Paroles d'experts : la sécurité des journalistes pendant le COVID-19

par Emmanuel Akakpo
14 août 2020 dans Couvrir le COVID-19
Un phare

Chaque semaine, un webinaire est organisé sur le Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale. Pour d'autres ressources sur le COVID-19, cliquez ici. 

Les journalistes éprouvent parfois des difficultés dans l’exercice de leurs fonctions. Violences, intimidations, meurtres, enlèvements, prise d’otages, harcèlements hors ligne et en ligne, les menaces auxquelles font face les journalistes dans leurs professions sont multiples. Comment relever ce défi ? 

Djibril Saidou, lors d’un webinaire en français organisé le jeudi 6 août par le Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale, conduit par son directeur Kossi Elom Balao, a donné certaines réponses. Le thème qui faisait objet de discussions était : "la sécurité des journalistes à l’heure du COVID-19".

Djibril Saidou a travaillé comme journaliste pour plusieurs médias nigériens avant de collaborer avec des agences de presse étrangères dont l’agence de presse africaine, l’agence de presse onusienne IRIN et Bloomberg. Également spécialiste en communication, il a travaillé pour des agences du système des Nations Unies telles que la FAO, l’OMS, et l’UNDPS/PNUD au Kenya et au Sénégal.

Sollicité souvent comme professeur dans des écoles et instituts supérieurs, il travaille actuellement à International Media Support (IMS) dont il est le coordonnateur régional pour le sahel : Burkina Faso, Mali, Niger. 

Lorsque les journalistes veulent exercer convenablement leur métier, il ont une mission importante. Développer une citoyenneté responsable par la recherche d’une information intelligible et ciblée par la promotion d’un certain nombre de valeurs, par leur diffusion renouvelée. Malheureusement la grave crise sanitaire que traverse actuellement la planète a mis à mal  le travail des journalistes. 

Le numérique comme outil de travail privilégié 

Selon le coordonnateur régional pour le Sahel : "L’approche vis-à-vis de la pandémie n’a pas été dans une certaine mesure identique dans tous les pays, il y a un certain nombre de nuances quant à la perception des journalistes africains par exemple. Déjà en Afrique la majorité de la population doutait de la réalité du virus. Il faudra donc faire du mieux possible, pour apporter une information de qualité à la population". 

Alors que la crise du coronavirus a révolutionné le travail du journaliste, il conseille à ces derniers l’adoption du numérique parmi les outils de travail tout en mettant également en place "des mesures qui pourraient permettre de publier les informations, et de réaliser des revenus en ligne ".

La sécurité numérique

Aujourd’hui où le monde est à l’ère des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les applications usuelles et basiques (Whatsapp, Facebook, etc.) exposent les journalistes à beaucoup de problèmes, selon Djibril Saidou. La sécurité numérique devient une nécessité pour les journalistes. Car selon lui, "malgré la loi sur la cybercriminalité établie dans plusieurs pays en Afrique, il y a des failles de sécurité. Le risque est toujours là. Un rapport a révélé que tout un système a été mis en place pour espionner les échanges. Or beaucoup de confrères et consœurs ne maîtrisent pas parfaitement l’utilisation de ces applications, même du point de vue des paramètres les plus usuels". 

En ce sens il conseille de faire du networking : "les professionnels doivent mutualiser leurs connaissances, partager leurs expériences pour voir ce qui pourrait marcher, et il y a beaucoup d’outils de sécurité que les journalistes peuvent utiliser quand on fait une certaine forme de pratique journalistique comme les investigations".

La nécessité de mener un plaidoyer

À l'instar de bon nombre de pays, les pays d’Afrique sont également touchés par la pandémie du coronavirus selon les rapports publiés par l’Organisation Mondiale de Santé (OMS). La presse est une composante essentielle dans le cadre de la construction démocratique et de la consolidation de l’État moderne. Il faut d’une manière ou d’une autre garantir l’indépendance de la presse notamment privée. Ainsi précise-t-il, "certaines restrictions, telles que la restriction due à la proclamation de l’État d’urgence sanitaire, la fermeture des frontières aériennes et terrestres ont d’une manière ou d’une autre impacté le travail des journalistes en matière de la liberté d’expression et de la presse".

La nécessité d’établir un partenariat

"Il est nécessaire d’établir des partenariats parce qu’ils sont importants pour les entreprises de presse, et  pour les journalistes afin de former sur le long terme un réseau qui permettra également de bâtir une forte résilience vis-à-vis des chocs financiers." Même si les menaces et les intimidations font partie du quotidien des journalistes, selon les informations, surtout en cette période de pandémie, ajoute-t-il, "la collaboration entre les journalistes, entre les organes de presse, les organisations socio-professionnelles des médias aux niveaux local et régional, pourront permettre de dénoncer ou de s’insurger contre un certain nombre d’attaques, contre certains hommes et femmes de médias, et revendiquer le respect au droit à la liberté de presse et à la liberté d’expression".

Le respect des mesures sanitaires 

Un certain nombre de protocoles sont à observer et restent identiques à ceux de la population en général, avec le respect des mesures barrières. De plus, il ajoute que les journalistes doivent également participer à des formations spécialisées pour faciliter le travail et assurer leurs protections sanitaires.

La nécessité d’accompagner les entreprises de presse

Aujourd’hui, lutter pour la liberté de presse et la sécurité des journalistes est un processus au même titre que la démocratie. Pour Djibril Saidou, le COVID-19 ne doit pas être un prétexte pour nuire à la liberté de presse. Ainsi il faut selon lui qu’un élan soit fait dans ce sens pour accompagner les entreprises de presse qui sont en train de sortir progressivement de cette léthargie.


Emmanuel Kokou AKAKPO est un journaliste togolais. Il a travaillé pour la Télévision TV7 comme journaliste-rédacteur, puis en presse-écrite chez Golfe Info (qui traite des questions liées à l'économie). Il collabore également à deux sites d'information en ligne : www.vert-togo.com (spécialisé dans les questions de l'environnement, de la santé et de l'économie), et www.lenouveaureporter.com (presse généraliste).


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