Paroles d'experts : la stratégie gagnante du Sénégal dans la gestion du COVID-19

por Amos Traore
Sep 25, 2020 em Couvrir le COVID-19
Gorée, Dakar, Sénegal

À l'instar de la majorité des pays africains, le Sénégal a été frappé de plein fouet par la pandémie du coronavirus. Le COVID-19 a déferlé sur le monde entier et chaque nation a mis en place une stratégie de riposte pour parer à l’urgence. Lorsque le virus est apparu sur le continent africain, il y a eu de nombreuses craintes quant à la capacité de l’Afrique à faire face à la pandémie du siècle vu l’état global du système sanitaire dans bon nombre de pays du continent. 

Le Sénégal fut l’un des premiers pays d'Afrique francophone à être touché par la pandémie. Il a su mettre sur pied un plan de riposte résiliant qui lui a permis de bien gérer la crise sanitaire. Sa gestion a été reconnue au plan international. En effet, le pays ouest-africain a décroché la deuxième place au classement mondial du Foreign Policy, qui a examiné comment 36 pays ont géré la maladie à coronavirus.

Selon le comptage de l'Université d'Hopkins, ce vendredi 25 septembre, au Sénégal (16,7 millions d'habitants, source UNFPA), on dénombrait 14 816 cas de COVID-19, 304 décès. 

 

 

D’après ce classement, le Sénégal gère plus efficacement la pandémie, quand des superpuissances occupent la queue du classement. "Il y a eu un ensemble de facteurs qui ont permis d’obtenir des résultats probants dans la lutte contre la propagation du COVID-19" a indiqué Idrissa Sane, journaliste, chargé de Cours au Centre d'études des Sciences et Techniques de l'information de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est par ailleurs spécialiste des questions de sciences et chef de service santé-environnement au quotidien Le Soleil.

Quelles sont les recettes du succès de la stratégie sénégalaise dans la riposte face à la propagation du coronavirus ? Comment l’exemple sénégalais peut servir de cas d’école aux autres pays ?

Pour répondre à ces différentes thématiques, le Forum de Reportage sur la Crise Sanitaire Mondiale a organisé le vendredi 19 septembre, un webinaire pour détailler la politique adoptée par le Sénégal afin de contrer la propagation du coronavirus et comment les autres pays francophones peuvent s’inspirer de ce modèle. Le webinaire était modéré par le journaliste Kossi Elom Balao, responsable du Forum de Reportage sur la Crise Sanitaire Mondiale.

L’implication des autorités

De l’avis d’Idrissa Sane, il y a eu une volonté politique qui a joué un grand rôle dans le combat contre la propagation du coronavirus. "Dès le début de la propagation de la maladie, le président Macky Sall a organisé un conseil présidentiel qui a débouché sur l’instauration de nombreuses mesures de prévention".

Très vite donc, les autorités sénégalaises ont dégagé une ligne budgétaire afin de permettre aux centres de soins de mieux prendre en charge les malades. De plus, les résultats des tests sérologiques étaient disponibles en 24 h, ce qui a permis de mettre en place une riposte rapide.

Idrissa Sane a indiqué qu’il y a eu une décentralisation des structures de prises en charge, ce qui a permis d’éviter un engorgement du centre hospitalier de Fann, qui était la référence en matière de maladies infectieuses. "Le maximum a été fait pour interrompre la chaîne de transmission."

Selon ce spécialiste des questions scientifiques, la stratégie du Sénégal a su évoluer. 

Le Sénégal a isolé et suivi toutes les personnes qui furent en contact avec un cas positif. Dans la suite de son développement, Idrissa Sane a rajouté que le gouvernement a interdit "certains événements religieux qui drainent beaucoup de monde, les mesures restrictives ont rigoureusement été appliquées par les communautés religieuses".

L’expérience d’Ebola

Le Sénégal a aussi sur retenir les leçons de la crise sanitaire liée à la fièvre hémorragique Ebola. "Il y a eu une implication sans faille du personnel soignant qui a su s’adapter au contexte d’urgence avec l’expérience acquise lors de la gestion de la crise d’Ebola".

Au niveau des centres de soins, les médecins ont mis en avant leur expertise pour limiter les cas d’infection. Cette période de crise sanitaire a suscité de nombreuses fausses informations qui ont notamment circulé sur Internet et qui ont eu un impact dans la gestion de la pandémie.

Le rôle primordial des journalistes

Idrissa Sane a mis en avant le rôle primordial qu’ont joué des acteurs comme les journalistes et les socio-anthropologues : "Les journalistes ont été au rendez-vous. Ils ont vulgarisé les méthodes de prévention et des modes de transmission, ce qui a facilité une prise de conscience générale au niveau des populations. La presse a fait un énorme travail pour accompagner le gouvernement dans la sensibilisation au sein d’une société où les traditions sont profondément enracinées."

Idrissa Sane s’est référé à la période où le gouvernement a pris la décision d’assouplir certaines mesures restrictives au niveau des lieux de culte, c’est alors que l’Église catholique a posé son veto, même chose pour les écoles catholiques.

Une stratégie résiliente avec un grand apport du monde de la recherche

Au Sénégal, il y a eu une vraie implication dans la gestion du COVID-19, rien ne fut laissé au hasard. Un aspect innovant a été la politique de prise en charge des cas asymptomatiques. La stratégie de communication a été cruciale puisqu’elle a permis de faire prendre conscience à la population des dangers de la banalisation de la pathologie. Pour cela, les artistes, musiciens, les acteurs de la société civile se sont engagés dans la lutte partout au Sénégal. 

Idrissa Sane n’a pas manqué de rappeler l’apport inestimable du monde de la recherche dans la gestion de la pandémie avec la mobilisation des étudiants chercheurs qui ont élaboré des technologies (distributeur automatique de gel, respirateurs artificiels) qui se sont révélés efficaces pour ralentir la propagation du COVID-19. 

Un système éducatif à renforcer

Pour Idrissa Sane, le Sénégal a globalement bien géré la crise sanitaire, avec des hauts et des bas. Il estime que cette situation exceptionnelle d’urgence sanitaire doit servir de leçon non seulement au Sénégal mais à l’Afrique tout entière. 

Pour le journaliste, il faut que les décideurs au niveau de l’Afrique francophone investissent dans des domaines prioritaires tels que la recherche et la santé. 

"Le COVID-19 doit interpeller le Sénégal et l’Afrique en général, sur l’urgence d’avoir un système sanitaire performant. Il faut une hiérarchisation des priorités avec de bonnes compétences. Le système éducatif doit être renforcé dans le but de former une ressource humaine qualifiée, à même de faire face à des urgences de l’ampleur du coronavirus". 

Monsieur Sane a expliqué que le Sénégal disposait d'un atout important : sa médecine et sa recherche qui ont fait leurs preuves à de nombreuses reprises. 

Les différents succès du Sénégal dans la gestion du COVID-19 ne résultent pas du hasard. Il est bien vrai que le pays de la Teranga a connu un contrecoup suite à l’impact de la maladie mais dans le même temps, il a été capable de mettre en place différentes stratégies de résilience qui lui ont permis de mieux gérer que d’autres pays, la pandémie du siècle.


Photo de Gorée, Sénégal, par Anton Lecock via Unsplash