Faire connaître le lien entre changement climatique et santé : quel rôle pour les journalistes ?

2 juil 2024 dans Lutte contre la désinformation
Maladie infectieuse, variole du singe

Le problème qui touche le plus la République Démocratique du Congo (RDC) est le réchauffement climatique et les liens entre l’environnement et la santé sont aujourd’hui une évidence. Il est donc pour le Dr Stéphane Anse Batey, impossible de parler de la santé sans faire allusion à l’environnement.

Le Dr Stéphane Anse Batey est détenteur de plusieurs masters en santé et environnement, en santé et économie ou encore en vaccinologie appliquée. Il est également le responsable du programme élargi de vaccination (PEV) en province du Nord-Kivu. Il rapporte que l'histoire des épidémies et des pandémies “démontre qu’elles résultent le plus souvent de la responsabilité de l’Homme. En détruisant par leurs incursions répétées les écosystèmes jusque-là préservés, les humains sont allés au contact de la faune sauvage.”

“La recherche montre que le changement climatique peut également influencer l’intensité de ces maladies dans la région. Les journalistes sont appelés à s’informer et être formés en santé environnementale pour bien passer un message clair auprès de la population,” ajoute-t-il. 

L’Ebola, la maladie du charbon et la variole du singe demeurent un tabou dans certains coins du pays car beaucoup n’arrivent pas à comprendre la vraie origine de ces maladies et comment les prévenir.

“Aujourd'hui il y a de fausses informations sur l'apparition de certaines maladies transmises par les animaux chez les hommes, ce qu’on appelle la zoonose, seulement parce que chaque individu en parle à sa manière”, déplore le docteur.  

Quelle relation entre le changement climatique et les maladies infectieuses ?  

Dr Anse Batey pense que l’influence du changement climatique sur les maladies infectieuses découle des plusieurs mécanismes clés, qui, ensuite, favorisent la multiplication des vaccins :

  • Le réchauffement climatique conduit à des changements dans la distribution géographique des vecteurs de maladies, tels que les moustiques. Des régions qui étaient autrefois à l'abri de ces maladies voient maintenant leur risque augmenter
  • Les événements météorologiques extrêmes tels que les vents violents, les inondations, ou les sécheresses sont devenus plus fréquents et plus intenses en raison du changement climatique. Ils peuvent perturber les infrastructures sanitaires et augmenter l'exposition aux agents pathogènes.
  • La dégradation des écosystèmes due au changement climatique perturbe les interactions entre les espèces et peut conduire à l'émergence de nouvelles maladies ou à la résurgence de maladies anciennes. 

La multiplication des vaccins

Vu la nécessité de la vaccination face à ces maladies qui surgissent partout, plusieurs stratégies ont été mises en place pour éradiquer les maladies d’origines animales. L’une d’entre elles est fondamentale : l’éducation et  la sensibilisation

Selon le Dr Anse Batey, “c’est ici où nous avons besoin des animateurs sanitaires et des journalistes qui nous permettront d’atteindre un large public et qui parleront dans leurs différentes productions médiatiques de la vaccination et de son importance. Un journaliste bien formé en santé environnementale parle avec précision et détermination des différentes terminologies qu'il a bien comprises lui-même, en utilisant sa langue maternelle ou le jargon du milieu.” 

Ebola, COVID-19… Des “mythes” ou “maladies diaboliques”

Au Nord-Kivu, les épidémies d’Ebola et de COVID-19 ont mis plusieurs personnes en quarantaine et plusieurs acteurs ont eu à démystifier la situation. Depuis l’année dernière, la RDC fait face à une recrudescence des cas de variole du singe avec 20 000 cas et plus de 1 000 décès par le virus. Cette maladie s’est notamment répandue dans le camp de déplacés. L’OMS va ainsi utiliser deux vaccins pour tenter de lutter contre la propagation d’une nouvelle souche, plus mortelle, indique Africa news. 

Rose Mathe, directrice adjointe de la radio ELLE FM, multi-primée dans ses productions médiatiques sur les épidémies en RDC, nous parle de son expérience : 

“J’ai couvert la vaccination contre le COVID-19 et Ebola. Mon constat est la non motivation de la population du Nord-Kivu à la vaccination volontaire, principalement dû à la désinformation et la théorie du complot autour des questions liées au vaccin contre ces épidémies à l'époque. A ceci s'ajoute la connotation politique collée à tout ce qui se faisait pour lutter contre ces épidémies. Dans les zones touchées, la population a vu des organisations humanitaires, le gouvernement et ses partenaires, s'investir davantage dans cette lutte avec des gros financements, qui à majorité étaient gérés par des étrangers. Cela a joué négativement sur les pensées de cette population vis-à-vis de ces épidémies et a donné voie aux spéculations.” 

Les stratégies utilisées pour la couverture médiatique des épidémies en RDC

“Le journaliste doit s’inspirer à connaître les canaux qui ont permis de barrer la route à ces épidémies. Il doit approcher les professionnels de la santé aujourd'hui même s’il n’y a pas de COVID ou d’Ebola. Le journaliste ne doit pas croiser les bras, il doit toujours aller auprès des professionnels de la santé s’informer de toute éventuelle maladie. Le journaliste doit rester comme la sentinelle de la santé auprès de sa population,” indique Freddy Bikumbi, secrétaire exécutif de Africa Inclusion. 

“Moins de journalistes sont intéressés par les questions de santé et c’est un risque. S’il y a moins de bénéficiaires de vaccins, c’est parce qu'on n’est pas suffisamment informé,” argumente ce dernier.

Les journalistes doivent multiplier des stratégies de vérifications de faits et de traitement d’informations, conseille Rose Mathe, première femme fact-checkeur en RDC. 

De son côté, Umbo Salama, enseignant de l’Université de l’Assomption au Congo et fondateur de Icingo.net, pense de son côté “qu’on doit avoir recours à une approche de proximité. Les tâches du journaliste sont à la fois de sensibiliser la population sur le danger, comment elle doit s’en prémunir et de prévenir les autres sur les lieux de prise des soins, le mode de contamination... Il doit aussi remonter les craintes et plaintes des populations auprès des gouvernants.” 

Umbo Salama conseille aux journalistes de se documenter d'abord sur la vaccination en lisant des rapports, parlant avec des médecins ou des experts en santé afin d’assurer une bonne couverture médiatique sur la vaccination. Ils doivent diffuser des informations d'espérance mais aussi chercher à voir s'il n'y a pas des mauvaises gestions de fonds alloués à l'activité.

 


Photo de National Institute of Allergy and Infectious Diseases sur Unsplash