Invasion de l'Ukraine par la Russie : des outils pour révéler les fausses informations

22 mars 2022 dans Reportage de crise
Visuel d'une feuille de calcul

Les plateformes de réseaux sociaux ont regorgé de fausses informations sur l'invasion de l'Ukraine par la Russie au cours du mois dernier. En raison de la grande quantité de faux contenus en ligne, distinguer les informations fiables des informations inexactes a été complexe.

Ce qui suit est un ensemble de conseils et d'outils pour aider les journalistes à rendre compte des développements en Ukraine sans tomber dans le piège de la désinformation.

Des contenus vidéo modifiés

Quelques heures après l’annonce de la Russie du lancement de son "opération militaire" en Ukraine le 24 février, une vidéo censée montrer des avions à réaction russes entrant dans l'espace aérien ukrainien est devenue virale sur les réseaux sociaux, recueillant des centaines de partages et des milliers de commentaires sur Facebook, Twitter et Instagram. Il s'est avéré, cependant, qu'il s'agissait d'un extrait d'une vidéo d'avions de chasse de cinq minutes mise en ligne une première fois il y a des années.

Ce cas n'est malheureusement pas isolé. D'autres vidéos ont largement circulé sur les réseaux sociaux alors qu'elles étaient anciennes, ou qu'elles montraient des lieux sans rapport. Dans ces cas-là, les spécialistes recommandent d'utiliser Verification Plugin, un outil qui permet aux journalistes de fragmenter les vidéos en images clefs, sous l'onglet "Keyframes". Elles peuvent ensuite être utilisées pour effectuer une recherche d'images inversée dans plusieurs moteurs de recherche.

Dans le but de documenter et de dénoncer les vidéos et les informations douteuses sur les réseaux sociaux, y compris le contenu des médias d'État russes, l'équipe d'investigation de Bellingcat a mis au point le mois dernier une feuille de calcul pour aider les journalistes à repérer les informations et les vidéos trompeuses en ligne.

Il est difficile d'identifier les fausses informations, car elles peuvent contenir des éléments de vérité ou des faits partiels sortis de leur contexte, ce qui leur donne une signification totalement différente. Pour éviter ce piège, les journalistes peuvent utiliser Youtube Data Viewer, un outil développé par Amnesty International, pour trouver des sites web susceptibles de contenir des copies du même contenu vidéo que celui qu'ils regardent.

Les journalistes peuvent également déterminer le lieu ou le moment où une vidéo a été réalisée en recherchant des indices visuels, tels que des enseignes de magasins, des plaques de rue, des motifs architecturaux spécifiques, des éléments de mobilier, des feux de signalisation, des plantes, des plaques d'immatriculation de véhicules ou la météo.

Des photos falsifiées

Des photos fabriquées circulent aussi largement sur les réseaux sociaux. Récemment, l’une d’entre elles montrait le président ukrainien Volodymyr Zelensky sur le champ de bataille. Une simple recherche inversée a montré que le gouvernement ukrainien avait publié cette photo de la visite de la région du Donbass de M. Zelensky en avril 2019.

Les recherches inversées d'images sont utiles car la désinformation peut souvent provenir de photos sorties de leur contexte. Cette méthode permet d'utiliser un moteur de recherche pour identifier une photo, ou une capture d'écran d'une vidéo, et trouver sa source. Vous serez en mesure de trouver la ou les sources qui ont précédemment publié l'image, ainsi que la date de publication et le lieu où elle a été prise.

Les journalistes peuvent effectuer une recherche d'image inversée en utilisant Google Images, Tineye, Bing ou Yandex. Si vous utilisez Google Chrome, vous pouvez utiliser la fonction clic droit de la souris sur la photo et sélectionner "Rechercher une image avec Google Lens", ce qui vous mènera à la photo originale, à sa date de publication et à son emplacement.

Les journalistes peuvent également utiliser Who Posted What pour trouver la photo originale et sa date de publication. Pour ce faire, il suffit de copier le lien de la photo dans la barre de recherche du site. Vous pouvez également y rechercher des messages par mot-clef dans une période donnée. Le site vous permet d'identifier l'utilisateur à l'origine de la photo ou du message, ce qui vous permet de rechercher ses coordonnées pour le joindre directement si vous avez des questions sur ce qu'il a partagé.

Lorsque vous êtes confronté à des questions dont vous n'avez aucune connaissance préalable, une recherche sur Internet ne suffit pas. Dans ce cas, demandez l'aide d'autres journalistes. Inside Newsroom, par exemple, a établi une liste de plus de 200 journalistes fiables qui couvrent la guerre sur le terrain et que vous pouvez suivre ou contacter.

Des annonces et citations trompeuses

Pour identifier des affirmations ou des citations trompeuses, essayez d'abord de copier le texte en question dans un moteur de recherche. Vous découvrirez peut-être qu'il a déjà été mis en ligne auparavant, ou qu'il provient d'une toute autre source.

À la lumière des niveaux élevés de mésinformation et de désinformation, Cristina Tardáguila, directrice des programmes senior de l'ICFJ, a tweeté à propos des efforts des fact-checkeurs pour dénoncer les fausses informations qui circulent. Les journalistes peuvent suivre le hashtag #UkraineFacts pour en savoir plus.

Ce guide du Washington Post est une autre ressource utile pour les journalistes et les autres internautes pour dénoncer les contenus vidéo manipulés. Cette ressource a été élaborée par Nadine Ajaka, une des productrices senior du Post, spécialisée dans les plateformes vidéo, ainsi que Glenn Kessler, vérificateur de faits, et Elyse Samuels, reporter vidéo spécialisée dans l'analyse visuelle.

Les journalistes peuvent également vérifier les informations et les sources en ligne à l'aide des outils suivants :

  • Web Archive : si la vidéo est fausse ou a été supprimée, vous pouvez utiliser cet outil pour retrouver la page originale.
  • Fake News Detection Details : ce modèle d’apprentissage automatique propose une "détection de position", c'est-à-dire qu'il évalue la crédibilité des affirmations.
  • FactCheck.org : ce site permet aux utilisateurs de poser des questions sur l'exactitude des informations politiques, tandis que l'équipe fournit des vérifications des faits et des articles explicatifs.
  • Pic2Map : les journalistes peuvent utiliser cet outil pour lire les données cachées d'une photo et découvrir où et comment elle a été prise.
  • Forensically : les journalistes peuvent utiliser cet outil pour exposer des photos manipulées et révéler les parties exactes qui ont été modifiées.

Pour en savoir plus sur les bases de la vérification des informations, vous pouvez consulter des ressources de formation telles que Journalisme, fake news & désinformation: manuel pour l’enseignement et la formation en matière de journalisme de l'UNESCO et le Verification Handbook de l’European Journalism Centre.

Pour les arabophones, cet outil de l’Open Source Handbook propose 25 ressources pour couvrir la guerre et les conflits armés dans le monde, y compris une carte, un tracker et des mises à jour en direct sur la guerre Russie-Ukraine.


Cet article a d’abord été publié par IJNet en arabe.

Le visuel illustrant l'article a d’abord été publié sur Twitter par Cristina Tardáguila, directrice de programmes senior au sein de l’ICFJ