Burkina Faso : l'érosion de la liberté de presse de plus en plus dénoncée par les journalistes

17 juil 2024 dans Sécurité physique et numérique
Microphone

Le Burkina Faso a procédé depuis 2022 à la suspension de plusieurs médias étrangers et locaux, accusés de traitement tendancieux de l’information sur la crise sécuritaire. Une mesure dénoncée par les organisations de défense de la presse.

Le 7 juillet 2024, les centrales syndicales et les syndicats autonomes du Burkina Faso ont exprimé leurs inquiétudes face à la restriction de la liberté de presse. Il s’agissait, selon un communiqué signé par Olivier Guy Ouédragogo et Windyam Zongo, syndicalistes, de dénoncer "les sanctions répétées contre la presse et qui réduisent chaque jour un peu plus l’espace de la liberté de la presse."

Une sortie qui fait suite à l’enlèvement, le 24 juin 2024, de Atiana Serge Oulon, directeur de publication du journal d’investigation L’Evénement, et la confiscation de ses portables et de son ordinateur portable. Le 20 juin 2024, le Conseil supérieur de la Communication (CSC), l’instance de régulation des médias concernant les médias locaux, suspendait ce même média pour un mois. 

Dans la foulée, le 19 juin 2024, le journal en ligne Lefaso.net, était sommé de renforcer le dispositif de modération des commentaires sur ses plateformes. Deux semaines après, l’émission 7Infos de la télévision BF1 a été suspendue par le CSC pour deux semaines, et son chroniqueur Kalifara Sere, enlevé et envoyé au front. Trois jours plus tard, il y a eu une manifestation d’une frange de la population au siège de la chaîne de télévision BF1 pour dénoncer le traitement de l’information suivie le 29 juin de la disparition de Adama Bayala, un autre chroniqueur de l’émission Presse écho sur BF1. 

Ces décisions du CSC suivent la suspension de six mois de TV5 Monde—sommée par ailleurs de payer une amende de 50 millions de francs CFA— et d’autres médias étrangers. Le vendredi 21 juin à Dakar, la Coalition sénégalaise des défenseurs des droits humains et de l'organisation Amnesty International dénonçait lors d'une manifestation la répression de la liberté de la presse et de la liberté d'expression au Burkina Faso.

Le 29 avril 2024, Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé la dégradation inquiétante de la liberté de la presse au Burkina Faso. Dans le même mois, Association des journalistes du Burkina Faso (AJB), dirigé par Guézouma Sanogo, et les associations de presse ont dénoncé dans un communiqué l’émiettement de la liberté de presse au Burkina.

En 2021, le classement mondial de Reporters Sans Frontières plaçait le Burkina Faso en 5e place en Afrique en matière de liberté de presse, soit la première place en Afrique francophone et la 37ème position au niveau mondial. Au lendemain des élections démocratiques post-insurrectionnelles de 2015-2022, qui a connu un président démocratiquement élu, Roch Marc-Christian Kaboré, salué par la communauté internationale, le Burkina Faso était connu comme un pays de liberté de presse et d’opinion. 

Mais en avril 2024, RSF a classé le Burkina Faso 86e sur 180 pays, un classement en baisse qui a certainement un lien avec la situation socio-politique du pays. 

Aujourd’hui, il est dit que la gangrène sécuritaire au Burkina contribue a dégradé les conditions de traitement de l’information. Pour certains observateurs de la liberté de la presse au Burkina Faso, la lutte contre les bandes armées a un lien avec la restriction de la liberté de presse. Il faut donc attendre le retour de la paix et de la démocratie, pour ouvrir le bal de la diversité d’opinion et de presse. 

Le Burkina Faso est un pays sahélien d’environ 274.000 km2 de superficie, qui compte 22 millions d’habitants, et est en proie aux groupuscules armés extrémistes depuis 2006. Les bandes armées d’obédiences djihadistes et fondamentalistes, écument le Sahel, avec le Niger et le Mali au centre de leurs activités violentes. Selon plusieurs organisations humanitaires telles que le Conseil danois pour les réfugiés (DRC), le Haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et le Comité international pour la Croix Rouge (CICR), plus de deux millions de burkinabè sont en situation humanitaire, en majorité des femmes et des enfants, privés des services sociaux, alors que la violence des bandes armées touche les civiles en zones rurales.

On dit qu'un tiers du territoire occupé par les bandes armées violentes subit l'utilisation d'armes létales et d'engins explosifs improvisés. Depuis 2016, les principales attaques armées qui ont visé les civils et les militaires sont revendiquées par le groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GNIM), l’Etat Islamique et l’Al-Qaïda qui forment une zone de violence partant du Sahel au Lac Tchad. C’est dans ce climat de violence continue que ce pays jadis démocratique de l’Afrique de l’Ouest francophone a basculé dans des régimes militaires.

 


Photo de Bogomil Mihaylov sur Unsplash