant 13 points de son indicateur sécuritaire.

"Attention, le rang du Sénégal augmente, mais le score diminue avec 55,44/100. Le Sénégal se rapproche malheureusement du palier des 55 points sur la carte de la liberté de la presse, ce qui est la zone rouge où le journalisme est entre répression et pression. Même si le Sénégal offre traditionnellement un contexte favorable, on a noté une recrudescence des attaques envers les journalistes," indique M. Marong.

"En plus, 2023 était une année pré-électorale au Sénégal, on a vu qu’il a eu une bonne dizaine cas de journalistes arrêtées, trois emprisonnés et d’autres convoqués par la Division des investigations criminelles (DIC). On a vu aussi des journalistes-reporters d’images et même des camérawomen attaqués et brutalisés, sans oublier la suspension de médias comme la chaîne de télévision privée Walf TV. On a vu aussi que les médias internationaux ont commencé à payer le plus fort de leur indépendance," ajoute-t-il. 

Selon lui, les fluctuations de classement résultent de facteurs statistiques. "S’il y a d’autres pays qui font de très grands bonds, comme la Mauritanie ou la Tanzanie, cela peut répercuter sur les données des autres pays qui peuvent chuter ou gagner des places. Le rang n’est pas le plus déterminant. C’est le score qui l’est. Pour le Sénégal, le score a fondamentalement baissé," a-t-il déploré. 

Face à cette situation d’insécurité des professionnels des médias, Sadibou Marong et son équipe ont lancé un appel au gouvernement. "Nous avons fait des propositions concrètes pour le droit à l’information au Sénégal. C’est un pays qui doit redevenir un fleuron de la liberté de la presse comme il l’a été pendant très longtemps. Sur les 10 dernières années, en termes de rang, il oscillait entre la 46e et 70e. Mais l’année dernière, le Sénégal était classé 104e. Cette année il a obtenu la 94e place. Donc nous avons demandé aux autorités sénégalaises de mettre en place de faire de la sécurité des journalistes une priorité et proposer une politique ambitieuse pour que la liberté de la presse soit respectée," dit-il. 

"Le Sénégal doit avoir une loi d’accès à l’information"

Considéré comme un modèle démocratique en Afrique, le Sénégal ne dispose paradoxalement pas d’une loi sur l’accès à l’information. Alors que le processus pour son avènement a été lancé il y a plus de 15 ans, avec son adhésion en 2008, au Partenariat pour le gouvernement ouvert (PGO). En plus, l’article 8 de la Constitution consacre le droit d’accès à l’information (le droit à l’information plurielle). M. Marong a interpelé le gouvernement du président Bassirou Diomaye Faye sur cette loi tant attendue par les acteurs et des médias et de la société civile.

"Nous avons également saisi les autorités sur la question fondamentale de l’accès à l’information. Le Sénégal doit avoir une loi d’accès à l’information qui est le fondement de la démocratie et de la transparence. Cette loi permettra au pays d’améliorer son score dans le classement de RSF," déclare le représentant de RSF.

La nécessité de lutter contre la désinformation

Au Sénégal, les fausses nouvelles représentent un des enjeux dans le secteur des médias. Le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de Reporters sans frontières a évoqué la nécessité de lutter contre, avec le soutien des autorités. "Pour lutter contre la désinformation, il faut de l’information simplement. Pour que l’information soit accessible, il faut que ça soit de qualité. Et pour cela, le mécanisme que nous avons mis en place, c’est le Journalism Trust Initiative, lancé par RSF. Le but, c’est de labelliser les médias qui font un travail de qualité. Il n’y a pas encore de médias labelisés au Sénégal. Mais déjà, une vingtaine de médias sont ciblés."

Pour une meilleure régulation du secteur de la presse, Sadibou Marong estime que les autorités doivent prendre le classement de RSF comme une sorte de sonnette d’alarme et continuer à favoriser un environnement  de qualité pour que les médias, sur le plan économique, puisse continuer à "respirer." Mais également, sur le plan politique, que ces médias soient "respectés." Qu’il n’y ait "plus de pression politique ou judiciaire." Et sur le plan sécuritaire, que les journalistes puissent "travailler sans représailles." 

"On a beaucoup d’espoir. Nous sommes en train de préparer un rapport spécial sur le Sénégal qui sera publié le 6 juin 2024. Et après, nous allons commencer l’engagement avec les nouvelles autorités," conclut Sadibou Marong.


Photo de E. Diop sur Unsplash