Les compétences que doivent rechercher les journalistes en 2024

22 févr 2024 dans Bases du journalisme
Personnes devant leur ordinateur dans une rédaction

Beaucoup de gens veulent devenir journalistes sans vraiment connaître le métier, ni quels sont les vrais besoins et charges de la profession et encore moins, les nouveautés qu’il a pu intégrer. Pourtant, dans le journalisme, tout a changé ces dernières années. Les normes ont évolué. La confiance du public envers les médias s’est étiolée. 

On fait de moins en moins confiance à la parole des journalistes. On s’informe de moins en moins avec eux. On note une baisse tendancielle du lectorat. Les médias travaillent dans un contexte de surinformation et d’infobésité, ce qui fait que le journaliste devient une voix parmi tant d’autres. Les faits deviennent des opinions, ou sont confondus avec elles. 

Ainsi, à quoi faut-il s’attendre pour la profession en cette année ? De quels types de journalistes aura-t-on besoin ? A quels changements, transformations ou mutations doit-on s’attendre ? Quelles seront les tendances à suivre ? Quelles sont les compétences que devront rechercher les journalistes en 2024 ? 

Réunis au cours du 129e webinaire du Forum Pamela Howard de Reportage sur les Crises Mondiales du Centre international pour les journalistes (ICFJ), Eric Nahon, ex-directeur adjoint de l'Institut Pratique du Journalisme (IPJ) de l'université Dauphine et Xavier Eutrope, journaliste à La Revue des médias, ont livré leurs réflexions sur ces interrogations.

 

 

Se mettre constamment à jour 

Eric Nahon a codirigé l’Institut pratique du journalisme de Dauphine pendant 15 ans et a été président de l'Association européenne de formation au journalisme (EJTA - European Journalism Training Association). Il estime que les journalistes ont besoin de :

  • Une technicité dans l'éthique,
  • Beaucoup de travail et de connaissances philosophiques,
  • Beaucoup d’interrogations, de penser contre soi-même, ce qui va pas mal à l'encontre de ces journalistes dits militants ou engagés,
  • Beaucoup plus de compétences scientifiques,
  • Des compétences scientifiques informatiques, à commencer par la compréhension de l’intelligence artificielle,
  • Être capable d’expliquer comment ils travaillent, d’expliquer leurs boîtes noires,
  • Protéger leurs sources mais d’expliquer comment il les trouve,
  • Expliquer d'où viennent les affirmations péremptoires qu’ils peuvent écrire, parce qu’on a besoin de faits contre les opinions, ou en tout cas pour éclairer les opinions ou les faire basculer, 
  • Être au service des gens, des lecteurs, des auditeurs, des internautes, de l’audience
  • Ne pas seulement écrire et filmer ce qu’ils aiment 
  • Une résistance aux pressions que ce soit dans la culture ou dans la politique
  • Une spécialisation.

En plus de la spécialisation, les journalistes doivent être adaptables. Il va falloir changer de spécialisation très régulièrement, explique l’expert formateur qui encourage les journalistes à faire un effort pour se mettre à jour constamment.

Avoir des connaissances en humanités

Xavier Eutrope dit partager la même réflexion que celle de M. Nahon sur la formation tout au long de la vie. Toutefois, il souhaite nuancer la question des types de journalistes dont on a besoin. “Parce que tout dépend de quelle manière on se place, si on parle du type de journaliste qu’on attend pour avoir des médias qui optimisent leurs revenus, c'est-à-dire s’il faudrait avoir des journalistes qui soient de véritables couteaux suisses, capables de s’adapter à toutes les situations ?”

Il est important, selon lui, en 2024, que les journalistes puissent être capables de comprendre les enjeux qui leur sont posés, de comprendre et de s'informer sur les sujets qu’ils abordent notamment par exemple l’intelligence artificielle. “Aujourd’hui c’est une thématique qui est très complexe, et qui a, à mon sens, beaucoup d'atermoiements”.

Xavier Eutrope pense qu’on a aujourd’hui plus que besoin de journalistes qui soient capables de :

  • Bien contextualiser et bien vulgariser,
  • Mettre de côté leurs croyances et leurs opinions pour donner le maximum de point de vue, 
  • Ne pas oublier le contradictoire 
  • Bien faire son travail,
  • Prendre du recul sur soi-même, par rapport à la situation et aussi par rapport à tout ce qui concerne la désinformation et la communication,
  • Avoir de vraies connaissances en humanités, c'est-à-dire qu'il faut lire de la philosophie pour être capable de réfléchir contre soi-même.

Être transparent et ouvert

Xavier Eutrope se dit assez étonné et scandalisé par le manque de transparence de certains confrères et consoeurs qui refusent de parler de leur travail, qui refusent d’expliquer leur méthode, comment ils en sont arrivés à produire leurs travaux, avec quels outils, par quelle logique. “C’est une attitude qui me semble extrêmement catastrophique.” Il exhorte à être plus transparents et plus ouverts sur leurs méthodes et leur raisonnement.

L’avenir du journalisme avec l’IA

Sur le sort de l’intelligence artificielle, Eric Nahon estime que l’IA et notamment les IA génératives de type ChatGPT ou de génération d’images, peuvent être un atout pour le journalisme. Ils peuvent nous dispenser en tant que journaliste d’un travail un peu fastidieux, à condition, déclare-t-il, de bien comprendre l’outil. “Un outil qui peut être propice à l’arrivée d’un journalisme augmenté”.


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