Aide au journalisme indépendant et international : deux exemples en France et au Canada

Sep 9, 2024 en Pérennité des médias
journaliste tapant sur un ordinateur

 

De la France au Québec, deux fonds d’aide à la presse indépendante soutiennent à leur niveau médias et journalistes. Ces forces vives sans but lucratif défient ainsi la surabondance du web, la chute libre des médias imprimés et des ventes publicitaires, et le géant tentaculaire du média « de masse » et ses groupes richissimes. Un point commun relie le Fonds pour une presse libre à Paris et le Fonds québécois pour le journalisme international : l’appui financier à un mouvement de presse libre de ses idées. Points de vue croisés de Guillaume Lavallée du Fonds québécois en journalisme international et Charlotte Clavreul, directrice exécutive du Fonds pour une Presse Libre. 

Hisser le drapeau de l’information internationale au Québec 

Avec son bassin de près de 9 millions d’habitants, le Québec se positionne, à sa façon, sur l’échiquier de l’actualité internationale. Pour lui donner de l’élan, le Fonds québécois en journalisme international (FQJI) mène depuis bientôt six ans une approche de soutien unique : financer des projets de reportage provenant d’initiatives de journalistes. Guillaume Lavallée, l’un des trois fondateurs, journaliste pour l’Agence France-Presse, en explique le fondement. « Le FQJI est une cagnotte de dépenses de reportages créée grâce au financement d’entreprises privées, de membres de la société civile et de donateurs publics et privés. Un appel à projets est lancé quatre fois par an pour des journalistes qui écrivent pour des médias québécois, quelle que soit l’envergure du média, sur le critère du mérite ». Le réalisme de réalisation du reportage hors de tout risque compte aussi. Ainsi, le journaliste sélectionné aura au préalable prévisionné un budget de frais de transport aérien, de fixeurs et autres dépenses pour aller n’importe où sur le globe. Un jury d’expérience, souvent des retraités du métier, évalue la pertinence du projet soumis. Le Fonds verse annuellement 80 000 dollars canadiens en bourses, soit une quinzaine de reportages, dans une cinquantaine de pays. 

FPL : front pour la circulation des idées 

Le Fonds pour une Presse Libre (FPL) apparaît en 2019, des suites d’une opération pour l’indépendance et l’autogestion du capital de Mediapart. Un quotidien d’information générale, sans actionnaire, ni publicité, ni actionnaire qui prône le participatif. L’entité devient la branche fondatrice du FPL dont l’aide accordée s’adresse non pas aux individus, mais à des médias indépendants. Une fois l’an, un appel à projets est lancé, ce qui représente à ce jour plus de 200 candidatures de médias français et européens. Les prérequis pour être éligibles à ce Fonds comptant 14 membres bénévoles et une directrice exécutive s’avèrent rigoureux, impliquant entre autres, d’être un éditeur de presse qui défend le pluralisme, la liberté de l’information de type politique et générale (IPG), d’apporter une plus-value informative et avoir son siège en Europe. Et par-dessus tout, soulève Charlotte Clavreul, « chaque projet doit tendre à pérenniser le modèle économique du média ». 

En fonction, deux types d’aides peuvent être octroyés : des subventions de projets d’innovation éditoriale et des avances de prêt bonifié sur deux ans, remboursables après trois ans. La première catégorie peut correspondre à une enquête sur l’eau ou l’écologie en mode rural, tandis que la seconde vise des projets de développement à plus long terme, par exemple la refonte d’un site web ou l’innovation commerciale et marketing nécessaire à tout média indépendant en ligne. En somme, ce sont 15 000 euros accordés en moyenne par an, 37 médias soutenus pour un total de 685 000 euros. « Notre modèle est inspiré du quotidien The Guardian en Grande-Bretagne sous l’aspect de la question des droits », précise Mme Clavreul. 

Information d’ici et d’ailleurs, demande le peuple 

Si les deux Fonds manient l’aide financière selon leur propre modèle, ces organisations répondent à une demande croissante de demandes. Pour la FQJI, il s’agit d’un levier pour combler les moyens des médias québécois à accroître un flux d’information internationale en demande, dans une société embrassant la mondialisation. « Je n’ai jamais senti de désintérêt pour l’information internationale chez les patrons de la presse québécoise. Notre fonds vient les aider à soutenir leurs moyens limités face aux revenus bouffés par le web. D’ailleurs, les reportages internationaux supportés par le fonds sont souvent mis en lumière en première page », évoque Guillaume Lavallée. 

Quel sera le défi pour les prochaines années ? Être en mesure d’honorer plus de dossiers et de trouver plus de donateurs. « À chaque appel, nous recevions de sept à huit projets, mais aujourd’hui, il y en a plus de vingt ! Cela prouve que les journalistes veulent partir… »

Sur la question de l’avenir de la presse libre en France, Charlotte Clavreul l’envisage avec espoir. Une ombre au tableau : le pays ne compte aucune entité philanthropique concernant la défense de la presse, la « seconde jambe » du FPL. Une réelle question de démocratie reste en plan. Mais la société française démontre sa volonté de changer la donne en matière de financement de l’information. « Presque tous les donateurs sont des particuliers », se réjouit-elle. Dans la mire future de son équipe, il demeure une visée ultime à atteindre : élargir les zones géographiques par l’octroi de plus de subventions et encourager, par tous les moyens financiers, la professionnalisation de la presse. « Certains journalistes ont quitté leur média et créent le leur, par eux-mêmes, un sacerdoce au service des citoyens », appuie la directrice exécutive. La France compte entre 150 et 200 médias indépendants.

Fonds pour une presse libre https://fondspresselibre.org/  

Fonds québécois en journalisme international www.fqji.org 


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