Comment désarmer la désinformation avec vos contenus sur Facebook, Twitter et TikTok

17 mars 2023 dans Lutte contre la désinformation
Une femme à son bureau, se filme en train de parler

Ces dernières années, la désinformation s’est répandue de façon vertigineuse sur les réseaux sociaux, obligeant les journalistes et organes de presse crédibles à se remettre en question et à chercher la parade pour la combattre efficacement. 

En plus des techniques de vérification de contenu et d’authentification des photos et autres vidéos, il s’agit également de produire des contenus qui combattent frontalement la désinformation. Comment produire de tels contenus ? Tel a été l’objet du webinaire du 9 mars du Forum francophone de l'ICFJ, portant sur le thème "Comment se lancer dans le journalisme vidéo et produire des contenus qui combattent la désinformation sur Facebook, Twitter et TikTok ?". Il se déroulait dans le cadre du programme de l'ICFJ, baptisé Empowering the Truth, soutenu par le Scripps Howard Fund.

Lors de ce webinaire, Kossi Balao, directeur du Forum francophone Pamela Howard de l’ICFJ sur le Reportage des Crises Mondiales, a reçu Denis Teyssou, responsable du Medialab de l'Agence France-Presse, qui réalise des projets et des outils pour les journalistes et fondateur de l’extension de navigateur InVID-WeVerify.

L’objectif principal affiché par l’intervenant, c’est de parvenir à "désarmer la désinformation". 

 

 

Voici les éléments à retenir de l'intervention de Denis Teyssou. 

Déconstruire les infox

S’agissant des vidéos, il est essentiel de se poser les questions suivantes : Où semble se passer la scène ? Qui serait impliqué ? De quand date la vidéo ? Quelle en serait la source ? Y a-t-il des incohérences ?

Pour cela, "il convient d’utiliser le plugin InVID-WeVerify pour fragmenter la vidéo en images-clefs, ce qui permet de vérifier certaines de ces images sur les moteurs de recherche par similarité afin de voir si elles n’ont pas été indexées auparavant et, partant, si elles ne sont pas des images décontextualisées et utilisées pour des fins de manipulation", affirme Denis Teyssou.

L’outil de fragmentation permet ainsi de faire ressortir les images les plus saillantes de chacune des séquences vidéo, lesquelles pourront être utilisées par la suite lors de la construction de la vidéo de démystification.

Trouver des indices de manipulation

Il s’agit en effet de :

  • vérifier l’information relayée par la vidéo,
  • vérifier si les images ne sont pas déjà indexées par un moteur de recherche,
  • vérifier si le média apparenté a réellement diffusé la vidéo.

À titre d’exemple, en visionnant une vidéo montrant des supporters ukrainiens qui auraient été arrêtés au Qatar lors de la coupe du monde 2022 pour propagation de signes nazis, la première question susceptible de nous venir à l’esprit est de savoir si l’Ukraine y a été qualifiée. La réponse est non. L’on se demande alors pourquoi a-t-on une image de supporters ukrainiens dans les tribunes d’un stade à Doha alors que leur équipe nationale n’y était même pas qualifiée. 

En appliquant une recherche par similarité sur des images-clefs, il s’avère que l’une des images a déjà été indexée par un moteur de recherche russe et qu’il s’agit d’une image de supporters ukrainiens qui fêtent la victoire de la coupe du monde de football des moins de 20 ans qui s’est déroulée en Pologne en 2019. Il s’agit donc d’une photo de 2019 et non pas de 2022. Par ailleurs, le média apparenté, en l’occurrence Al-Jazeera, a publié un démenti déclarant que la vidéo en question est complètement fausse et que la chaîne n’a jamais publié aucun contenu en rapport avec cette histoire.

Recueillir des preuves visuelles de falsification

En regardant de plus près la même image-clef des supporters ukrainiens tirée de la vidéo, on se rend compte que sa résolution est de moindre qualité que celle de l’image originale, on constate que le logo d’Al-Jazeera ne figure pas sur l’image originale qui contient uniquement le logo de Getty images. En somme, tout ce qui est resté figé montre la filiation entre l’image-clef et celle de Getty images – l’image originale – et tout ce qui a changé illustre les tentatives de manipulation. 

"On peut montrer cela au moyen de CheckGif, un outil qui nous permet, à travers une première image suspecte et d’une deuxième image supposée être l’originale, de trouver les similitudes entre les deux et de fabriquer le GIF qui montre les tentatives de manipulation subies par l’image originale", explique Denis Teyssou. En téléchargeant le GIF ou une vidéo MP4 jouée en boucle, on arrive à montrer comment l’image originale a été altérée pour des fins de manipulation ; ce qui permet d’apporter une preuve visuelle de la contrefaçon.

Construire/remixer une vidéo de démystification

Parmi les outils que les journalistes pourraient utiliser pour construire des vidéos de démystification, il y a notamment ScreenFlow, un logiciel pas très cher, et des alternatives Open Source comme OpenShot ou Avidemux.

Ainsi, au moyen de différents logiciels, de nombreux médias de vérification des informations dans le monde produisent des vidéos de démystification en se basant sur des éléments visuels recueillis suite à l’analyse de photos ou de vidéos suspectes. 

Pour Denis Teyssou, "il est important de se tenir informé du travail réalisé par les autres collègues dans la communauté des vérificateurs des informations (fact-checkers) et rester à jour des techniques et astuces les plus efficaces." 

 

Diffuser la vidéo de démystification

On dit souvent que les vidéos des vérificateurs d’informations ne bénéficient pas de la même audience que celle dont jouissent les diffuseurs des infox. Il faut souligner que les audiences des uns et des autres sont différentes. Souvent, les diffuseurs de fausses informations ciblent des cercles idéologiques ou bien des cercles acquis à la théorie du complot.

Les vérificateurs, par contre, ciblent la communauté des journalistes, des groupes intéressés par l’éducation aux médias ou des institutions. C’est pourquoi la vitesse de diffusion des contenus de la désinformation et celle des contenus combattant la désinformation ne va forcément pas être la même.

Les vérificateurs peuvent remonter aux cercles qui ont été la cible de départ des vidéos d’infox afin d’y diffuser leurs propres vidéos de démystification afin d’en augmenter la vitesse de diffusion et de freiner la diffusion des contenus de la désinformation.

En outre, pour Denis Teyssou, "il est également possible de poster la vidéo de démystification sur des plateformes relayant le contenu de la désinformation, répondre à des commentaires sur Facebook ou Twitter en postant le lien vers la vidéo, réutiliser le hashtag véhiculant la désinformation en postant la contre-vidéo, etc."


 Photo : Brandy Kennedy, via Unsplash.