Intelligence artificielle et journalisme : défis et possibilités

15 avr 2024 dans Lutte contre la désinformation
Téléphone avec des icônes d'applications d'intelligence artificielle

ChatGPT, Midjourney, Thispersondoesnotexist… L'Intelligence artificielle (IA) est désormais présente partout, y compris dans le journalisme. ChatGPT, par exemple, va révolutionner la manière de faire, d’enseigner et d’apprendre le journalisme. Comment l'utiliser ? Comment en faire non pas une menace mais une alliée ?

Le sommet mondial Empowering the Truth 2024 qui lutte contre la désinformation et propose des alternatives aux journalistes a tenu son quatrième webinaire le 28 mars. 

Pour cette formation, Eric Nahon, ancien directeur adjoint de l'Institut pratique du journalisme (IPJ) de l'université Dauphine et ancien président de l'Association européenne de formation en journalisme (EJTA), est revenu donner les clés pour une bonne utilisation de l'IA. 

"L’IA dans les rédactions va changer énormément de choses : il faut donc s’en emparer", introduit Eric Nahon. Mais "L'IA n’est pas magique," prévient l'expert en médias : "C'est une technologie, vous allez travailler avec, enquêter, générer et analyser des images etc. Puisque vous allez travailler avec, vous devez la comprendre."

Qu'est-ce que l’IA ? 

C'est un algorithme qui dépend de l'apprentissage profond, ce qu'on appelle en anglais le deep learning. L'apprentissage profond est un type d'apprentissage automatique dans lequel les machines sont entraînées avec des données. "On leur apprend à reconnaître des modèles et à faire des prédictions sur la base de grandes quantités de données," explique Éric Nahon. Par exemple : on va apprendre à une caméra à reconnaître une tomate en lui montrant beaucoup d’images de tomates. Idem pour le concombre. 

Et l'ancien dirigeant de l'IPJ de souligner la différence entre l’intelligence artificielle et l'intelligence humaine. "La première a la capacité d’apprendre et d’inventer. L’intelligence humaine, elle, a la capacité d’apprendre et de restituer."

L’IA est utilisée dans des domaines tels que la justice, la santé, l'aide à la décision, dans des applications de reconnaissance d’images et de la parole, le traitement du langage naturel et l’analyse prédictive. 

Les possibilités d'utilisation dans le journalisme 

"Le Large language model (LLM) est un outil d’IA capable de lire, résumer, traduire des textes et de prédire les mots à venir dans une phrase, ce qui lui permet de générer des phrases similaires à la manière dont les humaines parlent et écrivent," explique M. Nahon.

“Je crois au journalisme moderne, je crois que ces outils vont nous permettre d'améliorer l’efficacité et la productivité dans les salles de rédaction." C'est ce qu'Eric Nahon appelle le journalisme augmenté. 

L'IA est utilisable comme un gestionnaire de communautés automatiques pour la création et la curation automatisées de contenus tels que les commentaires, posts LinkedIn, Facebook, Instagram.

L'IA permet aussi une amélioration de l’analyse des données et du journalisme d’investigation. "En version payante, ChatGPT est capable de prendre un PDF de 50 pages et d’en sortir les informations les plus importantes. Il peut aussi rédiger un résumé."

"En tant que journaliste, nous pouvons utiliser l'IA pour automatiser des tâches ingrates comme écrire automatiquement des brèves, le scénario d'un podcast, les conducteurs d'émissions TV. On peut passer de l'audio au texte et du texte à l’audio, générer ou réduire du texte en gardant les informations essentielles, analyser des PDF, générer des images d’illustration, des vidéos, etc." 

Quels outils utiliser ? 

Pour la génération de textes, M. Nahon cite :

- Mistral AI, une entreprise française, qui utilise des données ouvertes, qui permet de savoir d’où viennent les données

- L’américain ChatGPT, qui pose néanmoins une problématique de protection de sources et de données

- Syllabs, l'outil des rédactions, génère des articles à partir de données vérifiées par des journalistes

Pour la génération d’images, il conseille Makifaa, une start-up togolaise, qui veut éviter les stéréotypes autour de l’Afrique; Midjourney, Dall-e et Canva. L'ancien président de l'Association européenne de formation en journalisme (EJTA) indique qu'on peut utiliser ces outils pour un résumé, une explication simplifiée, pour avoir de l'idée et de l'inspiration. Par exemple, on peut demander à ChatGPT, quelles questions on pourrait poser à Lionel Messi.

"Attention toutefois aux problèmes de qualité, de plagiat, de biais. Ces outils ne sont pas des êtres humains, il faut adopter une attitude critique et vérifier les informations qu'ils donnent afin de remplacer ce qui est faux," prévient l'intervenant. 

Conseils pour un bon prompt

Un prompt est une ligne de commande pour générer un texte ou une image. 

- Exemple 1 : Pourquoi le ciel est bleu ?

- Exemple 2 : Je suis un enseignant, je dois expliquer aux enfants pourquoi le ciel est bleu ?

Dans ces deux cas, les réponses de ChatGPT seront différentes. 

"Un bon prompt donnera de bons résultats. Vous devez être précis, et fournir un contexte clair. Amusez-vous à rendre ChatGPT plus critique, plus drôle, plus accrocheur," souligne l'intervenant.

"En revanche, nous devons être transparents dans l'utilisation de ces outils et mentionner que tel article a été rédigé avec l'aide d'une IA comme c'est le cas des agences de presse tels que l’AFP. (…) Il va y avoir besoin de beaucoup d'humains pour travailler avec les IA. Cela va favoriser le travail collaboratif. L'un des défis sera de maintenir l'intégrité journalistique dans un paysage dominé par l'IA," conclut Eric Nahon.


Photo de Solen Feyissa sur Unsplash