Cet article revient sur un webinaire organisé le 9 juillet dernier par le Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale et animé par Kossi Balao. Chaque semaine, nous donnons la parole aux journalistes francophones.
Lorsque Carole Yemelong, rédactrice en chef de Canal 2 International, une chaîne de télévision privée émettant à partir du Cameroun, a eu du mal à respirer une fois rentrée de la rédaction au mois de mai dernier, elle ne pensait pas que c’était le COVID-19.
"Je me sentais mal et je croyais que c’était le paludisme", affirme la journaliste camerounaise qui a dû attendre une semaine avant d’être testée positive au COVID-19 dans une clinique située non loin de son domicile à Douala, la capitale économique du Cameroun.
Sa consœur Line Renée Batongué, journaliste à la Radiotélévision Camerounaise (CRTV) à Yaoundé, a elle aussi été infectée. Malgré l'ampleur de la crise sanitaire actuelle dans ce pays d’Afrique centrale, elle ignorait qu’elle courait des risques aussi importants de contamination dans l’exercice de son métier.
Lors d’un webinaire animé le jeudi 9 juillet dans le cadre du Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale, les deux journalistes camerounaises ayant été diagnostiquées positives au COVID-19 ont partagé leur expérience sur la manière de couvrir la crise de manière responsable.
Face aux conditions actuelles qui leur imposent de travailler et d'informer, dans cette situation inédite, les intervenantes sont revenues sur la nécessité d’exercer le métier dans de bonnes conditions, d'appliquer strictement les gestes barrière en vue de ne pas être exposées au virus.
Le modérateur du webinaire, Kossi Elom Balao, qui est également directeur du Forum francophone du Centre international des journalistes (ICFJ) a demandé aux intervenantes de relater comment elles ont vécu la maladie.
Insuffisance respiratoire
La journaliste Carole Yemelong se souvient seulement que tout a débuté lorsqu’elle rentrait du travail. Ensuite elle a commencé à se sentir mal, avec une puissante poussée de fièvre.
"Ce jour-là, après la journée de travail, je me suis sentie bizarre et il m’était impossible de dormir. J'ai appelé une infirmière, qui m'a finalement confirmé que les symptômes que je manifestais étaient ceux du COVID-19", raconte-t-elle.
Carole Yemelong avait de la peine à sortir de chez elle à cause d'une insuffisance respiratoire, elle est restée volontairement chez elle en auto-isolement avant d’être ramenée à l’hôpital quelques jours plus tard.
Cette expérience de maladie a été vécue de la même manière par Line Renée Batongué, de la Radiotélévision Camerounaise (CRTV) à Yaoundé.
Alors que la pandémie s’était déjà largement répandue au Cameroun avec plusieurs cas confirmés, la grande majorité des journalistes dans ce pays d’Afrique centrale ont pourtant continué à exercer leur métier sans recourir aux précautions pour éviter d'être contaminés ou de propager le coronavirus.
Plusieurs pistes de contaminations
Soupçonnant au départ d'avoir contracté le virus auprès d’un membre de sa famille fraîchement débarqué de l’Europe et qui avait été auparavant testé positif au COVID-19, Line Renée Batongué n’excluait pas non plus la possibilité que l’une des personnalités qu’elle a interviewées une semaine auparavant aurait pu la contaminer.
"Pendant la première semaine, j’avais une détresse respiratoire avec l'impression que ma gorge se refermait, surtout la nuit. Je croyais que c’était le paludisme ou la typhoïde mais tous les examens sont revenus négatifs", raconte-t-elle.
Après avoir passé environ cinq jours sans la force de boire ni manger, la journaliste a ainsi opté de recourir à la médecine traditionnelle mais elle ne sentit aucune amélioration.
Le travail par visioconférence
"Après avoir m'être rétablie, j’ai osé braver la stigmatisation car tout le monde dans mon quartier de résidence en parlait, qu’il y avait une voisine malade du COVID-19", se rappelle Line Renée Batongué.
Alors que Yemelong avait l’impression "qu'elle allait mourir" après avoir été testée positive à la maladie, sa consœur Batongué, elle, ne présentait pas beaucoup de symptômes.
"J’ai préféré rester enfermée chez moi, mais cela ne m’a pas empêchée de conserver mon rythme de travail habituel avec la participation à des réunions de rédaction par vidéoconférence", raconte-t-elle.
Dans la prise en charge thérapeutique, les deux journalistes ont reçu un traitement incluant notamment la chloroquine et l’asytromycine qui ont abouti à des signes d’amélioration au bout de deux semaines.
"J'ai interviewé beaucoup de gens qui n'avaient pas de masques"
Une semaine avant l’apparition de ces symptômes, Batongué a eu l’occasion d’interviewer plusieurs personnes dans le cadre d’une émission sur l'environnement qu’elle anime à la télévision. Elle ignorait que parmi ses interlocuteurs figurent des personnes qui avaient été testées positives au nouveau coronavirus.
"Durant cette période, j’ai interviewé beaucoup des gens qui n'avaient pas de masques", se souvient-elle.
De son côté, Yemelong évoque l’expérience d’un personnel soignant qu’elle a invité sur son plateau de la télévision et qui par la suite a été testé positif au COVID-19.
Mobilisation contre la stigmatisation
Pour combattre efficacement la pandémie par la voie médiatique, après leur guérison, les deux journalistes camerounaises qui ont passé environ deux semaines sous traitement avant de se placer en isolement pendant plusieurs jours se sont depuis mobilisées contre la stigmatisation des personnes suspectées d’être malades et ceux ayant eu la pathologie.
"Ce phénomène n’existe pas au sein de nos rédactions, mais dans nos foyers nous avons été parfois pointées du doigt", affirme Batongue sans préciser le nom de son quartier résidentiel à Yaoundé.
Cette affirmation est tempérée par sa consœur Yemelong de Canal 2 International qui reconnaît que toute personne ayant eu le COVID-19 "reste parfois victime de stigmatisation".
Depuis leur guérison, les deux journalistes camerounaises affirment avoir retrouvé la joie de vivre.
"Cette expérience vécue nous exhorte à rester vigilants et à appliquer strictement les gestes barrières dans nos foyers et au sein de nos rédactions", affirme Carole Yemelong.
Aimable Twahirwa est un journaliste scientifique basé à Kigali, au Rwanda depuis 2000. Lauréat de plusieurs prix en journalisme, il a été correspondant accrédité au Rwanda de plusieurs agences de presse dont l'Agence France-Presse (AFP), l'Agence Pana Africaine d'Information (PANA).
Durant sa carrière, il a été collaborateur permanent de l'agence Thomson Reuters Foundation (TRF) et de l'agence Inter Press Service (IPS) pour lesquelles il a réalisé plusieurs reportages sur la santé et le changement climatique notamment.
Photo sous licence CC Adam Niescioruk via Unsplash