Côte d’Ivoire : la réalité de la lutte contre la désinformation dans les médias

5 juin 2023 dans Lutte contre la désinformation
Marché d'Adjamé à Abidjan, Côte d'Ivoire

Limiter la propagation de fausses informations dans les médias en Côte d’Ivoire est  désormais un exercice que devront se donner les journalistes, les lanceurs d’alertes, et les rédactions au quotidien. Dans quel contexte survient le plus souvent la désinformation, comment parvenir à rétablir la confiance avec les lecteurs, les auditeurs et redonner à l’information tout son art ? Quelles sont les bonnes pratiques à adopter fasse à un soupçon de fausses nouvelles ? 

Les avancées technologiques de ces dernières années ont mis le journalisme sous le feu des projecteurs. Que ce soit sur des sujets de santé de politique ou encore d’économie, aujourd’hui, des questions sur la qualité et la crédibilité de la presse se posent.

En Côte d’Ivoire, on constate que plusieurs facteurs agissent et transforment  au quotidien le paysage de la communication. Le péril est d'autant plus grand que les plateformes numériques et les réseaux sociaux décuplent la vitesse de propagation des campagnes de diffusion de fausses informations. Les réseaux sociaux n’aidant pas, il est judicieux aujourd’hui de prendre certaines informations venant de ces plateformes avec des pincettes.

"Nous faisons attention aux informations venant des réseaux sociaux et de certains sites Internet. Une vérification au niveau des sources se pose," souligne ici Mamadou Traoré, rédacteur en chef adjoint de l’Agence ivoirienne de presse (AIP). "En tant qu’agence de presse, nous ne sommes pas pressés de publier une information. Quand il y a une alerte, nous vérifions d’abord l’exactitude de l’information. Si cette information incrimine quelqu’un ou une institution, nous contactons les parties prenantes pour avoir leur avis. Nous travaillons ainsi pour ne pas induire nos lecteurs en erreur."

De fausses alertes à l’infodémie

Ces dernières années, la menace  évolue, ce qui fait dire à Monique Ngo Mayag, journaliste et fact–checkeuse à l’Agence France Presse (AFP) qu’il s’agit aujourd'hui d’une "infodémie." "La désinformation est effectivement un fléau pour le secteur des médias, on parle d’ailleurs d’infodémie pour montrer à quel point  le problème est sérieux et global. Cela nous exhorte davantage, nous qui avons pour matière première l’information, à être plus vigilants dans le processus  de collecte, de traitement et de diffusion de l’info. L’accent doit être mis sur la vérification, ce qui suppose d’avoir plusieurs sources pour tirer d’elles le vrai ou le véridique," précise-t-elle.

Il faut souligner que les infox polarisent au quotidien l’opinion publique, ce qui amplifie davantage les discours haineux. Dans cet imbroglio, pour les médias ivoiriens, on constate que des secteurs spécifiques de la vie publique sont sujets  à la désinformation.

"Les fake news, nous les craignons dans deux  secteurs, la santé mais surtout la politique. Très souvent à l’approche des élections, beaucoup de fake news sont lancées. Actuellement en cette période de veille des élections municipales en Côte d’ivoire, nous faisons le maximum pour ne pas donner au public d'informations erronées," explique M. Traoré.

Comment rétablir la confiance ?

Aujourd’hui, les enjeux sont tels qu’au-delà de faciliter la vérification, l’analyse et l’éducation aux médias sur la désinformation sont indispensables . Il est donc essentiel que ceux qui pratiquent le journalisme comprennent et rendent compte des nouvelles menaces qui pèsent sur les informations de confiance et surtout qu’ils se donnent les atouts pour mieux les combattre. Pour Mme Ngo Mayag, il est crucial d’utiliser d’abord son sens de l’observation.

"Nous utilisons au préalable les outils basiques, accessibles à l’internaute lambda, c’est-à-dire le bon sens. Hormis ces outils d’investigation numérique, nous procédons dans notre rédaction au croisement de sources comme tout journaliste et utilisons pour cela le vaste réseau de l’AFP à travers le monde qui représente un grand atout pour obtenir des informations dans les zones même les plus reculées," explique-t-elle.

Quels sont les outils utilisés ?

Le renforcement du fact–checking dans les rédactions fait partie des différentes mesures préconisées.

« Utiliser les outils de fact-checking est également une méthode de lutte contre la désinformation. En effet, certaines applications sont utilisées pour retrouver le contexte authentique d’une vidéo ou d’une photo. Par exemple, des moteurs de recherches tels que  Google images, Yandex, Tineye, bing, et aussi l’outil INVID weVerify, entre autres. Les rédactions peuvent se les approprier gratuitement, » conseille Mme Ngo Mayag.

Il faut tout de même rappeler qu’aucun média n’est à l’abri de la fausse information, aucune rédaction n’est à l’abri d’une erreur. Les manipulateurs d’informations et propagateurs de fausses nouvelles sont nombreux, pour cela,  un maximum de vérification s’impose dans les rédactions.

"L’un des outils que nous utilisons constamment dans notre rédaction est Google images pour démasquer les trucages. Nous  voulons former nos journalistes au fact- checking, à  l’aide de l’IA.  Nous avons également créé une rédaction pour la vérification des faits, AIP Fact-checking, au sein de notre média. Elle comprend un rédacteur en chef et des journalistes fack-checkeurs formés par notre partenaire sur les outils tels Verifox et d’autres, pour la détection et la dénonciation des fausses nouvelles," raconte le rédacteur en chef de l’AIP.

En conclusion, il faut se donner les moyens et la peine de vérifier, vérifier et encore vérifier ses sources avant de publier afin de réduire considérablement  la marge d’erreur.


Photo de Eva Blue sur Unsplash