Chaque semaine, sur le Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale, des webinaires et formations sont organisés. Le Forum est aussi l'occasion d'échanger avec des confrères du monde entier.
Le journalisme est-il une aventure collective ou individuelle ? Sommes-nous en concurrence avec nos collègues ? Si l’on veut se bâtir une réputation en journalisme, faut-il travailler seul ou en équipe ? La rivalité entre les confrères devrait-elle exister ?
Ces questions ont été au menu des débats du 51e webinaire organisé par le Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale le 1er juillet dernier. Pour en parler, le directeur dudit forum Kossi Elom Balao a invité Marine Corniou, journaliste/reporter à Québec Science, Facely Konaté, journaliste, directeur de la Radio Espace Forêt et Innocent Buchu, journaliste et enseignant chercheur en faculté des Sciences de l'Information et la Communication (SIC) en RDC.
La collaboration : un atout
La concurrence ? Elle ne devrait pas exister entre confrères journalistes ou entre collègues au sein d’une équipe de rédaction d’un journal. Selon Facely Konaté, les journalistes sont appelés à privilégier le travail d’équipe et à avoir un esprit d’ouverture. Il définit le journaliste comme celui qui a "un esprit d’ouverture, un esprit critique et un esprit collaboratif".
"Nos confrères ne sont pas nos concurrents. On n’est pas des rivaux, on partage beaucoup de choses ensemble. Ce qui est bien c’est que notre métier est un travail d’équipe et de partage. Un journaliste est censé avoir un esprit ouvert. L’ouverture d’esprit qui doit d’ailleurs nous caractériser", affirme le journaliste et enseignant chercheur Innocent Buchu.
Marine Corniou considère de même que par son expérience, l’entraide est beaucoup plus efficace. "Nous sommes une petite équipe, on échange constamment et c’est toujours très enrichissant d’avoir l’avis d’autres personnes", concède-t-elle.
La collaboration offre parfois aux journalistes la possibilité d’accéder à des personnes-ressources ou informations grâce aux relations ou connaissance de leur confrère/collègue.
"Le métier de journaliste est tout sauf un exercice solitaire, parce qu’en amont et en aval de toute activité journalistique, il existe un travail d’équipe, collégial et cela à tous les niveaux. Il faut donc collaborer. En discutant avec l’autre il peut avoir des amendements de votre sujet de reportage, sur votre article et ça vous fait un plus", pense Facely Konaté.
Concours : source d’émulation et non de concurrence
La réception d’un prix ou d’une distinction reste pour beaucoup de journalistes un facteur ou une source de réputation en journalisme. Et le désir parfois d’obtenir cette notoriété pousse certains journalistes à vouloir évoluer en solo. Cette astuce ne serait pas la meilleure.
"Je pense qu’un bon joueur, c’est celui qui va à l’entraînement tous les jours. On ne travaille pas pour les concours. Ça peut arriver mais cela ne doit pas être forcément l’objectif. Sinon on sera toujours déçu tous les jours car il peut exister quelqu’un de meilleur. Ça doit plutôt susciter l’émulation et non la concurrence", pense l’enseignant chercheur en Sciences de l'Information et la Communication, Innocent Buchu.
Même s’il y a des journalistes qui aiment ou préfèrent travailler en solo, il serait toujours mieux de trouver un collègue ou confrère au sein de la rédaction avec qui l’on partage des affinités.
Les médias invités à collaborer
Les médias sont le plus souvent en concurrence notamment pour être les premiers sur une information. Les panélistes pensent unanimement que cette concurrence désavantage le grand public qui doit avoir accès à l’information.
L’information rappelle Innocent Buchu est un bien public. "Je ne vois pas de mal à partager les images ou des sons ou les informations entre médias. Les médias doivent collaborer davantage", soutient-il.
Pour les sujets de fond et de grandes enquêtes par exemple, il nécessite pour un média ou journaliste de collaborer avec d’autres médias et confrères pour plus d’efficacité dans le traitement de l’information.
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"La collaboration est une force dont disposent les médias et qu’ils doivent exploiter pour être plus efficaces et travailler sur d’intéressants sujets. C’est l’exemple des collaborations sur des sujets d’investigations et de recherche dans un pays étrangers et aussi des reportages internationaux", explique la journaliste scientifique Marine Corniou.
Il peut y avoir de la concurrence entre les médias, deux émissions des radios, des programmes, si on sait bien faire son travail avec professionnalisme, il ne doit point être question de concurrence. De l’avis des panélistes, la collaboration entre les médias et journalistes permet dans une certaine mesure d’éviter le plagiat.
Les limites à la collaboration
Les limites à la collaboration malgré ses avantages restent principalement l’insuffisance de ressources financières et humaines qualifiées.
"Moi, je ne vois pas des limites à la collaboration si ce n’est le besoin d’être plus nombreux pour faire le travail", explique Marine Corniou.
"Les limites de la collaboration, c’est au niveau des ressources financières et humaines parfois. Vous avez envie de faire certaines choses à certains moments, mais vous êtes limités par les moyens et ça devient compliqué", précise le directeur de la Radio Espace Forêt, Facely Konaté.
Les conseils pour tirer meilleur profit de la collaboration
L’écoute, la flexibilité et l’humilité reste des qualités indispensables pour une bonne collaboration au sein d’une équipe de rédaction. "On risque de passer à côté des bonnes choses si l’on manque de collaboration. Il faut écouter et réécouter les collègues et confrères".
Marine Corniou conseille pour sa part aux journalistes de discuter aussi avec des gens qui ne sont pas forcément des journalistes, notamment les auditeurs ou lecteurs. "Être humble, analyser les avis des autres collègues peut beaucoup aider à faire un bon travail", affirme la journaliste scientifique.
Charles Kolou est journaliste togolais spécialiste de l’environnement/climat et de l’agriculture. Passionné de la recherche scientifique et des thématiques relatives à l’économie, il a aussi un intérêt pour la santé. Il a été lauréat des Lauriers du journalisme d’impact 2020 du Togo et des ACCER Awards 2020.
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