Les confrères francophones évoquent les difficultés du métier de journaliste

by Elie MBULEGHETI
Jun 11, 2021 in Couvrir le COVID-19
Une jeune femme, derrière elle des journaux placardés

Le métier du journaliste est de plus en plus difficile. Le nombre de journalistes menacés et tués dans le monde ne cesse d’augmenter. Les médias peinent parfois à payer les journalistes à cause d’une crise économique sans précédent due la crise sanitaire mondiale du COVID-19. Le métier de journaliste se voit considéré comme un métier en danger, mais il n’en reste pas moins qu’il a encore de l’avenir.

Le 47e webinaire organisé jeudi 3 juin par le Forum de Reportage sur la Crise Sanitaire Mondiale a porté sur les difficultés et l’avenir du métier de journaliste, en vue de comprendre sa situation actuelle et discuter de son avenir.

Le journaliste Kossi Balao, responsable du Forum, a modéré les échanges de ce café virtuel. Les participants venaient de plusieurs pays francophones, notamment la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Mali, le Burundi, la République démocratique du Congo, le Bénin, l’Algérie, la Guinée, le Tchad et la France.  

 

 

Des problèmes auxquels les médias font face

L’un des participants, Patient Lukusa, rédacteur en chef à la Radio Phoenix Université, décrit deux problèmes auxquels les médias congolais font face. "La plupart des médias n’ont pas de matériel pour travailler. Je vois des journalistes qui n’ont pas de bonnes caméras, d’autres qui n’ont pas d’ordinateurs ou de dictaphones. Nous connaissons des journalistes, qui malheureusement, sont membres de partis politiques, voilà des problèmes que nous négligeons".

‘’Certains journalistes réclament le per diem sur le terrain parce que leurs médias ne leur donnent pas des salaires’’, indique Ibrahim Ndiaye. Selon lui, l’argent perçu peut influencer le mode de traitement d’une information, parce qu’on ne peut recevoir quelque chose d’une organisation et critiquer en même temps le donateur. Il estime que le ‘’per diem paraît comme un cadeau empoisonné’’.

Tidiane Bamadio, journaliste à Mali Tribune, soulève le problème menaçant la profession des journalistes dans son pays. Il révèle que quiconque disposant d’un smartphone et d’un trépied se prétend être journaliste. "Des jeunes gens couvrent même des manifestations sans rien connaitre du code d’éthique et de déontologie de la profession", dénonce-t-il.

[Lire aussi : "Que faire quand le quotidien de pigiste est trop difficile à gérer ?"]

 

La journaliste indépendante de Côte d’Ivoire, Edithe Valérie Nguekam, parle du problème de la discrimination liée au genre pendant la collecte des informations. Elle témoigne qu’elle n’a pas pu accéder à certaines informations parce qu’elle est une femme.

En Guinée, avant la pandémie de COVID-19, généralement les médias vivaient des partenariats avec des entreprises et des publireportages. D’après Fode Oumar Camara, journaliste reporter et  directeur de la radio Espace kakande, le confinement a impacté les médias parce que les activités en ville étaient réduites. Ainsi plusieurs radios n’ont pas pu se prendre en charge.

Tous les intervenants reconnaissent les problèmes auxquels les médias, surtout africains, font face aujourd’hui. Ils sont unanimes et croient également que le journalisme n’est pas condamné à mourir, quelle que soit l’explosion du numérique.

Comment peut-on survivre dans l’avenir ?

En dépit des difficultés du journalisme, Eric Cimbambat, journaliste à la Radio Télé Kyondo et secrétaire de rédaction chez Congo Durable, soutient que les responsabilités sont partagées entre les responsables des médias et les journalistes. "[...] si le journaliste se donne de la valeur et négocie normalement son contrat, il peut joindre les deux bouts", estime-t-il.

Les organes de presse doivent surtout payer les journalistes. Parce que, soutient Monsieur Fode, si la rédaction ne donne pas au journaliste son salaire à la fin du mois, celui-ci cherchera toujours à percevoir le per diem pour sa survie.

"Surtout lorsqu’on est débutant, on a tendance à tout faire parce qu’on veut se faire remarquer, on veut avoir plus de valeur dans un journal. Je crois qu’il faut se donner de la valeur dans ce métier, identifier ses priorités, connaître ses tâches, son salaire", conseille la journaliste algérienne Faten Hayed. 

Dans le cadre de la protection des journalistes, elle estime qu’on doit avoir un certain comportement sur les réseaux sociaux. "Le plus dangereux pour le journaliste, c’est exposer toute sa vie sur les réseaux sociaux, avec le risque que toute sa famille soit identifiée par tout le monde". Pour surpasser ce problème, elle estime que la déontologie ne doit pas être fixe, elle doit évoluer en fonction du numérique.

Irene Gaouda, journaliste sénégalaise, témoigne que la crise sanitaire et la rapidité des réseaux sociaux ont changé le dynamisme dans les journaux de son pays. Certes, il y a des difficultés, avoue le confrère, mais le journalisme, déclare-t-il, ne doit pas disparaître. 

Elle recommande aux journalistes de creuser, d’investir dans le journalisme d’investigation, une option qui, indique-t-elle, "pourra donner la force et la différence entre ce qui se dispute sur les réseaux sociaux et ce qui s’écrit dans les journaux".

Patient Lukusa qui est également rédacteur en chef adjoint à Inews Africa, pense que le métier de journaliste a de l’avenir. Il conseille, pour sa part, la mise en pratique de trois principes, qu’il estime fondamentaux dans l’exercice du métier : le principe d’indépendance, le principe de neutralité et le principe d’honnêteté.


Elie Mbulegheti est un jeune journaliste basé en ville de Butembo (Est de la République démocratique du Congo). Journaliste web, co-fondateur et rédacteur en chef de Congo Uni.

Photo sous licence CC via Unsplash, Javy Luzania