Les clefs pour enquêter sur le changement climatique

Jan 27, 2022 in Reportage environnemental
Une manifestation pour le climat

En vue de permettre aux journalistes d'acquérir de vastes connaissances sur le changement climatique, de déterminer un angle original pour mieux le traiter et d’apprendre la meilleure façon de produire une enquête de qualité, Kossi Balao, directeur du Forum Pamela Howard de l’ICFJ sur le Reportage des Crises mondiales a reçu le jeudi 20 janvier pour le compte de son 73e webinaire, Ndiol Seck, journaliste sénégalais spécialisé en environnement et développement durable, également chef du bureau régional du quotidien Le Soleil  au Sénégal. 

 

Pour Ndiol Seck, journaliste et titulaire d’un master en sciences de l’environnement, la presse ne peut prétendre à son statut de contre-pouvoir et de quatrième pouvoir que si elle met en œuvre du journalisme d’investigation. "Il n’est point d’enquête en l’absence de preuves, d’arguments ou de logiques", soutient-il. 

Le changement climatique peut être dû à un processus inter naturel, à des forçages externes ou à des changements anthropiques. Dans le changement climatique, le plus important est celui relatif à une cause anthropique. "Celui qui est causé par l’homme. La principale cause du changement climatique, c’est l’activité humaine qui vient aggraver la situation", a souligné M. Seck. 

"Nous vivons les conséquences du changement climatique au quotidien"

Ndiol Maka Seck, journaliste environnemental, critique le fait que des journalistes ont tendance à croire que le changement climatique est un phénomène éloigné qui n’existe qu’en Europe, admettant toutefois que les débats sont en grande partie posés par les médias occidentaux. "Ils se sont trompés. Nous vivons les conséquences du changement climatique au quotidien devant chez nous, à l’intérieur de nos maisons, dans nos villages et dans nos villes", a-t-il formulé. 

Les journalistes doivent s'intéresser aux industries qui utilisent les énergies fossiles, grandes émettrices de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, on parle d’énergies propres, mais il y a des entreprises et des industries qui utilisent des énergies fossiles qui ont des conséquences catastrophiques sur la santé des populations et même sur l’environnement – détruisant la couche d’ozone. 

À titre d'exemple, le journaliste a cité les cimenteries : "Elles causent des dégâts dans nos pays. Il y a des maladies qui existent aujourd’hui, mais qui n’existaient pas avant. Si tu vas en consultation dans les zones où l’on implante des cimenteries, tu ne vas pas y croire. Presque toutes les populations sont atteintes de maladies respiratoires", explique-t-il.

Pratiquer le journalisme de solutions 

Dans le traitement des sujets liés au changement climatique, on peut utiliser le journalisme de solutions. "Les journalistes doivent s’intéresser aux stratégies nationales et locales d’adaptation portées par les organisations de la société civile et les organisations communautaires de base".

"Il ne s’agit pas seulement de faire du catastrophisme. Il faut aussi promouvoir les bonnes pratiques. Il existe de bonnes pratiques dans nos différents pays et dans nos différentes communautés. De bonnes pratiques qui sont aujourd’hui portées par les populations à la base", rapporte-t-il. 

Il ne faut toujours mettre l’accent sur le catastrophisme. Oui, c’est bien de montrer ce qui ne marche pas. Mais aussi, c’est plus important aujourd’hui, de chercher des solutions. Ce que les gens cherchent ce sont des solutions, affirme-t-il. Il encourage également les journalistes à exercer un regard critique sur les approches d’adaptation et des solutions proposées pour prévenir les changements climatiques. 

"La plupart des initiatives d’adaptation sont aujourd’hui portées, voire mises en œuvre par des femmes", remarque-t-il. "Ainsi, si on nie l’aspect genre, sur cette question-là, il n’y aura jamais de solutions. Et les journalistes passeront toujours à côté", prêche Ndiol Seck, journaliste sénégalais spécialisé en environnement.

La prise en compte de l’approche genrée est un excellent moyen de mobilisation communautaire, pense le journaliste. Ce, notamment au regard du fort potentiel de développement que représente l’implication des femmes. 

Les journalistes doivent intégrer dans leurs analyses, la problématique climat. "Aujourd’hui, vous entendez parler de crise sanitaire mondiale, de coronavirus. Mais le coronavirus ne peut pas être analysé isolément du problème environnemental", informe Ndiol Seck. 

Valoriser les savoirs locaux et les connaissances scientifiques

"Dans nos pays africains, il existe des connaissances locales et des savoirs endogènes. Si on les néglige – on risque de passer à côté, puisqu’il y a des initiatives qui existent", pense Seck, croyant que les journalistes doivent examiner les efforts faits par les gouvernements pour renforcer les réglementations et faire en sorte qu’elles soient appliquées. 

Car, le problème de l’environnement est un problème de législation, de réglementations et des textes que les gens doivent appliquer. Les engagements signés au niveau international, il y a aussi des engagements qui doivent être exécutés au niveau local. 

"Il faut se fier à des données scientifiques. Les savoirs endogènes, c’est important. Mais si on fait un bon dosage des savoirs endogènes et des connaissances scientifiques, je pense que c’est mieux. Il faut penser global – mais agir local", conseille l’expert. Ainsi, veut-il encourager les journalistes à s’intéresser aux problématiques locales au lieu d’aller voir les phénomènes ailleurs. "Ce qui intéresse le plus les gens, c’est ce qu’ils vivent au quotidien."


Photo : Markus Spiske via Unsplash, sous licence CC