Les contextes autoritaires sont d’une incompatibilité évidente pour l’exercice du métier de journaliste, car hostiles au pluralisme d’idées et à l’expression.
Au lendemain de la journée mondiale de la liberté de presse, la thématique pertinente de "la liberté de presse dans les régimes autoritaires" a été celle qui a sollicité les réflexions des journalistes, sous l’initiative du Centre international des journalistes, l'ICFJ.
Le webinaire modéré par Kossi Balao, responsable du Forum Pamela Howard de l'ICFJ sur le Reportage des Crises Mondiales ce jeudi 4 mai 2023, a aussi été l’occasion d’un partage de témoignages, notamment celui de Kamboissoa Samboe, journaliste ayant subi 72 h de garde à vue suite à une interpellation en situation de reportage dans le nord du Togo.
Du journalisme en zone à sécurité problématique, aussi risqué que difficile
Les zones d’affrontement ne sont certainement pas celles qui offrent un confort cinq étoiles, encore moins à la liberté de la presse. Comme le souligne Kamboissoa Samboe, les conditions d’accès à l’information sont parfois compliquées et il faut y être psychologiquement préparé. Dans ce contexte complexe, la collaboration forte d’une part avec les populations, "favorisée par la suppression des barrières, notamment linguistiques" selon le journaliste du Congo Brazzaville Jean Pierre Ndinga, et d’autre part avec les forces de défenses et de sécurité, est importante.
Par expérience, Kamboissoa Samboe a confié qu’aussi bien les populations que les forces de défense et de sécurité sont généralement impressionnées par les cas parfois anecdotiques comme le sien, qui s’aventurent à exercer le métier en zone si dangereuse.
"Mes droits ont été respectés. J’avais trois repas par jour et j’étais logé dans une pièce qui me permettait de voir l’extérieur, même si je n’avais pas accès à mon matériel", a confié le reporter, dont le courage a été salué par les confrères participants contents de le retrouver.
Pour autant, Kamboissoa Samboe pense qu’il est à éviter de se faire escorter par les forces de l’ordre afin de ne pas déclencher la méfiance des populations.
Les médias communautaires comme moyens d’éclosion de l’information en contexte de crise
Houmi Ahamed-Mikidache, journaliste, pense que la collaboration avec les médias communautaires peut être un chemin intéressant pour faciliter le travail en zone à risque. Un idéal qui se heurte parfois à quelques contraintes, comme le martèle Umbo Salama, journaliste basé en République démocratique du Congo, dont la radio communautaire est située dans une zone d'affrontements.
Numériser l’information pour la rendre plus accessible
Il est un euphémisme de dire que le travail en présentiel et l’information donnée à travers des canaux physiques sont quelquefois incompatibles à la liberté dans certaines zones dont l’atmosphère est hostile à l’expression.
Ainsi, pense Houmi Ahamed-Mikidache, l’option des plateformes sur le web pourrait permettre de donner continuellement l’information tout en protégeant les promoteurs. Cela permet d’atteindre une cible en proie à l’hyper connectivité.
Le journalisme collaboratif comme levier de la liberté de la presse
Si la collaboration intensifie la productivité, elle est plus que jamais déterminante face à la problématique de la liberté des professionnels de l’information dans l’exercice de leur travail. Pour Ferdinand Mbonihankuye, journaliste burundais, "le journalisme collaboratif pourrait contribuer à adoucir le danger".
En plus de la collaboration entre les journalistes, il est important que les médias en tant que structures à part entière exploitent davantage les possibilités de travail en commun. "C’est la course au scoop qui tue notre métier", dixit Mawuédem Akoton, journaliste, qui est convaincu que le travail ensemble débarrassé de la concurrence vicieuse pourrait permettre aux journalistes de se couvrir mutuellement, de révéler leurs travaux.
La question du financement qui assujettit
L’une des réalités partagées dans le monde de la presse est que les travaux journalistiques peuvent aussi être très "budgétivores". Malheureusement, déplore un participant : "les bourreaux de la presse sont aussi ceux qui financent la presse et la majorité provient des politiciens". Face à cela, considère Houmi Ahamed-Mikidache, les journalistes devraient davantage se mettre en association sérieuse afin de bénéficier des financements importants, pouvant leur permettre de jouir d’une autonomie dans leur mission citoyenne.
Photo : Aida L via Unsplash