Les radios communautaires font changer les comportements et apportent le développement

16 mai 2024 dans Infos locales
Radio dans un salon

Proches des populations, émettant à plus de 70 % en langues locales et vernaculaires, les radios communautaires et associatives, en République démocratiques du Congo (RDC) et dans plusieurs autres pays africains francophones ou anglophones, ont réussi, petit à petit, à faire changer les comportements des milliers d’auditeurs et à apporter le développement. 

A Kikwit, ville de la province du Kwilu dans le sud-ouest de la République démocratique du Congo (RDC), grâce à l’émission "Bunympi ya nitu" (Santé du corps) qui est diffusée en kikongo chaque vendredi à 16 heures sur l’antenne de Radio Tomisa, plusieurs parents qui résistaient ont changé leurs comportements vis-à-vis des vaccins contre la rougeole, la polio, our encore le palludisme. Cette émission sensibilise en développant chaque semaine un sujet lié à la santé humaine en recourant à la CCSC (Communication pour le changement social et comportemental). Cette pratique "vise à appliquer des techniques issues du marketing, de la mobilisation sociale et communautaire, des médias de masse, du divertissement, des actions de mobilisation et sensibilisation, de la communication interpersonnelle, des réseaux sociaux" pour promouvoir l’action et contribuer à un changement social positif."

"En 2018, mon enfant d’un an est décédé de la rougeole, car je refusais le vaccin contre cette maladie. Le vaccin  concernait les enfants de zéro à 59 mois. Jadis, je considérais ce vaccin comme une matière qui amène des fièvres chez les enfants. Plusieurs parents pensaient ainsi. Mais en suivant Radio Tomisa, l’animatrice Marie Mukwela, agent à la Division provinciale de la Santé, a plusieurs fois souligné l’importance des vaccins dans la vie humaine. C’est pourquoi j’ai décidé de ne plus rater des séances de vaccination," témoigne Madeline Panzi, une des femmes paysanne.     

De son côté, Jean Malundu, toujours à Kikwit, a plusieurs fois suivi des émissions qui parlent de développement communautaire et de développement durable. Ces émissions parlent des élevages de petits bétails, de l’environnement. Elles sont animées et diffusées en kikongo, quelques fois en lingala, sur les antennes de plusieurs radios comme RCMI (Radio communautaire message de l’Islam), Radio Sangomalamu, Radio Tomisa ou Radio Mwinda.

"Aujourd’hui, j’élève des porcs qui m’aident à développer ma vie et celle de ma famille. J’ai aussi créé, depuis 2017 une association dénommée APGE (Action progressive pour la gestion de l’environnement). Cette association fait l’assainissement des quartiers, sensibilise la population concernant la gestion des déchets qui polluent l’environnement," indique-t-il. 

Au centre du pays, dans la province de Kasaï occidental, plusieurs femmes sont éveillées et combattent la pauvreté via la technologie appropriée en fabriquant elles-mêmes des savons, des jus d’oranges, des samossas, etc. 

"C’est le résultat des émissions de développement que nous suivons grâce aux radios comme Concorde national, Etoile étincelante du matin, La Voix de votre communauté, qui diffusent en tshiluba ou swahili. Quelques fois nous intervenons lors des émissions en direct," témoigne Rose Tshimangala, présidente d’une association paysanne basée à Kananga, chef-lieu de la province de Kasaï occidental. 

Depuis plus de 20 ans, ces radios ont des programmes qui aident toutes les couches sociales à prendre la parole, à accéder aux informations et à des émissions pluridimensionnelles et plurisectorielles. Face à cette réalité, la nouvelle loi sur la liberté de la presse en RDC, promulguée le 13 mars 2023 par le président de la République, consacre 15 articles pour les radios communautaires, associatives ou de proximité et reconnaissent le statut de ces médias comme des ASBL (Association sans but lucratif). 

L’annuaire des radios de proximités publié en 2018 par la FRPC (Fédération des radios de proximité du Congo) indique que la RDC compte actuellement plus de 280 radios communautaires à travers le pays. Plus de 60 % des autorités politico-administratives, surtout aux niveaux des provinces, villes et secteurs, utilisent ces radios pour atteindre leurs administrés. 

Dans plusieurs pays africains, les radios communautaires émergent et apportent également des changements et le développement. Ces radios diffusent en langues vernaculaires locales pour atteindre toutes les couches des communautés. Au Sénégal par exemple, la radio Afia, créée en 2003, fait des exploits. Basée à Dakar, cette radio a des émissions liées au développement et au changement des mentalités.

 

"L’émission ‘Souffle matinal’ traite des sujets relatifs à l’environnement, à l’économie et au social des communautés. Nous abordons des thématiques comme le respect du cadre de vie, la pollution de l‘environnement, l’émission de gaz à effets de serres, l’efficacité économique, l’équité sociale, etc. Par ailleurs, tous les lundis soir, on parle du patriotisme, du civisme, l’engagement citoyen des populations. Ces émissions sont animées en wolof," explique Penda Ngane Sougou, directrice de cette radio membre de l’Association des radios associatives et communautaire du Sénégal (URAC). 

Même son de cloche au Togo où des radios communautaires font bouger les lignes. "Des radios comme Radio Cinkassé, Radio Mecap, Radio Courtoisie, Radio Bark, Radio Nafa, Radio la Voix de l’Oti, Radio Lagm Taba, et Radio Grace Divine, Itiessi FM, Radio Azur, ou Radio Firmament nous aident beaucoup. Les émissions interactives sur la vie sociale, la vie de famille et sur les relations sociales ou concernant les bonnes manières pour protéger l’environnement ont apporté beaucoup de changements dans nos communautés," témoigne Nicolas Koffigan Adigbli, Maître en communication politique et de développement, analyste politique basé à Lomé, au Togo. 

La radio communautaire offre une diversité de programmes et de contenus, sous des formats et des styles variés parmi lesquels : des émissions interactives, des causeries, des directes sur les réunions de la communauté. La radio tient compte des préférences des auditeurs dans le choix des formats à retenir, reconnait l’UNESCO.

"Nous avons besoin de changement et de développement. Les radios communautaires apportent des vents nouveaux et nous encourageons ces initiatives. Il faut que les gouvernements ou d’autres partenaires puissent subventionner ces outils de développement," note Grégoire Mulongolo, un des acteurs de développement durable et activiste des droits humains en RDC. 

 


Photo de Manish Das sur Unsplash