Dans un monde de plus en plus complexe et interconnecté, le journalisme évolue rapidement. Les attentes des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs changent simultanément, et la concurrence s'intensifie. Dans ce contexte, la spécialisation devient un enjeu majeur pour les journalistes souhaitant se démarquer.
Dans l'ouvrage « Journalismes spécialisés à l’ère du numérique » dirigé par Henri Assogba, plusieurs auteurs soulignent la nécessité de la spécialisation, voire de l'hyperspécialisation, face aux mutations numériques. Le journaliste spécialisé a pour rôle d'expliquer et de simplifier l'information relative à un secteur donné, tout en rapportant objectivement les événements et la complexité de la réalité. Contrairement à la vision du journaliste comme médiateur social, cette approche exige que le journaliste approfondisse ses connaissances et tienne une documentation à jour sur des thématiques spécifiques, garantissant ainsi une information lisible et pertinente pour le public. Il doit également rester constamment connecté à l'actualité de son domaine.
Une réponse aux besoins de l’audience
L’une des principales raisons d’opter pour une spécialisation est la demande croissante pour des contenus approfondis et pertinents. Les sujets tels que la santé, l'environnement, la technologie, la gouvernance, la promotion de la femme ou encore les affaires internationales nécessitent une expertise spécifique. Un journaliste spécialisé peut offrir une analyse plus poussée et des perspectives éclairées, ce qui augmente la crédibilité de l’information et fidélise le public.
La camerounaise Line Renée Batongue est journaliste scientifique et cheffe du Service environnement et développement durable à la Cameroon Radio Television (CRTV). Elle se positionne comme une experte de l’environnement dans son pays et est la présidente de l'association des journalistes scientifiques du Cameroun SciLife, vice-présidente du Réseau des Médias Africains Pour la Promotion de la Santé et l’Environnement (REMAPSEN).
Spécialisée en environnement depuis 16 ans, Mme Batongue explique que sa passion pour ce secteur découle de son lien avec des questions sociales et de développement touchant un large public, y compris les femmes, les enfants et les personnes âgées. Elle souligne l'importance de travailler avec passion pour s'investir pleinement et donner le meilleur de soi-même dans son domaine d'expertise.
En se positionnant comme des experts, les journalistes spécialisés renforcent leur crédibilité auprès de leurs audiences, mais aussi des sources. Cela facilite l’accès à des informations de qualité et des interviews avec des experts du secteur, enrichissant ainsi le contenu proposé.
Les avantages de la spécialisation
La spécialisation ouvre également de nouvelles perspectives professionnelles. Les médias recherchent souvent des journalistes capables de traiter des sujets complexes avec aisance. De plus, les journalistes spécialisés peuvent bénéficier de meilleures opportunités dans des niches spécifiques, comme le journalisme d'investigation, le journalisme scientifique ou encore le journalisme économique. Ces secteurs sont en pleine expansion et offrent des rôles variés, allant de l’écriture à la communication, en passant par la production multimédia.
Mme Batongue compare le journalisme à la médecine, soulignant que tout comme les médecins généralistes réfèrent des patients à des spécialistes pour des problèmes précis, les journalistes doivent également se spécialiser pour traiter des sujets avec autorité.
La journaliste ivoirienne Marthe Akissi, rédactrice en cheffe régionale du projet de Media 4 Peace de la CEDEAO, GIZ & MiCT et formatrice en journalisme de solutions, rejoint sa consœur camerounaise. Elle précise qu’« un journaliste mal formé, bien qu'il puisse aborder divers sujets, risque de diffuser des informations inexactes, ce qui pourrait nuire au public et à la communauté. En revanche, une spécialisation permet au journaliste de mieux comprendre les enjeux d'une question, d'aborder les sujets de manière impartiale et de traiter les informations de façon approfondie ».
Les journalistes ne sont pas des scientifiques, ils sont des communicateurs scientifiques. Ils doivent, souligne Mme Batongue, nouer des relations particulières avec des scientifiques qui mettent à leur disposition les données nécessaires pour les communiquer aux populations.
Pour elle, « la spécialisation en communication environnementale confère des avantages significatifs, notamment en faisant de vous une personne de référence dans ce domaine. En tant que spécialiste, vous êtes reconnu pour votre expertise, et les autres se tournent vers vous lorsqu'ils recherchent des journalistes spécialisés dans l'environnement. »
Ruth Kutemba de la République Démocratique du Congo (RDC) est spécialisée sur les questions liées aux femmes et le fact-checking. « En combinant mes compétences sur les questions féminines, en fact-checking, en journalisme de données, en investigation et en questions environnementales, je voudrais contribuer à un journalisme plus rigoureux et responsable, capable de répondre aux différents défis contemporains auxquels notre société est confrontée », explique-t-elle.
Adaptation aux nouvelles technologies
Avec l’avènement du numérique, les journalistes doivent également s’adapter aux nouvelles technologies. La spécialisation permet aux professionnels de maîtriser des outils spécifiques à leur domaine, qu'il s'agisse de logiciels d'analyse de données pour le journalisme économique ou d'outils de visualisation pour le journalisme scientifique. Cette compétence technique, couplée à une expertise sectorielle, est un atout précieux dans le paysage médiatique actuel.
Sophie Mbugua est une journaliste spécialiste de l’environnement basée au Kenya. Elle a eu l’occasion de réaliser des reportages sur l’environnement pour des médias locaux et internationaux, notamment Mongabay, Climate Homes News et BBC Science Radio. Elle a lancé Africa Climate Conversations (ACC), une plateforme d’information multimédia axée sur l’histoire du changement climatique d’un point de vue africain. En plus des reportages, l’ACC produit également des podcasts sur l’environnement et le changement climatique.
Pour Mme Mbugua, « les médias numériques sont devenus un élément essentiel de notre vie moderne. C’est une nouvelle façon de raconter une histoire, un moyen efficace de la distribuer et d’obtenir un retour d’information de la part d’un public diversifié dans le monde entier ».
La spécialisation dans le journalisme n'est pas seulement une tendance ; elle est devenue une nécessité. Dans un environnement aussi dynamique que le journalisme, la spécialisation représente un atout indéniable pour ceux qui souhaitent faire la différence et offrir un contenu de qualité.
إقرأوا المزيد من المقالات لـ
