La République démocratique du Congo (RDC), un des grands pays de l’Afrique centrale, pourrait être actuellement en train de refonder le secteur des médias et de la communication afin de proposer une meilleure défense de la démocratie, de la liberté de la presse et une meilleure communication au service du développement durable.
Une commission y afférente est déjà mise en place par le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya. La commission a pour mission d’enrichir des lois et autres textes existants dans le secteur.
Cette équipe, qui est à pied d’œuvre, doit également rédiger de nouveaux textes qui devront régir les médias et la communication en RDC dans les années à venir.
C’est le résultat des ‘’Etats généraux de la communication et médias’’ qui se sont déroulés du 25 au 29 janvier 2022 à Kinshasa, la capitale.
Organisées par le gouvernement congolais via le ministère de la Communication et Médias, ces assises ont reçu plus de 200 journalistes venus de toutes les provinces du pays et de la diaspora, des professeurs de journalisme, des spécialistes en la matière, le ministère de la Communication et Médias, les délégués de la Présidence de la République, du gouvernement, du Parlement, du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la Communication (CSAC), du Conseil supérieur de la magistrature, du monde scientifique ainsi que plusieurs autres partenaires.
"Nous n’avons qu’une option : d’aller vers le changement et nous n’avons pas lésiné dans nos ambitions parce que lorsque je regarde tout ce que nous avons mis en place, cela doit nécessiter beaucoup de volonté de notre part, beaucoup d’attention et beaucoup de concentration", a déclaré le ministre de tutelle lors de l’installation de la commission il y a quelques jours.
Selon son contexte, la RDC est connue pour sa pluralité des médias, que ce soit dans la presse écrite, audiovisuelle ou la presse en ligne.
Rappelons aussi que la RDC occupe actuellement la 125e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF pour 2022. (149e place sur 180 pays en 2021.)
“Ces états généraux ouvrent la voie à des réformes qui pourraient concrètement améliorer l’exercice du journalisme en RDC", a expliqué le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger, dans cet article publié sur le site de l'organisation.
Contactée à ce sujet, Georgette Mukwa, journaliste à la Radio Tomisa du diocèse de Kikwit dans le sud-ouest du pays s’exprime à cœur ouvert : "Cette refondation qui est rigoureuse, va changer ma façon de travailler de telle sorte que je ne tombe pas dans les "fake news’’. Mes espoirs reposent sur la recommandation n°16 qui parle de l’aide financière que le gouvernement devra accorder régulièrement à la diffusion, l’aide à la production des contenus relatifs au développement durable etc. car depuis des années notre gouvernement n’alloue pas de telles subventions".
Sa grande crainte se situe au niveau de l’obtention des cartes de presse auprès de l’UNPC (Union nationale de la presse du Congo), parce que lors des assises des Etats généraux de la Communication et Médias, certains participants proposaient un montant de 100 dollars américains pour obtenir sa carte de presse.
"Que la commission qui travaille actuellement puisse fixer un montant raisonnable", dit-elle.
Le phénomène ‘’Moutons noirs’’ (des individus qui n’ont pas qualité de journaliste et qui agissent en polluant le secteur) a pris une ampleur inquiétante surtout à Kinshasa, la capitale. À cela s’ajoute la problématique des fake news à travers les réseaux sociaux ainsi que le problème de la sécurité des journalistes.
"Au pays, l’on fait face à une crise médiatique avec un modèle universel de l’économie des médias qui s’avère biface", a indiqué Patrick Muyaya.
Quant au marchés médiatiques, l’on note une baisse de publicité qui est passé de 48 pour cent jusqu’à 20 pour cent selon les statistiques de 2018 à 2021.
Des recommandations qui refondent le secteur
Les Etats généraux de la communication et médias ont produit 80 recommandations pour une presse responsable, crédible et libre à l’ère du numérique et face aux défis du développement durable. L’actuelle commission qui est à pied d’œuvre tient compte de ces recommandations dans les travaux qu’elle fait.
En voici quelques-unes :
- Redéfinir correctement l’entreprise de presse comme entité économique bénéfique et le média comme structure organique et fonctionnelle de l’entreprise de presse.
- Initier un projet de réhabilitation de la Tour administrative de la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC).
- Envisager la restructuration de la RTNC en des entités thématiques autonomes.
- Renforcer les conditions de création d’une entreprise de presse dans la Loi générale n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse.
- Faire respecter scrupuleusement les conditions de création d’une entreprise contenues dans la Loi générale sur la presse, en vu de leur stricte application.
- Renforcer les prérogatives du CSAC (Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication) et régulariser ses frais de fonctionnement.
- Ajouter aux critères de fiabilité exigés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) la preuve à fournir par les candidats entrepreneurs de presse d’un fonds de roulement d’au moins deux ans de portée.
- Initier la révision de l’arrêté interministériel n° 002 et n° 136 du 17 novembre 2019 portant fixation des taux, taxes à percevoir à l’initiative du Ministère de la Communication et médias.
- Supprimer la redevance de conformité due à Agence nationale des renseignements (ANR).
- Opérationnaliser les mécanismes des aides directes et indirectes à la presse, en invitant le CSAC à clarifier les conditions d’éligibilité à ces aides.
- Revoir les cahiers des charges des médias créés à l’initiative des organismes des Nations-Unies avec l’accord de l’Etat.
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