Comment couvrir une élection en Afrique

Автор Mawuédem Akotoh
Aug 12, 2022 в Sujets spécialisés
vote

Les élections en Afrique sont une période très sensible. Marquées souvent par des fraudes, elles peuvent occasionner des violences. 

C’est dans ce climat tendu que le journaliste est appelé à travailler. Et avec professionnalisme. Comment couvrir une élection en Afrique ? 

Le journaliste camerounais Raphaël Mvogo a donné réponses à cette question. Il était l’invité de Kossi Balao, le Directeur du Forum Pamela Howard de l’ICFJ sur le Reportage des Crises Mondiales, le jeudi 14 juillet 2022, au cours du webinaire hebdomadaire dudit forum. 

 

 

Rester responsable et professionnel 

Comme tout autre événement, les rendez-vous électoraux mobilisent aussi les médias. Alors beaucoup de choses se racontent entres confrères. Cependant, "en vue d’une couverture responsable et professionnelle, il est du devoir de chaque journaliste de faire son travail sans se fier aux dires des autres", conseille Raphaël Mvogo.

De ses expériences, il retient l’anecdote du deuxième tour de la présidentielle de février 2016 en Centrafrique. 

"Les grands médias internationaux annonçaient monsieur Anicet-Georges Dologuélé grand favori du scrutin. Alors je réalise une enquête d’opinion (…) Je me rends compte que les faveurs des Centrafricains sont plutôt adressées à monsieur Faustin-Archange Touadéra qui, finalement, a gagné les élections", raconte-il. 

Pour un journaliste qui couvre une élection, le panéliste ajoute aussi qu’il faut connaître le nombre de bureaux de vote, leur répartition au plan géographique, le déploiement militaro-policier, etc. 

Suivre le processus du début jusqu’à la fin 

Des inscriptions sur les listes électorales à l’annonce des intentions des candidatures, passant par les investitures des candidats, la publication des listes provisoires et définitives des candidatures, une élection est un processus. Elle passe par plusieurs étapes. 

"Il faut suivre ces étapes en se disant qu’il peut arriver que mon média m’envoie couvrir ce scrutin", conseille Raphël Mvogo. 

Aussi, ajoute-il, le journaliste doit suivre ensuite la campagne électorale. Mais avec une attention particulière. En plus, les observateurs nationaux et internationaux. 

Moyens techniques 

"Il faut s’assurer qu’on a un bon dictaphone, vérifier ses batteries. Il faut y aller avec des batteries à l’état neuf", précise Raphaël Mvogo.  

Quand on travaille avec un téléphone portable. "Il faut s’assurer que c’est un téléphone de très bonne qualité, qui vous permettra de faire des enregistrements, des photos, des vidéos", dit-il.  

Trouver la bonne information

Premièrement, le journaliste doit s’adresser à l’organisme en charge des élections. "La CENA au Sénégal a fait un travail autonome en 2012. La CENI en Centrafrique également en 2016" se souvient Raphaël Mvogo.

Ensuite, l’invité de Kossi Balao ajoute : "Il faut contacter les délégations étrangères. Il faut chercher là où ils sont logés".

Il y a aussi les candidats à l’élection. "Les candidats ont des états-majors. Il faut connaître le directeur de campagne, son adjoint et plusieurs autres personnes dans son entourage", souligne-t-il.  

Se former 

Raphël Mvogo relève que la formation ne se donne "pas seulement à l’école", précisant, "ce webinaire est une formation aussi". 

À cela s’ajoute l’attitude du reporter sur le terrain. "Il faut être un soldat. Vous devez vous lever très tôt faire le tour et annoncer l’ouverture des bureaux de vote (…)", indique le panéliste. 

La protection 

Raphaël Mvogo note plusieurs paramètres à prendre en compte : 

● Se faire connaître auprès des autorités du pays d’accueil,

● Se faire connaître auprès de l’organe qui organise les élections,

● Se faire accréditer. 

Quand vous allez dans pays en situation de crise, par exemple la Centrafrique, il est important :

● D'avoir des contacts de la MINUSCA et en dehors de la CENI en cas de situation d’urgence. Arborer votre badge d’accréditation.  

● Depuis votre départ contacter des responsables diplomatiques du pays d’accueil sur votre territoire. Obtenir d’eux un document. Par exemple une carte de visite avec une note. 

Ne pas jeter de l’huile sur le feu 

Le métier de journaliste consiste à rapporter des faits. Néanmoins, le journaliste doit savoir quoi raconter ou non. "Il doit éviter de relayer les propos provocateurs d’un candidat. Il faut éviter d’avoir une coloration. Faites votre travail en toute objectivité, en contactant toutes les sensibilités pour une information équilibrée", dit-t-il. 

Rester courageux et téméraire 

Des portes peuvent rester fermées parfois. Le journaliste doit relever le défi.  

"Il faut insister en restant poli et humble ; audacieux et téméraire", conseille Raphaël Mvogo, ajoutant, "Il m’a fallu cinq ans pour interviewer le président rwandais Paul Kagame". 

Parfois des interlocuteurs préfèrent l’anonymat. Dans ce cas Raphaël Mvogo recommande au journaliste la formule "De source interne"/"De source proche". 

Poser les bonnes questions 

Pendant que les portes finissent par s’ouvrir à vous, Raphaël Mvogo suggère qu’il faut "[d'abord] poser les bonnes questions. Cela le mettra en confiance. Il faut rester courtois et éviter la flagornerie. C’est après que vous posez les questions qui fâchent".


Photo : Phil Scroggs, via Unsplash, licence CC